Intervention de Gilles-Éric Seralini

Mission d'information sur les pesticides — Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Gilles-éric Seralini professeur de biologie moléculaire à l'université de caen

Gilles-Éric Seralini :

REACH ne concerne que les produits chimiques autres que les pesticides et les médicaments. Les molécules constituant les matériaux (bisphénol A, phtalates, ...) ne sont pas commercialisées avec les adjuvants, mais libérées en tant que telles. En revanche, un agriculteur utilise systématiquement des adjuvants lorsqu'il épand un pesticide, afin que le produit puisse pénétrer plus facilement la molécule.

Les pesticides devraient être évalués à long terme tels qu'ils sont utilisés par les agriculteurs. Or, ce n'est jamais fait.

Comme je l'explique dans mes publications, la dose journalière admissible (DJA) est une division de la dose sans effet dans l'expérience, qui est calculée à partir de la molécule seule. En réalisant des mélanges - de Roundup, PCB, atrazine - avec des produits plastifiants ou autres présents dans l'environnement - qui parfois servent d'adjuvant - nous avons montré que les DJA pourraient être divisées par 100 ! Il s'agit donc de prendre en compte l'effet combinatoire du mélange et donc de l'évaluer. Lorsqu'un principe actif est toxique, les effets secondaires sont démultipliés. Les formulations sont mises au point précisément pour obtenir des effets de synergie, mais elles ne sont pas évaluées, a fortiori sur le long terme.

Nos travaux montrent les points d'impact de l'emploi des produits phytosanitaires sur les cellules. Ce sont surtout des inhibiteurs de la communication cellulaire à l'intérieur ou entre les cellules. Songez que le corps humain comporte quelque 200 000 milliards de cellules ! Agissant comme du sable dans un moteur, ces produits peuvent perturber plusieurs organes à la fois.

Nous disposons de deux grands systèmes de communication : le système chimique, porté par le système hormonal et le système électrique, porté par le système nerveux. L'un et l'autre peuvent être atteints indifféremment. Dénués de réelle spécificité, ces produits ralentissent la communication cellulaire, comme des spams dans un ordinateur, ce qui peut provoquer l'apparition de maladies chroniques (maladies du système nerveux, Alzheimer, Parkinson, diabète, maladies de la reproduction ou du système immunitaire). Il n'est pas pertinent de chercher un lien direct entre un principe actif et une maladie chronique, puisque le système fonctionne en réseau.

Les pesticides agissent réellement en formulation et on ne les évalue qu'au niveau d'une molécule. Les effets les plus perturbants à long terme, et pour lesquels il y a débat, ne sont étudiés qu'au regard du principe actif. Du coup, la MSA externalise ce type de problèmes. Le suicide cellulaire programmé joue un grand rôle dans la vie foetale. Ainsi, la mort programmée de certaines cellules permet la formation des doigts. A l'inverse, les pesticides sont capables de reprogrammer la mort cellulaire vers le suicide cellulaire.

Nous avons montré qu'à des doses 100 000 fois inférieures aux doses agricoles, le Roundup était un perturbateur endocrinien, puisqu'une dose de 0,2 partie par million (ppm) de glyphosate a un effet de perturbateur endocrinien. On parle ici de « faible dose », mais elles sont très supérieures aux dosages hormonaux habituels : nous sommes loin de l'homéopathie, où la trace des produits chimiques n'est pas quantifiable. La norme applicable au soja transgénique est de 400 ppm. Avec une dilution de 100 pour l'alimentation, on aboutit à 4 ppm, alors qu'une perturbation endocrine est observée dès 0,2 ppm !

Les pathologies chroniques ayant une cause environnementale explosent actuellement dans l'ensemble de la population.

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