Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer le travail approfondi que Jacky Le Menn et Alain Milon ont réalisé sur la T2A, sujet complexe et souvent traité de façon trop idéologique, par ses partisans comme par ses détracteurs.
Le rapport de nos deux collègues est avant tout pragmatique et je partage globalement leur analyse des atouts et des défauts de la T2A.
Loin de remettre en cause le principe de cette dernière, les auteurs proposent des solutions pour en améliorer la pratique.
Beaucoup d’entre elles me paraissent souhaitables : tel est le cas du financement hors activité des investissements immobiliers, de l’adoption d’une nouvelle classification commune des actes médicaux permettant de financer plus justement le temps médical – je plaide en ce sens à chaque examen de projet de loi de financement de la sécurité sociale – ou encore de la stabilisation des tarifs sur une base pluriannuelle afin de donner plus de visibilité aux établissements.
En revanche, messieurs les rapporteurs, je ne souscris pas à votre proposition de suspendre la convergence tarifaire.
Certes, celle-ci ne saurait être érigée en dogme mais on ne peut ignorer le fait qu’une appendicectomie coûte jusqu’à quatre fois plus cher dans un centre hospitalier universitaire que dans une clinique. Je vous l’accorde, la comparaison est complexe puisque les groupes homogènes de séjour – les GHS – en clinique ne couvrent pas les honoraires et, je l’admets, il existe des variantes dans les modes de prise en charge.
Aussi, quel contenu donne-t-on au mot « suspension » ? S’agit-il d’abandonner purement et simplement le principe de la convergence tarifaire et, dès lors, que souhaite-t-on faire ?
Quoi qu’il en soit, ce renoncement me paraît essentiellement politique.
Je m’interroge également sur l’opportunité de suspendre le passage à la T2A pour les hôpitaux locaux et les soins de suite et de réadaptation – les SSR –, aujourd’hui très coûteux dans le cadre d’un ONDAM fermé.
Les auteurs ont aussi mené une réflexion très intéressante sur la qualité et la pertinence des actes et des séjours. De fait, on constate de surprenantes variations régionales sur des interventions courantes comme la césarienne, l’appendicectomie, les angioplasties ou encore la libération du canal carpien.
Alain Milon a également évoqué le fait que 28 % des actes ne sont pas pleinement justifiés. Que ce chiffre soit dû au caractère inflationniste de la T2A ou à la volonté des médecins de se prémunir d’éventuels contentieux, il y a probablement là, madame le ministre, des sources d’économies potentielles, qui méritent d’être exploitées.
En effet, soyons lucides : la T2A est l’arbre qui cache la forêt ! On ne peut tout demander à un système de financement ; c’est de la refondation de l’hôpital qu’il faut parler.
Certes, il existe des établissements en situation de grande difficulté, qui vivent d’expédients, d’aides ponctuelles du ministère, de lignes de trésorerie de plus en plus difficiles à renouveler. C’est le cas de plusieurs CHU, comme cela a été souligné par Jacky Le Menn. Le sujet est préoccupant. Le poids de l’histoire, des investissements mal calibrés, un recours massif à l’endettement ont déséquilibré la situation financière.
Mais, dans le même temps, on enregistre de très beaux résultats. Les déficits ne sont pas inéluctables : certains établissements sont à l’équilibre, alors qu’ils pratiquent les mêmes tarifs que les autres, et d’autres y sont revenus en se réorganisant de fond en comble afin d’allouer au mieux la ressource sans perdre en qualité de prestations.
Aujourd’hui, cela a été dit, 80 % du déficit se concentrent sur moins de 50 établissements, pour l’essentiel des CHU. Ces derniers ont eu tendance à négocier des moyens supplémentaires, plutôt que de chercher une meilleure efficience par des réformes structurelles.
D’ailleurs, la Cour des comptes soulignait que ces CHU bénéficiaient de modalités de financement plus favorables que les autres hôpitaux publics, alors que leur spécificité est, finalement, toute relative. Selon l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, l’ATIH, l’activité spécifique des CHU représenterait 2, 14 % du total, le reste relevant du commun. Par ailleurs, certains ne font que peu ou pas de recherche et perçoivent pourtant la dotation correspondante.
Le déficit hospitalier doit nous interroger sur le nombre des établissements de santé. Si le rapport de nos collègues mérite bien des éloges, il évite ce sujet qui fâche !
N’y a-t-il pas trop d’hôpitaux ? Faut-il en fermer ? Ne doit-on pas, dans certains d’entre eux, arrêter des activités ? Selon moi, la réponse est clairement oui, même si elle n’est pas politiquement correcte.
D'ailleurs, cette position n’a rien de comptable. Elle repose sur une exigence légitime : la sécurité et la qualité des soins. Qui d’entre nous préférerait un chirurgien qui pratique un type d’intervention trois fois par an à un autre qui la pratique trois fois par jour ?