Intervention de Claude Bérit-Débat

Commission des affaires économiques — Réunion du 11 septembre 2012 : 2ème réunion
Mobilisation du foncier public en faveur du logement — Examen du rapport

Photo de Claude Bérit-DébatClaude Bérit-Débat, rapporteur :

Je serai aussi bref que possible afin que nos collègues du groupe UMP puissent assister à la cérémonie en mémoire du président François-Poncet.

Nous sommes tous conscients que notre pays traverse une grave crise du logement. L'étude d'impact annexée au projet de loi comprend de nombreuses données illustrant la gravité de cette crise. Les titres premier et II de ce projet de loi mettent en oeuvre des engagements forts du président de la République, qui a fixé des objectifs ambitieux : construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Le titre III, qui porte sur la loi de 2010 relative au Grand Paris, relève de la compétence de la commission du développement durable.

Le titre premier permet la mise à disposition gratuite de terrains publics afin de soutenir et de favoriser la construction de logements sociaux. L'article premier relève le montant de la décote sur la valeur vénale d'un terrain de l'État cédé pour la construction de logements sociaux. Il porte à 100 % la décote maximale, aujourd'hui fixée à 25 % et 35 % pour les « zones tendues ». Cette décote sera modulée en fonction de la catégorie des logements sociaux et des circonstances locales et ne s'appliquera qu'à la partie du programme de construction destinée aux logements sociaux. Elle sera de plein droit en cas de cession du terrain à une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), un établissement public foncier ou encore un organisme HLM et lorsque le terrain figurera sur une liste de parcelles établie par l'État.

Ce dispositif est strictement encadré afin d'éviter tout effet d'aubaine : l'avantage financier résultant de la décote est répercuté exclusivement et en totalité dans le prix de revient des logements locatifs sociaux ou des logements en accession sociale à la propriété. Des clauses anti-spéculatives sont fixées dans le cas de l'accession sociale à la propriété. Une convention est établie entre l'État et l'acquéreur du terrain, comprenant des engagements de l'acquéreur quant à l'utilisation du terrain, avec pénalités financières en cas de manquement.

L'article 2 prévoit l'extension, dans des conditions définies par décret, des dispositions de l'article premier aux établissements publics de l'État. La liste des établissements publics concernés serait également fixée par décret.

L'article 3 est de conséquence : il permet d'appliquer la décote lors de l'exercice du droit de priorité à l'occasion de la cession de parcelles appartenant aux établissements publics de l'État.

Le titre II renforce les dispositions de l'article 55 de la loi SRU. L'article 4 relève de 20 à 25 % le taux communal obligatoire de logements sociaux. Le taux de 20 % demeure cependant applicable aux agglomérations ou aux EPCI dont le parc de logement ne justifie pas un effort de production supplémentaire. La liste des agglomérations ou des EPCI concernés sera fixée par décret, en fonction de trois critères : la part de bénéficiaires de l'allocation logement dont le taux d'effort est supérieur à 30 % ; le taux de vacance dans le parc social et le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements dans le parc social.

L'article 5 étend aux bailleurs des EPCI dont les communes sont potentiellement soumises à l'article 55 l'obligation d'inventaire des logements sociaux.

L'article 6 modifie la liste des bénéficiaires du prélèvement effectué sur les ressources fiscales des communes soumises à l'article 55, lequel sera reversé en priorité aux EPCI délégataires des « aides à la pierre » -et non plus aux EPCI dotés d'un plan local de l'habitat (PLH) et compétents pour effectuer des réserves foncières. Les établissements publics fonciers d'État pourront aussi en être bénéficiaires.

L'article 7 reporte à 2025 l'échéance pour atteindre le taux communal obligatoire de logements sociaux. Il fixe des objectifs stricts de rattrapage par période triennale mentionnant la typologie des logements locatifs sociaux.

L'article 8 prévoit l'avis de la commission départementale avant l'arrêté de carence visant les communes ne respectant pas leurs engagements. Le préfet pourra majorer le prélèvement jusqu'à le multiplier par cinq, l'article 9 supprimant la possibilité pour la commission départementale de doubler la majoration prévue par le préfet.

L'article 10 institue un fonds national abondé par les majorations de prélèvement, et qui octroiera des suppléments de financement aux logements réservés aux ménages très modestes.

L'article 11 autorise le préfet à déléguer l'exercice du droit de préemption qu'il exerce sur le territoire des communes carencées à un EPCI délégataire des aides à la pierre ou à un établissement public foncier local.

L'article 12, supprime un alinéa de l'article 1 609 nonies C du code général des impôts, issu de l'article 57 de la loi SRU, qui permettait aux EPCI de reverser une partie du prélèvement opéré sur les ressources fiscales des communes soumises à l'article 55. Les articles 13 et 14 portent des dispositions transitoires.

Depuis le dépôt du projet de loi, j'ai rencontré les associations d'élus locaux, les représentants des bailleurs sociaux, les professionnels du secteur, la fondation Abbé-Pierre et le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées (HCPLD), ainsi que les établissements publics de l'État potentiellement concernés par le dispositif de cession gratuite, RFF, la SNCF et Voies navigables de France. Toutes les personnes auditionnées - à l'exception des établissements publics de l'État qui n'ont pas émis d'opinion - se sont félicitées du projet de loi, symbole de la priorité nationale que constitue le logement pour ce gouvernement. Ils saluent la cession gratuite, le relèvement à 25 % du taux obligatoire de logements sociaux et la possibilité de multiplier par cinq les pénalités contre les communes s'exonérant de leurs obligations.

La mise à disposition gratuite, inspirée du rapport Repentin de 2012 sur la loi majorant les droits à construire, est une mesure symbolique, l'État se montrant exemplaire, qui devrait encourager la construction de logements. Entre 2008 et 2011, près de 3 % des logements ont été construits sur du foncier public, ce taux atteignant 20 % en Île-de-France. La mobilisation du foncier public n'a donc rien d'anecdotique. Une décote de 100 % accélérera les opérations, dont certaines sont bloquées du fait de la complexité des négociations avec les services des domaines ou les établissements publics de l'État. La décote augmentera les capacités financières des bailleurs en réduisant le prix de revient de certaines opérations.

Si les pénalités de la loi SRU ont donné lieu à de très vifs débats en 2000, notamment au sein de notre Haute assemblée, elles sont désormais beaucoup moins clivantes. Le Sénat a montré son attachement à ce dispositif en refusant, en 2008, à une très large majorité, l'intégration de l'accession sociale à la propriété dans le décompte des logements sociaux. Le projet de loi renforce à juste titre ces dispositions. Le manque de logements sociaux est criant sur certains points du territoire, et notre pays compte 1,7 million de demandeurs. Le relèvement du taux obligatoire à 25 % dans les zones tendues encouragera la construction de logements sociaux et le renforcement des pénalités incitera les communes récalcitrantes à contribuer à l'effort national de construction et de mixité sociale.

Ce texte est une avancée importante. Les amendements que je vous proposerai ne remettent pas en cause son équilibre. Il s'agit seulement de faire en sorte que les engagements du président de la République soient effectivement appliqués sur le terrain. Le ministère a été incapable de m'adresser un bilan du dispositif actuel de décote. Selon les associations d'élus et les bailleurs sociaux, il serait peu utilisé. Afin de rendre impossible tout blocage venant par exemple de France domaine ou de Réseau ferré de France, je vous proposerai d'inverser la logique de la décote et de la fixer à 100 % « sauf exception ».

Au même article, je vous proposerai de préciser que la liste des terrains cessibles est soumise à l'avis du Comité régional de l'habitat, instance où sont représentées les collectivités territoriales. Les élus locaux sont les meilleurs connaisseurs de leur territoire, ils doivent être coproducteurs de cette liste.

L'article 2 laisse trop de marge de manoeuvre au pouvoir réglementaire. Je vous inviterai à nommer dans la loi les trois des établissements publics de l'État qui seront concernés, à savoir RFF, la SNCF et Voies navigables de France (VNF).

Je vous proposerai de réintroduire dans le décompte des logements sociaux au titre de l'article 55 les places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Il faut certes éviter un double décompte des CHRS mais aussi inciter les communes à en accepter la présence sur leur territoire.

J'espère que notre commission, puis le Sénat, adoptera à une large majorité ce projet de loi qui constitue, à mes yeux, une première réponse adaptée à la grave crise du logement que notre pays traverse.

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