Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, dire que notre système de santé est aujourd’hui confronté à des enjeux de taille est un doux euphémisme. La crise financière, économique et sociale que notre pays traverse depuis maintenant plusieurs années n’est pas sans conséquence sur nos concitoyens et sur les structures solidaires qui participent à notre système sanitaire.
D’un côté, la dégradation massive de l’emploi, marquée par le dépassement dramatique du seuil de 3 millions de chômeurs, affaiblit considérablement le financement de notre protection sociale. Les déremboursements successifs, les franchises médicales, la hausse de la fiscalité sur les mutuelles complémentaires et les sanctions financières en cas de non-respect du parcours de soins aggravent les inégalités d’accès aux soins et les renoncements pour motifs économiques.
De l’autre, les politiques comptables d’austérité appliquées sans discontinuité à l’hôpital public – je pense particulièrement à la tarification à l’activité et à la convergence tarifaire – ont eu pour effet de fragiliser les établissements publics de santé, à un point tel que leur déficit constaté en 2010 est de 460 millions d’euros, dont 334 millions pèsent sur 32 centres hospitalo-universitaires.
Et je ne mentionne pas ici l’obstination coupable de certains à vouloir appliquer aux hôpitaux les mêmes règles de fonctionnement que les cliniques commerciales, ce qui s’est concrétisé par la convergence tarifaire puis par la loi HPST, les hôpitaux étant progressivement transformés en de simples entreprises de soins.
Ce sont finalement les deux volets indispensables à la qualité des soins de nos concitoyens qui sont remis en cause. Les reculs en matière de soins préventifs et de premiers recours se reportent naturellement sur les dépenses hospitalières, aggravant encore la situation précaire des hôpitaux. C’est la raison pour laquelle le groupe CRC considère qu’il est impossible de revoir le financement de l’hôpital sans mener de front une politique plus globale, intégrant, par exemple, la lutte concrète contre les déserts médicaux et les dépassements d’honoraires, la lutte contre les entraves financières aux soins de premiers recours et, naturellement, le financement durable et solidaire de notre système de protection sociale.
En même temps qu’il nous faut donc ouvrir ces chantiers, nous devons répondre au besoin de financement de l’hôpital public, car il y a urgence. C’est notamment ce qu’a déclaré, lors de la conférence de presse organisée jeudi dernier avec Annie David, Isabelle Pasquet et moi-même, le collectif « Notre santé en danger » en appelant à manifester le 6 octobre prochain.
Le Sénat contribue à cette recherche de nouveaux financements et nous appuyons la démarche qui est la sienne et qui est défendue dans le rapport de la MECSS, lequel préconise de mettre un terme à la convergence tarifaire – ce que vous soutenez, madame la ministre.
Or, si le gel est nécessaire, de nombreux tarifs ont déjà été arrêtés sur la base de ce processus d’assimilation du public et du privé. Aussi, il nous faut tirer toutes les conséquences de la proposition formulée dans ce rapport et mettre fin à des situations insoutenables pour les établissements publics de santé.
Mais il faudra également – c’est en tout cas notre conviction – sortir de la logique d’un financement prioritairement assuré en fonction de l’activité. À défaut, les fermetures massives de services ou d’établissement de proximité, notamment les maternités et les centres d’interruption de grossesse, décidées par les agences régionales de santé, sans concertation avec les populations, les personnels et les élus, au seul motif de leur non-rentabilité, se poursuivront.
Outre le caractère antidémocratique de ces mesures, nous ne pouvons accepter ces fermetures, alors même que c’est précisément le mode actuel de financement des hôpitaux qui crée cette non-rentabilité. Le rapport de la MECSS sur le sujet est clair, lorsqu’il souligne que la T2A « est peu adaptée à certaines activités ». Face à ce constat que nous partageons, nous considérons qu’une mesure d’urgence s’impose : l’instauration d’un moratoire sur la fermeture de ces structures de santé.
En même temps, une grande concertation, réunissant l’ensemble des acteurs de la santé, des économistes, les partenaires sociaux et les élus, doit être menée pour réfléchir à l’instauration d’un mode alternatif de financement prenant certes en compte l’activité, mais faisant une place plus importante qu’aujourd'hui aux missions de service public et aux besoins des publics.
Je suis naturellement consciente que ce mode de financement, qui correspond au plus près aux besoins des patients et des établissements, exige de renforcer la part de financement dédiée aux hôpitaux. Et je dois dire que nous sommes inquiets au regard des informations parues dans la presse, faisant état d’une évolution de l’ONDAM probablement égale, voire inférieure, à celle de l’année dernière.
Une telle évolution, compte tenu du niveau d’inflation prévisible, conduira à accroître lourdement la pression sur les établissements de santé, singulièrement sur les CHU. Or certains d’entre eux sont dans des situations intenables ; je pense notamment à celui de Caen.