Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, communément défini comme la clef de voûte de l’autorité judiciaire, gardien de son indépendance et symbole de l’unité du corps judiciaire, le Conseil supérieur de la magistrature, qui a déjà été modifié à la suite de l’adoption de la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993, a fait l’objet d’une refonte encore plus importante lors de la révision de la Constitution du 23 juillet 2008. Nous nous étions alors félicités de l’adoption de dispositions modifiant de façon substantielle sa composition et ses attributions.
Le projet de loi organique qui nous est aujourd'hui soumis vise à les adapter dans le détail. L’un de ses apports majeurs concerne, bien sûr, la composition du Conseil.
La révision constitutionnelle a mis fin à la présidence du CSM par le Président de la République et à la vice-présidence de droit du ministre de la justice. Nous avons approuvé ces dispositions sans aucune hésitation. La composition du Conseil a en outre été ouverte pour lui permettre d’accueillir désormais six personnalités qualifiées n’appartenant ni à l’ordre judiciaire ni à l’ordre administratif et qui ne sont pas membres du Parlement. Cela signifie en outre que les magistrats ne seront plus majoritaires au sein du Conseil : selon les circonstances, ils seront soit à parité avec les non-magistrats soit minoritaires. Il s’agit à nos yeux d’une avancée intéressante.
Par ailleurs, la réforme ouvre la possibilité pour les justiciables de saisir directement le CSM, question qui a déjà fait l’objet de très nombreux travaux parlementaires, notamment de la commission des lois du Sénat.
Cela a été rappelé à plusieurs reprises, il y a d’abord eu un avant-projet de loi organique en 1999. Plus récemment, à la suite de la commission d’enquête sur l’affaire dite « d’Outreau », a été imaginé, un peu laborieusement d’ailleurs, un mécanisme instaurant la saisine du Médiateur de la République. Le dispositif a finalement été censuré par le Conseil constitutionnel, ce qui, à l’époque, ne nous a pas contrariés outre mesure tant nous avions conscience qu’il méritait d’être amélioré.
Aujourd'hui, je me félicite de l’entrée en vigueur effective de cette nouvelle faculté ouverte aux justiciables, dès que sont réunies des conditions précises.
D'une part, Mme le ministre d’État l’a souligné tout à l’heure, pour être recevable, la plainte devra viser un magistrat qui, dans l’exercice de ses fonctions, a adopté un comportement susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.
D'autre part, le texte met en place une commission des requêtes chargée d’assurer le filtrage des plaintes. Il s’agit d’éviter toutes les manœuvres dilatoires ou excessives aisément imaginables. Dans nos fonctions de parlementaire ou d’élu local, nous sommes nombreux à recevoir dans nos permanences des concitoyens qui n’ont pas forcément bien compris le fonctionnement de la justice. Il est clair qu’en l’absence d’un tel filtre les dérives ne manqueraient pas de se multiplier.
Bin entendu, une plainte ne pourra pas être dirigée contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure. Pour autant, la commission des lois a dû prévoir un certain nombre de dérogations à ce principe. À cet égard, la formulation que nous avons retenue hier est intéressante : « À peine d’irrecevabilité, la plainte ne peut être dirigée contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure, sauf si les manquements évoqués et la nature de la procédure considérée le justifient. » Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Par ailleurs, la commission a adopté un amendement visant à interdire à l’avocat membre du CSM, pendant toute la durée de son mandat, de plaider devant les tribunaux ou d’agir en conseil juridique d’une partie engagée dans une procédure. Il s’agit, bien sûr, de limiter les situations dans lesquelles l’avocat aurait à se déporter parce qu’il serait confronté dans son exercice professionnel au magistrat sur le sort duquel le CSM est appelé à se prononcer.
Comme la quasi-totalité de mes collègues, j’ai approuvé cette disposition nécessaire, propre à prévenir les conflits d'intérêt. Peut-être faudrait-il la compléter pour prévoir tous les cas, notamment celui – certes, très rare, mais qui est susceptible de se produire – dans lequel le magistrat du siège membre de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du parquet a jugé une affaire où le magistrat du parquet concerné représentait le ministère public. Nous aborderons sans doute cette question. Symétriquement, la même modification devrait être instaurée pour le magistrat du parquet membre de la formation compétente à l’égard des magistrats du siège.
Enfin, plusieurs membres du groupe de l’Union centriste ont exprimé des inquiétudes sur le sort de l’article 11 bis, introduit en commission, qui précise : « Lorsqu’elle siège en matière disciplinaire, la formation compétente comprend un nombre égal de membres appartenant à l’ordre judiciaire et de membres n’y appartenant pas. À défaut d’égalité, il est procédé par tirage au sort pour la rétablir. »
Le Gouvernement a déposé un amendement tendant à la suppression de ce dispositif, qu’il juge, si j’ai bien compris, « potentiellement inconstitutionnel ». Plutôt que cette position radicale, je soutiendrai la proposition défendue par M. le rapporteur, qui suggère de renvoyer au Conseil supérieur de la magistrature l’appréciation des modalités de rétablissement de la parité.
Pour conclure, madame le ministre d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer l’excellent travail réalisé par M. le rapporteur. Il a permis aux membres de la commission des lois de mieux saisir la portée de ce texte et, partant, d’y apporter nombre d’améliorations substantielles.