Intervention de Christophe Hillairet

Mission d'information sur les pesticides — Réunion du 26 juin 2012 : 1ère réunion
Audition M. Christophe Hillairet président de la chambre interdépartementale d'agriculture d'île-de-france

Christophe Hillairet :

Je vous remercie de me recevoir. Je voudrais vous expliquer le rôle des chambres d'agriculture dans le domaine de la préconisation des pesticides. En tant qu'agriculteur, je suis utilisateur de produits phytosanitaires et donc exposé à leurs dangers. Lorsque l'on me demande si le monde agricole est un pollueur, je réponds oui assez librement car je ne connais pas d'activité humaine sans incidences sur l'environnement et sur la santé. Ces incidences doivent simplement être gérées le mieux possible.

La circonscription de la chambre interdépartementale d'agriculture, que je préside, recouvre l'ensemble de l'Île-de-France sauf la Seine-et-Marne. L'Île-de-France compte aujourd'hui 5 000 exploitations professionnelles sur 578 000 hectares. 48 % du territoire francilien est donc consacré à l'agriculture. Les grandes cultures représentent 82 % de cette superficie et sont cultivées par 75 % des exploitations. Les unités d'élevage représentent 5 % des exploitations. Ce faible pourcentage s'explique par le refus des Franciliens de voir des élevages s'installer près de chez eux.

L'horticulture fait travailler 150 entreprises réparties sur un peu moins de 300 hectares et souvent situées en très immédiate proximité de l'agglomération. Elles sont donc les premières touchées par l'urbanisation, tout comme les pépinières, le maraîchage et l'arboriculture. La sylviculture concerne 283 000 hectares, soit 24 % du territoire francilien et 75 entreprises. Au total, plus de 70 % du territoire francilien est couvert par des activités naturelles.

Concernant l'usage des pesticides dans la deuxième moitié du XXe siècle, vous devez savoir que, pendant une longue période, les agriculteurs ont largement utilisé ces produits pour endiguer un certain nombre de problèmes agronomiques. La démarche est désormais un peu différente. La nouvelle génération d'agriculteurs se pose beaucoup plus de questions sur l'utilisation des pesticides et sur l'agronomie en général.

Dans le cadre d'Ecophyto, l'Île-de-France accueille 34 fermes de référence dont 9 dans ma circonscription et 25 en Seine-et-Marne. La surface agricole utile (SAU) totale s'élève à 6 900 hectares dont 4 300 sont engagés à ce jour. Nous avons mis en place des sessions de formation sur l'agriculture intégrée à l'intention de ces exploitations. Nous avons aussi organisé des démonstrations tous publics de désherbage mécanique. La chambre d'agriculture s'est en effet dotée de trois bineuses et préconise aux agriculteurs, en plus des itinéraires tout phyto, des itinéraires mixtes phyto/désherbage manuel.

Nous mettons ces bineuses à disposition des agriculteurs avant d'effectuer des comptages de mauvaises herbes pour évaluer leur efficacité. L'une de ces bineuses est affectée à une zone de captage prioritaire pour essayer de sensibiliser les agriculteurs à la protection de ces espaces sensibles. Toutefois, nous mettons cette action en place de façon pragmatique. Nous développons ainsi très largement le binage pour les cultures sarclées mais nous y renonçons lorsque les cultures ne le permettent pas.

Une spécificité de notre région est que les coopératives agricoles ne préconisent pas de produits phytosanitaires aux agriculteurs. Ce sont les techniciens des chambres d'agriculture qui se rendent dans les exploitations et qui effectuent des préconisations sans aucun lien avec les firmes. Nous ne vendons rien ; nous apportons seulement du conseil. Dans ce contexte, je ne vous cache pas que les relations avec les coopératives et les négoces sont un peu tumultueuses parce que nos programmes ne cadrent pas forcément avec leurs gammes de produits.

Nous tenons beaucoup à ce fonctionnement qui est la structure de base de notre chambre interdépartementale. La moitié de nos effectifs est d'ailleurs sur le terrain pour assister les agriculteurs. A la fin des campagnes d'essais, nous organisons des réunions pour présenter nos essais moitié phyto moitié désherbage mécanique mais aussi nos itinéraires en agriculture biologique. Nous avons aussi effectué dans le cadre d'Ecophyto une visite de micro ferme Arvalis à Boigneville.

Nos principales actions d'expérimentation concernent les itinéraires intégrés en blé tendre. Nous avons la chance d'être accompagnés dans ce projet par les conseils généraux de l'Essonne et des Yvelines qui financent des bandes d'agriculture intégrée. Nous avons fait le choix de localiser principalement ces bandes sur les captages prioritaires car ce sont les zones les plus fragiles.

C'est une grande chance de pouvoir s'appuyer sur deux conseils généraux qui ont bien compris la problématique de l'agriculture intégrée et la volonté de la profession d'essayer de trouver des techniques plus économes en intrants tout en permettant de maintenir les revenus des exploitations. Le conseil général des Yvelines finance les bandes intégrées à hauteur de 100 000 €, celui de l'Essonne à hauteur de 60 000 €. Ce dispositif fonctionne très bien puisque, chaque année, nous devons refuser des demandes d'agriculteurs, le plafond de financement étant atteint.

Nous effectuons aussi des essais de comparaisons variétales de blé tendre, aussi bien en termes de rendements qu'en termes d'économies d'intrants. Cette année, nous avons visité des parcelles d'essai où les maladies se sont vraiment développées et où nous pouvons examiner les résistances de chacune des variétés. Nous cherchons les variétés qui offrent un bon compromis entre résistance et rendement.

Comme je le disais, nous avons effectué un travail important au niveau des zones de captage. Ce travail est assez atypique puisque nous utilisons la méthode Aquaplaine développée par Arvalis. Cette méthode consiste à étudier la vulnérabilité des sols grâce à dix ou quinze prélèvements à l'hectare et à en tirer une cartographie des vulnérabilités. Lorsqu'une vulnérabilité très importante est identifiée, nous ne nous interdisons pas d'enherber les sols ou de passer en agriculture biologique. Si aucune vulnérabilité n'est constatée, nous maintenons nos cultures habituelles, y compris en zone de captage.

L'une des questions posées concernait les résultats de la mise en oeuvre du plan Ecophyto en 2018. Il m'est impossible de répondre à cette question car les cycles de l'eau et de la nature durent de cinq à cent ans suivant le type de sol. Vouloir effectuer un bilan des résultats d'Ecophyto au bout de quelques années seulement est illusoire. Je ne suis pas hostile à des mesures sur le plan environnemental, notamment sur les pesticides et sur l'azote, mais il faut pouvoir prendre un recul scientifique suffisant pour en mesurer les résultats.

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