Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en 2012, les dépenses de santé représentent 12 % du PIB de la France, et elles ne cessent de croître.
Du côté des recettes, l’évolution est symétrique et les assiettes s’érodent. Associée à des dégradations conjoncturelles, cette érosion produit des déficits abyssaux, tels ceux que nous avons connus ces dernières années.
Dans ces conditions, l’urgence d’une réflexion sur le financement de la santé, en général, et de l’hôpital, en particulier, s’impose.
En effet, le secteur hospitalier participe, avec le secteur ambulatoire, à près de la moitié des dépenses de santé : il représente 45 % de l’ONDAM et 74, 6 milliards d’euros, soit presque 4 % du PIB.
Si beaucoup reste à faire pour optimiser le financement de l’hôpital, il faut reconnaître que nous avons progressé en la matière.
Le financement par prix de journée, en vigueur jusqu’en 1984 pour les établissements publics et privés à but non lucratif, était inadapté.
Par rapport à ce modèle inflationniste et ne correspondant à aucune pertinence dans la prise en charge des patients, la dotation globale a constitué un progrès. La tarification à l’activité, la T2A, a constitué un nouveau pas en avant.
La dotation globale présentait un avantage de taille : la maîtrise de la dépense. Mais l’immobilisme et l’inadaptation des activités hospitalières aux besoins territoriaux de santé présentaient des inconvénients majeurs, auxquels devait remédier la T2A.
Huit ans après l’introduction de cette dernière, nous ne pouvons que souscrire au remarquable bilan qu’en a dressé la MECSS dans le rapport d’information que nos collègues Jacky Le Menn et Alain Milon ont déposé le 25 juillet dernier et défendu à l’instant avec beaucoup de force.
Nous partageons le constat des rapporteurs : oui, la T2A a représenté un progrès et ne doit pas être remise en cause, mais, non, elle ne peut être l’alpha et l’oméga du financement des établissements. Du reste, il ne s’agit pas pour nous d’une découverte : depuis son institution, nous n’avons cessé de stigmatiser certaines des limites les plus flagrantes de la T2A.
Toutefois, les derniers travaux de la MECSS ont le mérite de les avoir listées de manière systématique et de proposer des solutions pour contrer chacune d’entre elles.
Nous relèverons trois de ces limites, les plus importantes à nos yeux.
Premièrement, la T2A est davantage adaptée à la chirurgie et à l’obstétrique qu’à la médecine.
Deuxièmement, la convergence tarifaire nous a toujours semblé utopique, compte tenu de la très grande diversité des établissements de santé et des difficultés inhérentes à certains territoires.
Troisièmement, l’enveloppe des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les MIGAC, qui devaient former la variable d’ajustement entre secteur non lucratif et cliniques, est mal calibrée.
Ces trois critiques vont loin. En effet, les prendre en compte suppose de redessiner le périmètre de la T2A.
Nous devons aller vers une nouvelle étape de l’évolution du financement de l’hôpital, en instituant un financement mixte, constitué, à 50 %, de T2A et, à 50 %, d’une dotation comparable à ce qu’était la dotation globale. En réalité, ce financement mixte est déjà en place puisque la T2A ne couvre aujourd’hui que 75 % de la dépense hospitalière. Mais cette mixité ne pourra qu’être accentuée, pour plus d’efficience et pour un meilleur service rendu au patient.
Notre collègue Gérard Roche, qui est lui-même médecin, adresse à la TVA une critique de fond : celle d’avoir « bien pris en compte le volet technique [de la prise en charge du malade], au détriment du volet humain ». Remettre l’humain au cœur du système de santé suppose, aujourd’hui, d’ajuster le système de la T2A.
Il est difficile de parler du financement de l’hôpital sans dire un mot de ses dépenses.
En septembre dernier, les professeurs Even et Debré ont sorti un ouvrage qui a fait grand bruit : le « Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux ».
À performances identiques en matière de santé, la France consacre aujourd'hui deux fois plus de dépenses de médicaments par habitant que la Grande-Bretagne, et un tiers de plus que l’Allemagne. Cette « surdépense » représente 15 milliards d’euros, soit 5 milliards d’euros de plus que le déficit prévisionnel de la sécurité sociale. La cause principale en est la surconsommation. Ainsi, près de 30 % des prescriptions hospitalières de médicaments et d’examens biologiques et radiologiques seraient injustifiées.
Ce constat est-il exagéré ? Pas tant que cela ! En juin 2006, un rapport d’information du Sénat, intitulé « Médicament : restaurer la confiance », dressait déjà le même bilan. Après l’affaire du Mediator, ce constat fut réitéré avec force dans un nouveau rapport déposé en juin 2011 : « La réforme du système du médicament, enfin ».
Dans son dernier rapport, la Cour des comptes dégage également des marges importantes d’économies hospitalières.
Aujourd’hui, le groupe de l’Union centriste et républicaine formule deux propositions concrètes.
Premièrement, l’Inspection générale des affaires sociales et la Cour des comptes doivent être saisies conjointement d’une mission sur le fonctionnement de l’hôpital.
Deuxièmement, notre assemblée doit travailler dès aujourd’hui à une nouvelle proposition de loi, qui, sur le modèle de la « loi Fauchon », renforcerait la protection des praticiens hospitaliers et libéraux contre l’engagement de leur responsabilité. Si de telles dispositions existent dès aujourd'hui, elles devraient être renforcées, étant donné que les praticiens « surprescrivent » pour se couvrir.
En conclusion, si le financement de l’hôpital est une question clef, elle s’insère dans le débat plus large du financement de la protection sociale, que nous devrons repenser.