Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 15 octobre 2009 à 9h30
Accord de coopération avec l'inde pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire — Adoption d'un projet de loi

Pierre Lellouche, secrétaire d'État :

Au-delà, il faudrait que l’enrichissement nécessaire au nucléaire civil se fasse en dehors de ce pays.

Ce point nous permet d’ailleurs de revenir à une autre question, fort intéressante, posée par M. Boulaud sur les méthodes d’enrichissement pour les pays qui ne sont pas tentés par la prolifération. Du côté français, nous avons essayé de mettre en œuvre cette fameuse idée de banque du combustible, annoncée dès 1946 dans le plan Baruch, EURODIF et URENCO pouvant finalement être assimilées à des installations multinationales d’enrichissement. La création d’une telle banque faisait partie des engagements de campagne du Président Sarkozy et nous soutenons naturellement les initiatives qui pourraient être prises des deux côtés de l’Atlantique, entre Européens ou avec les États-Unis.

Vous sembliez reprocher implicitement à la France de développer des programmes nucléaires civils, monsieur Boulaud. Ils me semblent pourtant indispensables aujourd’hui, tant pour le développement de nombreux pays que pour lutter sérieusement contre le réchauffement climatique, à condition de s’assurer qu’ils ne contribuent pas, à terme, à la fabrication de matières fissiles militaires. Il convient pour cela de sécuriser les aspects sensibles du cycle, de construire des installations multinationales d’enrichissement et de retraitement ou, sinon, d’organiser le rapatriement de ces matières.

En revanche, je vous rejoins sur le fait que l’on ne consacre ni assez de temps ni assez d’argent à cette question. Je souhaiterais pour ma part qu’elle soit évoquée dans le cadre d’une réflexion globale sur l’avenir de la non-prolifération.

J’en viens aux réflexions de M. Fauchon, qui s’interroge sur la raison pour laquelle les uns ont droit à la bombe, et les autres non. Quid du désarmement, quid de la résolution 1887 adoptée tout récemment lors de ce Conseil de sécurité très extraordinaire présidé par le Président Obama, en présence des chefs d’État ?

Partout dans le monde, on débat aujourd’hui du désarmement général – global zero –, et cette question faisait encore l’objet d’une convergence bipartisane à la une du journal Le Monde hier. À l’instar de M. Boulaud, je pense que nous devons débattre de ce sujet essentiel, mais en gardant les yeux ouverts. Si la France souhaite aller vers un désarmement général et complet, nous ne devons pas oublier ceux qui prolifèrent pendant que nous discutons de cette question à l’ONU. Ne soyons pas naïfs, monsieur Fauchon : il n’y a peut-être pas de principe général qui condamne les puissances à être inégales, mais il y a un principe de sécurité élémentaire. Contrairement au général Gallois, je crois en réalité que plus il y a de fous nucléaires, moins on rit… Par ailleurs, la non-prolifération paraît d’autant plus indispensable que des acteurs non-étatiques pourraient mettre la main sur des armes nucléaires.

Il faut continuer à sécuriser le traité de non-prolifération l’an prochain et encourager tout ce qui va dans le sens du désarmement. Si les États-Unis et la Russie s’entendent d’ici à la fin de l’année sur un traité limitant les armes offensives, la France s’en réjouira, tout comme elle a approuvé le démantèlement du bouclier anti-missile que les Américains envisageaient d’implanter en République tchèque et en Pologne, et qui faisait obstacle à un accord sur les armes offensives.

Oui, nous souhaitons une réduction du niveau d’armes, qui est bien trop élevé à l’heure actuelle – plusieurs dizaines de milliers d’armes sont en circulation. Nous souhaitons la fixation d’un seuil minimal d’armements. Nous y sommes du côté français : nous avons fait de gros efforts de désarmement unilatéral dans les années quatre-vingt-dix et deux mille, en réduisant notre arsenal de missiles à courte et moyenne portée et la voilure de notre système de dissuasion dans son ensemble. Je souhaiterais que d’autres nations en fassent autant et qu’à terme ce contrat entre les puissances nucléaires et les autres États passe par un renforcement du traité de non-prolifération.

Enfin, n’oublions pas que, dans la plupart des cas, les proliférateurs ne sont pas passés par les centrales électronucléaires pour fabriquer la bombe atomique, mais par des facilités dédiées et des technologies très précises portant sur ces segments sensibles du cycle que sont l’enrichissement et le retraitement. En général, un réacteur de recherche suffit largement. Le paradoxe est que l’exemption consacrée par cette convention concerne l’un des très rares pays, sinon le seul, qui ait proliféré à partir d’un réacteur électronucléaire acheté au Canada.

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