Deux catégories de population peuvent être distinguées : les applicateurs, qui sont les plus exposés, et ceux qui fabriquent les pesticides dans les usines. L'usage domestique peut également avoir des effets sur la santé.
S'agissant des expositions professionnelles, les pesticides ont été mis en cause dans des hémopathies malignes. Une expertise de l'INSERM a été mise en place en 2008 pour étudier les principaux cancers associés aux contaminants de l'environnement. La population agricole a été prise en considération dans ces études. Il semblerait que les pesticides soient impliqués dans les tumeurs cérébrales et les cancers hormono-dépendants des agriculteurs ou de leur conjoint. Parmi les cancers hormono-dépendants, on trouve principalement les cancers de la prostate, du sein, des testicules et de l'ovaire. S'agissant des usages domestiques, une étude en partie financée par l'ANR a montré que l'utilisation d'insecticides par la femme enceinte est un facteur aggravant pour la survenue de leucémie chez l'enfant, avec un facteur 2.
Il n'est pas très facile d'établir les liens entre l'exposition aux pesticides et la survenue de pathologies. Tout d'abord, la population agricole n'est pas homogène et n'emploie pas les mêmes pesticides. Ensuite, les pathologies font suite à des expositions au long cours, simultanément ou successivement à plusieurs pesticides.
La première cohorte a été mise en place aux États-Unis d'Amérique (Iowa et Caroline du Nord) dans les années 1990 : 50 000 agriculteurs - dont 5000 applicateurs professionnels - et 30 000 conjoints ont fait l'objet d'une étude. Certains cancers sont plus fréquents chez les agriculteurs, notamment les hémopathies, leucémies, cancers du système nerveux central et cancers hormono-dépendants. Cependant, les taux ne sont pas très élevés. Par ailleurs, alors que certaines études mettent en évidence de fortes corrélations entre un produit et une pathologie, d'autres soulignent que cette corrélation est faible. Pour un pesticide donné, les études peuvent donc être contradictoires. Les doses et les mélanges doivent également être pris en compte. Un individu n'est jamais exposé à un seul pesticide à la fois, ce qui cause des interactions comme avec les médicaments. Enfin, il convient de prendre en compte les facteurs génétiques et la capacité des individus à neutraliser les polluants.
Prenons l'exemple de la chlordécone utilisée, de 1973 à 1993, pour tuer les charançons qui attaquaient les bananiers. Nous nous sommes aperçus que la chlordécone était toxique. L'ANR a financé quatre études sur le sujet. Nous avons mis au jour une corrélation entre la concentration plasmatique de chlordécone et la survenue du cancer de la prostate, mais nous nous sommes aperçus que le facteur génétique était très significatif. En effet, certains individus métabolisent la chlordécone moins bien que les autres. Que s'est-il passé lors des grossesses ? Une étude démarrera bientôt sur 1 000 enfants. Il convient de multiplier les études pour clarifier les effets.