Intervention de Sophie Primas

Mission d'information sur les pesticides — Réunion du 12 juin 2012 : 1ère réunion
Audition du dr nadine houedé oncologue à l'institut bergonié centre régional de lutte contre le cancer de bordeaux et du sud-ouest

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Qu'est-ce qu'un sarcome ?

Dr Nadine Houedé. - Un sarcome est un cancer des parties molles, ou tissus de soutien (muscles et os).

Vous m'avez par ailleurs interrogée sur mon avis concernant les résultats de l'étude Agrican. Cette importante cohorte de 180 000 adultes, hommes et femmes, répartis sur douze départements, est constituée de personnes ayant cotisé au moins trois ans à la MSA. Sa conclusion brute affirme que le risque de cancers est moins élevé dans cette cohorte que dans la population générale française, ce qui peut paraître surprenant.

Il existe en réalité une différence dans la répartition du taux de cancer selon les régions françaises. L'étude Agrican a comparé les résultats des douze départements concernés à la mortalité générale. Pourtant, en dehors du département du Nord, le taux de mortalité lié au cancer était inférieur à la moyenne dans ces départements, ce qui peut constituer un biais dans l'analyse.

Les chercheurs ont redressé ces chiffres. Nous leur avons posé la question.

Dr Nadine Houedé. - Le taux de participation, qui ne dépasse pas les 30 %, a également pu introduire un biais. En outre, la moitié des réponses émane de retraités, ce qui a pu avoir un impact sur leur exposition. Enfin, peut-être les chercheurs manquent-ils encore de recul vis-à-vis de leur cohorte. En effet, nous considérons par exemple que la durée d'exposition doit atteindre cinq ans ou 1 000 heures pour peser sur le risque de cancer de la vessie. Le temps de latence avant l'apparition du cancer est ensuite de dix ans. Un suivi de la cohorte et une analyse plus détaillée des réponses pourraient donc faire émerger d'autres résultats.

Une analyse par type de cancer serait également pertinente.

Dr Nadine Houedé. - En effet. Concernant l'étude Phytoner, je me félicite que vous auditionniez le Dr Baldi, qui s'est montrée très active dans le domaine du registre des cancers en Gironde. Elle vous présentera sans doute ses recherches portant sur l'apparition de troubles cognitifs, notamment de la mémoire, de l'attention ou de la fluidité verbale, chez les personnes ayant été en contact avec des pesticides.

Vous m'avez également interrogée sur la question des maladies professionnelles. Entre le régime agricole et le régime général, les tableaux des maladies ne sont pas les mêmes, ce qui représente une difficulté pour les médecins traitants. La reconnaissance en maladie professionnelle relève du parcours du combattant pour le patient.

Le premier certificat doit être envoyé par le médecin traitant. Les agriculteurs, exploitants ou viticulteurs sont des populations qui s'écoutent peu. Leur lien avec la médecine de ville est souvent distendu. En outre, il est difficile pour les médecins généralistes de réaliser un dossier en l'absence de secrétaire. Certains patients m'ont rapporté que leur médecin traitant avait refusé de leur établir un dossier, arguant que les cancers liés aux pesticides n'étaient jamais reconnus comme maladie professionnelle et qu'il manquait de temps pour s'en occuper. Il m'arrive pour ma part de relancer des dossiers, mais ce n'est pas mon rôle.

La déclaration obligatoire devant être déposée dans les deux ans suivant le diagnostic, cela constitue également une difficulté dans la mesure où les patients sont confrontés à la mise en place de leur traitement, qui dure, par exemple, huit mois pour les tumeurs infiltrantes de la vessie. Les patients, à qui l'on pose une poche de stomie, doivent ensuite reconstruire leur vie.

Lors de la consultation d'annonce, je leur parle de la possibilité de faire une demande de reconnaissance de leur cancer comme maladie professionnelle. Mais je leur conseille également d'y réfléchir lorsqu'ils auront terminé leur traitement. En effet, il leur est impossible de tout mener de front. L'allongement du délai maximum de deux ans entre le diagnostic de la maladie et l'envoi du certificat initial serait donc souhaitable.

Je trouve par ailleurs étonnants les chiffres de la MSA portant sur le nombre de maladies professionnelles reconnues par an. Les tableaux mis en ligne sur Internet font état de quatre cas de cancers de la vessie reconnus par an. Ce chiffre représente pourtant le nombre de cas auxquels je suis confrontée annuellement au Centre anti-cancéreux de Bordeaux. Je n'ai pas connaissance du circuit complet aboutissant à la reconnaissance d'un cancer en maladie professionnelle mais les écueils sont nombreux. Je pense notamment aux personnes n'établissant pas leur déclaration, aux médecins traitants ne souhaitant pas monter de dossier ou aux déclarations non retenues.

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