Intervention de Alain Milon

Réunion du 1er octobre 2012 à 14h30
Débat sur le financement de l'hôpital

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, Jacky Le Menn a présenté les principales propositions que nous avons formulées visant à revoir le périmètre et le fonctionnement de la T2A. Je vais de mon côté évoquer la question de la qualité de la prise en charge des patients.

Le premier aspect de la qualité des soins, c’est d’abord leur pertinence. Il est certain que la mise en place de la T2A a entraîné un effet de rattrapage dans le codage des actes, puisque l’amélioration de leur recensement a un impact immédiat pour les ressources de l’établissement. Cela explique d’ailleurs en partie la progression des dépenses hospitalières, et cet effet devrait s’estomper.

Il est extrêmement difficile d’isoler les effets propres de la T2A, dans la mesure où elle interagit avec d’autres facteurs mais une fraction significative de l’augmentation de l’activité tient à des facteurs indépendants de la tarification : les besoins de santé de la population, le vieillissement de celle-ci, le développement des maladies chroniques, etc.

D’autres phénomènes plus critiquables contribuent cependant au développement de l’activité.

Par exemple, le risque de séquençage des séjours. Lorsqu’un patient nécessite un nombre d’actes plus élevé que celui sur lequel est fondé le coût moyen de son séjour ou lorsqu’il est souhaitable de pratiquer un examen ou un acte qui ne relève pas de sa pathologie principale et qui n’est donc pas intégré au tarif, l’établissement peut avoir intérêt à laisser sortir le malade pour le faire revenir quelques jours après.

Par ailleurs, nous avons en particulier été frappés, durant nos entretiens, par l’importance des actes pratiqués pour des raisons de couverture médico-légale du praticien, au nom du principe de précaution et dans la perspective d’éventuels contentieux.

Il est naturellement difficile d’avancer quelle part des actes pratiqués ressort de cette logique et, plus globalement, quels sont ceux qui sont inutiles ou superflus. Mais tant la Fédération hospitalière de France que plusieurs sociétés savantes ont montré l’importance de ce type d’actes.

Or, s’ils ont un coût pour la société, ils n’améliorent pas la qualité de la prise en charge et peuvent, le cas échéant, avoir un impact négatif sur le patient.

À cet égard, il est absolument nécessaire de s’emparer de la question des hospitalisations évitables des personnes âgées ; plusieurs études ont démontré que ces hospitalisations étaient catastrophiques pour leur santé.

Pour cela, mesdames les ministres, il serait intéressant de préconiser la création d’un véritable « service public de santé » qui constitue la pierre angulaire de la stratégie de groupe du service public hospitalier et médico-social dans les territoires de santé. Cette politique ne traduirait pas une volonté d’aboutir à un système autocentré sur les hôpitaux publics ; elle permettrait au contraire d’offrir, sur un territoire de santé, un socle au service des autres acteurs, y compris quant au rôle du CHU en matière d’enseignement et de recherche. Cela concernerait aussi bien les acteurs de soins libéraux, les maisons de santé, les services d’HAD – hospitalisation à domicile – ou de soins à domicile que les acteurs médico-sociaux, voire sociaux.

Pour arriver à cet objectif, permettant à terme la création de véritables filières de soins par type de pathologies, il est nécessaire de lever certains obstacles.

Dans cet esprit, la loi HPST, avec ses qualités et ses défauts, a permis d’offrir de nouveaux outils. La CHT, la communauté hospitalière de territoire, a été l’un d’entre eux. Il est nécessaire d’aller plus loin et d’être plus volontariste en réintroduisant la possibilité de créer des CHT « intégrées ».

Pour lutter contre ces hospitalisations évitables, nous demandons à la Haute Autorité de santé de mettre en place plus rapidement ses référentiels et guides de bonne pratique.

En outre, nous devons revoir la question de la couverture assurantielle des praticiens et des établissements afin d’éviter la multiplication des actes destinés à une couverture légale.

L’amélioration des pratiques passera nécessairement par une meilleure formation à ces questions et il est essentiel d’intégrer la dimension médico-économique et la pertinence des actes dans l’ensemble des études de santé initiales et continues.

Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement pour mieux évaluer et pour lutter contre ce phénomène préoccupant d’actes inutiles ou superflus, qui concerne autant la médecine de ville que l’hôpital ?

Avant d’en venir plus directement à la question de la qualité, je souhaiterais dire quelques mots de la télémédecine.

La France reste clairement en retard alors que ces nouvelles procédures sont très prometteuses pour réduire l’isolement de certains patients et pour répondre à l’évolution de la démographie médicale. C’est pourquoi nous proposons que les actes de télémédecine soient explicitement inclus dans la grille tarifaire afin d’en assurer la visibilité et la pérennité.

Après de longues discussions, nous avons estimé que la démarche de qualité, qui est indispensable, est difficilement modélisable sous la forme de bonus dans un système de financement.

Une telle action est nécessairement protéiforme et complexe ; il ne faudrait pas à nouveau tenter de faire jouer à la T2A un rôle dépassant largement celui d’un outil de répartition des ressources.

Pourtant, on peut regretter que la France soit plutôt timide sur ces questions : les indicateurs sont encore embryonnaires et insuffisamment partagés, alors même que ce processus permettrait d’éviter les palmarès qui fleurissent ici ou là dans la presse et qui sont malheureusement peu fondés scientifiquement.

Nous proposons en conséquence le déploiement d’une véritable stratégie de la qualité, en confiant une responsabilité explicite de supervision et de mise en œuvre à une institution indépendante, dotée pour cela de l’autorité suffisante. Cette stratégie doit, je l’ai dit, permettre de développer des indicateurs de qualité et de sécurité, comprenant des sondages auprès des patients, de leurs familles et des personnels soignants ; ces indicateurs doivent recevoir une large publicité.

Nous proposons tout de même d’envisager une expérimentation qui consisterait, comme cela se pratique dans certains pays, à ne pas rembourser certains séjours lorsque surviendraient des événements indésirables, par exemple les maladies nosocomiales.

Enfin, je souhaiterais aborder, comme m’y a invité Jacky Le Menn, un sujet central pour l’évolution structurelle de notre système de santé : le parcours de santé. Évoquée depuis quelques années dans de multiples rapports, cette notion doit maintenant trouver une traduction concrète et forte dans notre organisation.

Tout milite en ce sens : le développement des pathologies chroniques, le vieillissement de la population, l’évolution des demandes des patients et de leurs familles, la transformation des conditions de travail des professionnels de santé.

Qui plus est, les techniques informatiques autorisent aujourd’hui la mise en œuvre aisée de procédures coordonnées entre l’ensemble des professionnels.

Or, la T2A peut se révéler, par certains aspects, en contradiction avec la volonté de développement du parcours de santé. En effet, elle est organisée non pas autour du malade, mais autour de sa maladie.

Des expériences étrangères existent et nous devons avoir une approche pragmatique, voire expérimentale, pour identifier les pathologies qui pourraient être financées par une enveloppe globale, allant du diagnostic au traitement curatif et aux soins postérieurs.

Nous estimons d’ailleurs que la réforme à venir du financement des soins de suite et de réadaptation, les SSR, doit être pensée et conçue dans ce sens : les établissements de SSR s’insèrent par nature dans une logique de parcours puisqu’ils prennent en charge des patients après leur hospitalisation.

Dans ce contexte, madame la ministre, j’aimerais connaître les intentions du Gouvernement en ce qui concerne la réforme du financement des activités de soins de suite et de réadaptation, initialement prévue pour 2013.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le rapport que Yves Daudigny, Jacky Le Menn et moi-même vous avons brièvement présenté s’inscrit dans la volonté d’améliorer les conditions de prise en charge des patients, dans le cadre d’une enveloppe financière contrainte, absolument nécessaire pour préserver notre système de santé.

La T2A a beaucoup apporté en termes de transparence et d’organisation, mais elle reste un outil d’allocation de ressources. Huit années après son entrée en vigueur, elle peut et doit être améliorée, à la fois pour prendre en compte des activités ou des situations qui se prêtent mal au financement par tarifs, et pour veiller à ce que la pertinence et la qualité des prises en charge restent en tout état de cause le fondement du fonctionnement de nos établissements. §

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