Intervention de Alain Garrigou

Mission d'information sur les pesticides — Réunion du 24 juillet 2012 : 1ère réunion
Effets des pesticides sur la santé des utilisateurs de leur famille et des riverains : regards croisés — Table ronde

Alain Garrigou, LSTE de Bordeaux 2 :

Je vous propose le point de vue de l'ergonomie en général qui s'intéresse aux situations d'activité et d'usage de pesticides. Je suis incapable de dire si ce que j'observe sur le terrain portera atteinte à la santé à l'avenir. Mon travail consiste à montrer si les agriculteurs se contaminent avec les pesticides utilisés et à identifier les déterminants des situations où les personnes sont exposées. Les modèles représentent un état de la connaissance à un instant T. Quelles sont les limites de ces modèles et quel écart existe-t-il entre eux ?

Il existe une sorte de pré-requis affirmant que les agriculteurs ne respectent pas les prescriptions pour leur protection. Les actions longtemps menées par les préventeurs concernent les agriculteurs. Elles ont pour objet de transformer leur représentation des risques et pas forcément de les rendre acteurs du processus de prévention. Notre position consiste à ne pas attendre de savoir si un produit est dangereux ou non mais d'identifier des marques de contamination qui mettent en évidence un risque potentiel. Nous nous intéressons donc, non pas au produit en tant que tel, mais à la situation d'usage du produit et aux fabricants de matériels permettant l'épandage ou la pulvérisation.

L'usage des pesticides en France résulte d'un transfert de technologies entre des milieux pointus de la recherche en chimie. Cependant, ce transfert est mal maîtrisé. En prévention, nous tenterons de décliner différentes formes : la prévention primaire qui consiste à supprimer, à la source, les produits dangereux et la protection collective ou, à défaut, individuelle.

L'homologation fait appel à un certain nombre de modèles européens qui existent depuis la fin des années 1980. Ceux-ci ont été révisés mais, dans leur construction interne, ils soulèvent un certain nombre de questions par rapport à la réalité de terrain. Dans ces modèles, on considère que les combinaisons qui protégeront les opérateurs sont efficaces à 90 % ou 95 %. Par ailleurs, ces modèles sont adaptés à de grandes exploitations agricoles qui disposent d'une organisation, d'un matériel de dernier cri et de surfaces regroupées mais ils ne seront pas pertinents pour des petites exploitations dans les régions de polyculture avec des espaces éclatés sur différents territoires. Il existe aujourd'hui une faiblesse des modèles pour appréhender la réalité des situations des petites exploitations. Dans les modèles, on se focalisera également sur un produit ou un mélange de matières actives. Cependant, dans la réalité, les agriculteurs mélangeront des produits de différentes firmes pour gagner du temps et réduire les coûts de gasoil.

Aujourd'hui, les industriels ne savent filtrer que des grosses particules et ne sont pas capables de fabriquer des systèmes de filtration pour des fines particules ou des aérosols. Or, les techniques de pulvérisation actuelles vont produire des particules et des aérosols qui ont quasiment un comportement physico-chimique de gaz. Un agriculteur qui achètera une cabine avec un système de filtration sera davantage protégé que sans cabine mais sera néanmoins contaminé à terme.

Par ailleurs, la conception des matériels agricoles n'intègre pas les différents éléments (tracteurs, filtration) en amont. Certains systèmes techniques sont donc des aberrations. Pour des matériels dont le coût avoisine 80 000 € ou 100 000 €, des problèmes importants d'accessibilité aux cuves sont constatés. Un des problèmes majeurs identifiés est la contamination cutanée, en particulier celle des cuisses.

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