Intervention de Stéphane Le Foll

Mission d'information sur les pesticides — Réunion du 24 juillet 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Stéphane Le foll ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt

Stéphane Le Foll :

Je vous remercie, Madame la Présidente, ainsi que Mesdames et Messieurs les Sénatrices et les Sénateurs. Vous avez indiqué que cette mission a déjà réalisé un long travail d'auditions, de rencontres et de collecte d'informations qui vous permettra de finaliser un rapport sur les pesticides dont l'utilisation en agriculture et dans le jardinage peut avoir des conséquences néfastes voire dangereuses pour la santé humaine.

Le ministre de l'agriculture ne vous communiquera pas des éléments de réponse au rapport que vous rendrez dans quelques mois. Je tente de m'inscrire dans une démarche globale et ne dispose pas d'autant d'éléments que ceux collectés par votre mission. Je suis en train de construire ma propre documentation et analyse car, depuis le 16 mai, des actions ont dû être menées. Par ailleurs, cette question qui est liée à l'actualité, avec notamment les épandages aériens, a surgi brutalement. Je n'ai donc pas pu l'anticiper.

Je me situe dans la perspective du Grenelle avec le plan Ecophyto 2018 qui fixait des objectifs ambitieux, à savoir la diminution de l'utilisation des pesticides à hauteur de 50 %. Ce qui m'importe aujourd'hui, c'est de partir d'un bilan pour envisager l'avenir. Nous avons réussi à diminuer de près de 87 % le recours à des molécules actives jugées dangereuses (cancérogènes, mutagènes, etc...). En revanche, je constate que le recours aux produits phytosanitaires stagne. Nous serons donc dans l'incapacité d'atteindre l'objectif de réduction de 50 % fixé. D'où vient le problème ?

Si je me penche sur les résultats du Grenelle, je note que pour la surface agricole utile (SAU) en agriculture biologique, nous avions fixé un objectif extrêmement ambitieux : 20 % en 2020 et 12 % en 2009. Nous n'avons réussi à atteindre que 3,5 %. On se donne souvent des objectifs ambitieux qui servent beaucoup à la communication mais ceux-ci ne se traduisent pas forcément en actions. J'ai envie de fixer des objectifs moins ambitieux mais d'avoir une action effective. Je souhaite assurer cette transition vers une agriculture à la fois performante économiquement et écologiquement. Des modèles conventionnels ont été mis en oeuvre, il y a trente ou quarante ans. Aujourd'hui, on doit réfléchir à l'évolution de ces modèles.

Après en avoir parlé avec les services, on constate un problème de diffusion avec le plan Ecophyto 2018. Des actions ont été menées sur les mises en marché. Des résultats ont été obtenus pour les réseaux de fermes testés et par la formation des agriculteurs avec Certi-Phyto. Cependant, cela ne concerne pas l'ensemble de la population. Une communication sera donc élaborée et des messages sur les bonnes pratiques seront diffusés.

Comment expliquer les raisons de ce blocage ? Tant que nous ne réfléchirons pas, en premier lieu, à l'évolution des modèles de production, nous pourrons toujours fixer des objectifs et durcir les normes mais nous ne parviendrons pas à lancer la dynamique nécessaire pour réussir. Nous pourrons consentir des efforts et obtenir des résultats positifs, ce qui est le cas pour la fin de l'utilisation d'un certain nombre de molécules dangereuses, mais nous ne parviendrons pas à l'objectif de diminution du recours à ces substances qui posent problème pour l'écologie et la santé humaine. Des maladies ont été identifiées comme étant directement liées au recours à un certain nombre de molécules, notamment la maladie de Parkinson.

Cette mission sénatoriale d'information est importante car elle dressera un bilan, mais pour faire évoluer les choses, une approche beaucoup plus systématique sera nécessaire pour aboutir à des réductions significatives des recours à l'ensemble des produits phytosanitaires.

Vous avez posé un certain nombre de questions techniques sur l'organisation des autorisations. Comme vous le savez, un changement de règlement sur les perturbateurs endocriniens interviendra à la fin 2013. Nous travaillerons sur ce sujet pour anticiper, autant que possible, le retrait des substances dangereuses afin de ne pas faire courir des risques aux utilisateurs.

Dans quelles conditions les pesticides doivent-ils être utilisés ? Celles-ci doivent être indiquées par le fournisseur sur l'emballage. En outre, l'autorisation d'un produit devra également intégrer les conditions de son utilisation.

Des questions d'actualité doivent également être réglées. Les épandages aériens sont en principe interdits. Les dérogations accordées sont liées aux conditions topologiques (difficulté d'accès pour les tracteurs...). Des dérogations spécifiques sont accordées pour certaines matières et sur des surfaces avec des rotations limitées. Comme je l'ai indiqué à France Inter, l'objectif est d'éviter de manière définitive le recours aux épandages aériens. Je pense que l'on peut et que l'on doit trouver des alternatives. Certaines existent déjà et nous en trouverons d'autres.

Entre les décisions prises en 2009 et aujourd'hui, on observe une réduction très nette (-22 %) des surfaces sur lesquelles nous avons eu recours à l'épandage aérien. Nous devons poursuivre cet effort pour ne plus y avoir recours, sauf cas exceptionnel. Nous avons ainsi sollicité les instituts de recherche pour éviter au maximum le recours à ce système d'épandage.

Durant la phase de transition, nous devons gérer de manière plus cohérente les orientations données car j'ai constaté que certains départements signaient des dérogations plus facilement que d'autres. Ces sujets ne peuvent faire l'objet de décisions à géométrie variable car ils engagent la santé. Nous travaillerons donc pour que les dérogations soient plus strictement encadrées afin de réduire davantage les surfaces concernées.

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