Chacun est d'accord avec notre collègue Roland Ries, désormais membre de la majorité. Notre système ferroviaire connaît aujourd'hui les pires difficultés. La dette s'élève à 30 milliards d'euros et l'on vise désormais les 50 milliards d'euros. Si c'est ce qui nous attend, on peut considérer que le système est vraiment très mal parti. C'est un boulet majeur, nous le savons tous. La situation est gravissime.
Vous l'avez dit, l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne le confirme et nous le savons tous : malgré les efforts importants réalisés ces dernières années, le réseau continue de vieillir.
On constate par ailleurs un effondrement du fret alors qu'il se développe ailleurs en Europe ! Cela a non seulement des implications sur l'industrialisation et le fonctionnement de l'économie française mais, en outre, le trafic de voyageurs dysfonctionne à son tour ! Dans ma région existe une association dénommée « Les naufragés du TER » !
Nous possédons une industrie ferroviaire. C'est une filière forte de l'industrie française, la troisième au monde. Cette industrie est très inquiète parce qu'il n'existe pas de plan de charge à cinq ou à dix ans. Nous avons un vrai problème dans ce domaine et l'industrie souhaite des plans de charge à cinq ou dix ans dignes de ce nom.
Je le répète : les usagers sont globalement peu satisfaits du service rendu. Or, quand on dépense autant d'argent public, on est en droit d'attendre qu'ils soient satisfaits.
La Cour des comptes recommande d'unifier la gestion de l'infrastructure ferroviaire et, ce faisant, est obligée de tirer l'oreille des politiques... Souvenez-vous de son rapport de 2008 : « Le réseau ferroviaire : une réforme inachevée, une stratégie incertaine ». On ne saurait mieux dire !
Les politiques n'ont pas fait le nécessaire pour tenir compte de ces remarques ! Je suis d'accord avec la gestion unifiée de l'infrastructure. On se demande pourquoi nous sommes les seuls au monde à avoir adopté ce système, comme l'a dit fort élégamment Pierre Izard.
La Cour recommande également la maîtrise des coûts et des gains de productivité. C'est la plus belle des recommandations, s'il existe un domaine dans lequel nous pouvons faire des progrès, c'est bien celui-là. Les progrès ont commencé mais je pense que l'on peut faire beaucoup mieux. J'attire l'attention de mes collègues sur le fait qu'il nous faudrait faire un peu de benchmarking. C'est très bien de demander aux Suisses de réaliser un audit mais il faudrait étudier la façon dont eux-mêmes fonctionnent, tout comme la Suède ou l'Angleterre, où on a connu le pire et où on a aujourd'hui le meilleur ! Il existe des systèmes différents qui fonctionnent bien et mieux que le nôtre.
On ne reviendra pas sur le plan de rénovation. Tout le monde est d'accord. Il faudrait simplement qu'il soit plus ambitieux mais il ne sera pas simple de trouver l'argent.
Quant à la priorité donnée au réseau structurant par rapport aux faibles trafics, Raymond Vall l'a bien dit, il faut l'étudier au cas par cas. C'est une question de philosophie mais il faut également tenir compte de l'aménagement du territoire. Ce n'est pas rien en France.
Enfin, s'agissant de l'optimisation du mode de transport en fonction de la fréquentation, il y a aujourd'hui consensus dans ce domaine !
Je propose donc en priorité de s'attaquer au problème de la dette. On ne peut continuer à afficher l'objectif de passer de 30 à 50 milliards d'euros de dette ! Ce pays a vécu au-dessus de ses moyens, s'est endormi dans sa dette et a besoin plus que jamais que l'on s'attaque à ce problème de fond ! Je remercie Roland Ries de faire des propositions pour essayer de trouver de l'argent. En tant que président du Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART), il est particulièrement à même de le faire !
Une autre association qui s'occupe des transports en France, Transport, Développement, Infrastructures et Environnement (TDIE), organisera, le 25 octobre prochain, un colloque sur la recherche de financements supplémentaires, afin d'essayer de résoudre ce problème majeur.
Il existe deux tabous dans ce pays à propos du système ferroviaire, que l'on n'aborde qu'à reculons. Le premier concerne l'ouverture à la concurrence. Le président Emorine l'a fort bien rappelé : il existe une orientation européenne, partagée par la plupart des pays, qui permet l'ouverture à la concurrence. Je souhaite que l'on aborde ce sujet les yeux ouverts, en mettant tout sur la table et non en se retranchant derrière une ligne Maginot !
L'autre tabou que personne n'a osé évoquer ici réside dans l'organisation du travail et les statuts. On sait qu'il y a là une possibilité d'améliorer considérablement les choses.
Vous connaissez ma thèse à propos du mécano institutionnel. Elle est simple. Je suis totalement favorable à la gestion de l'infrastructure ferroviaire unifiée mais je suis extrêmement prudent, étant donné ce qui se passe en Europe, quant à un recours à une entreprise unique. Le mécano institutionnel est tout à fait secondaire, le système actuel n'étant pas compétitif en l'état.
Je propose donc qu'on améliore cette compétitivité sans s'égarer dans des mécanos institutionnels et qu'on adopte un régulateur beaucoup plus puissant. Dans les autres pays européens, seul un régulateur très puissant a permis de mieux fonctionner.
Je suggère également que l'AFITF, qui constitue un outil remarquable, puisse aider le Gouvernement à arrêter des choix. On pourrait faire ainsi avancer le sujet.
Je suis cependant relativement optimiste car les contraintes de la dette vont nous imposer des choix et nous obliger à devenir imaginatifs. Les responsables de la SNCF et de RFF eux-mêmes fixent désormais la compétitivité, l'efficacité et la performance comme objectifs majeurs. Ces termes sont les bienvenus !
Enfin, la majorité gouvernementale souhaite revisiter le système : profitons-en pour avancer !