À M. de Montesquiou, qui a parlé de garanties unilatérales données par l’Inde, je me permets de répondre qu’un certain nombre des systèmes de contrôle acceptés par l’Inde ne sont pas unilatéraux. Ils résultent d’un accord passé avec l’AIEA, et donc de l’application d’un texte qui a une valeur juridique et qui va au-delà de simples garanties unilatérales ! L’Inde a adopté un plan de séparation entre ses installations nucléaires militaires, d’une part, et civiles, d’autre part.
Il en a été de même pour la France quand elle a signé, vingt-quatre ans après son ouverture à la signature, ce traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Monsieur de Montesquiou, vous m’avez également interrogé, comme d’autres intervenants, sur le Pakistan et Israël ? Quid de l’élargissement à d’autres pays, particulièrement à ceux-là, de la dérogation au traité, qui revient à leur accorder un statut d’exemption ?
Vous connaissez la doctrine d’Israël. Ce pays ne reconnaît pas la possession d’armes nucléaires et n’est pas prêt, à l’heure actuelle, à accepter de signer le TNP, ni même d’ailleurs un système d’exemption. Mais cela peut changer…
S'agissant du Pakistan, la question a été posée. Pour m’y être rendu lorsque je m’occupais notamment de l’Afghanistan, je sais qu’un certain nombre d’officiels pakistanais ont émis le désir de voir se développer dans leur pays une industrie nucléaire civile et donc de trouver un système similaire à celui de l’Inde. À ce stade, et sans engager plus avant le Gouvernement, je note simplement que l’histoire du développement nucléaire au Pakistan n’est pas, de ce point de vue, particulièrement rassurante !
Si l’industrie nucléaire de l’Inde a proliféré à partir d’installations civiles et si ce pays a veillé ensuite à ne disséminer ni la connaissance, ni la technologie, et encore moins les installations nucléaires civiles, on peut être beaucoup plus critique à l’égard de la Corée du Nord, du Pakistan et de certains autres pays.
L’exemple du docteur Abdul Qadeer Khan, que j’ai jadis rencontré à Islamabad et dont la carrière va de l’usine d’enrichissement d’uranium hollandaise, Urenko, jusqu’à la création de la bombe atomique pakistanaise, n’est pas très rassurant à cet égard, d’autant qu’il a récemment été élargi par la justice pakistanaise !
Je n’en dirai pas plus. Mais, personnellement, je doute que soit étendu à d’autres pays le régime d’exemption accordé à l’Inde après des années de négociations et un examen très approfondi de la part non seulement des États-Unis, de la France et de la Russie, mais aussi de pays exportateurs. Cela me permet de répondre en même temps à d’autres orateurs, notamment MM. Didier Boulaud et Michel Billout, qui se sont inquiétés de la fragilisation du système du traité sur la non-prolifération. Vraiment, je ne pense pas que l’exemption indienne fasse immédiatement et massivement jurisprudence.
J’en viens à la question de l’Iran posée, entre autres, par MM. Boulaud, Billout et de Montesquiou. À la différence de l’Inde, ce pays est signataire du traité sur la non-prolifération. Dès lors comment obtenir l’arrêt de l’enrichissement, que nous appelons de nos vœux, alors que le traité signé en 1968 ne l’interdit pas expressément, pas plus qu’il ne prohibe le retraitement ?
Le traité de non-prolifération était en effet fondé sur le principe d’un échange entre l’accès au nucléaire civil et le renoncement aux armes nucléaires. Ce n’est que postérieurement, dans les années soixante-dix, avec la constitution du groupe des exportateurs de biens nucléaires au lendemain du premier essai indien, que le régime des garanties a été progressivement élargi, et les parties sensibles du cycle – l’enrichissement et le retraitement, qui permettent de développer soit le nucléaire civil, soit le nucléaire militaire –, sécurisées.
En ce qui concerne l’Iran, le problème est que ce pays a engagé un programme très important d’enrichissement, qui lui permet de disposer de plus d’une tonne et demie d’uranium enrichi, alors qu’il n’a toujours pas de réacteur nucléaire civil en fonctionnement. C’est ce décalage pour le moins frappant qui nous conduit à penser que la sécurité internationale impose d’obtenir l’arrêt de cet enrichissement et le démantèlement des installations qui y contribuent.