Intervention de Maurice Antiste

Réunion du 1er octobre 2012 à 14h30
Débat sur le financement de l'hôpital

Photo de Maurice AntisteMaurice Antiste :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’hôpital n’est pas loin de l’agonie : la faute à une situation budgétaire très critique en France !

Les chiffres sont éloquents et parlent d’eux-mêmes : 23, 6 milliards d’euros de dette pour les 1 266 établissements de soins de court séjour, et 43 % des 603 hôpitaux publics en déficit pour un total de 637 millions d’euros ! En Martinique, plus particulièrement, les trois principaux hôpitaux accusaient un déficit de 147 millions d’euros à la fin de l’année 2011. Je ne peux manquer de rappeler également que l’agence de notation Moody’s a abaissé la note des hôpitaux français le 21 juillet dernier, en pointant particulièrement du doigt la « détérioration rapide de la situation financière » du CHU de Fort-de-France.

Le constat est là, sans appel. Une telle situation nécessite une réponse profonde et sans délai, avec un engagement ferme du Gouvernement, qui travaille d’arrache-pied – je le sais – sur ce dossier.

Le présent débat sur le financement de l’hôpital est donc l’occasion pour moi de vous alerter une fois de plus sur la situation particulièrement grave, pour ne pas dire dramatique, des structures de la Martinique, confrontées à une crise financière et budgétaire sans précédent. Les conséquences de cette conjoncture se font sentir depuis plusieurs années en Martinique, que ce soit sur les conditions de travail des agents hospitaliers, avec, par exemple, le non-remplacement des départs en retraite et la non-titularisation des contractuels, ou sur les actes de soins. En effet, faute de financements suffisants, la qualité et la sécurité des soins administrés aux patients sont remises en cause, notamment en raison du manque de médicaments et de produits de désinfection, les fournisseurs ayant cessé toute livraison, puisqu’ils ne sont plus payés.

D’ailleurs, il a fallu une intervention exceptionnelle de la région Martinique, d’un montant de 2, 5 millions d’euros, pour assurer la continuité de l’approvisionnement des hôpitaux. Je ne parle même pas de son engagement sur d’autres chantiers de mise aux normes et de rénovation de l’hôpital, d’un montant de 17 millions d’euros.

L’état catastrophique dans lequel ils se trouvent empêche les hôpitaux de la Martinique d’assurer et de garantir au quotidien leur mission de service public dans le respect de la qualité des soins due à la population. Il a poussé les directions et leurs tutelles dans une démarche de fusion des trois établissements de santé médecine-chirurgie-obstétrique, ou MCO, pour rationaliser, a-t-on pensé, l’offre de soins sur l’ensemble du territoire et permettre un retour à l’équilibre des comptes. J’insiste toutefois sur un point : si tout doit être tenté pour rendre la gestion des CHU plus rigoureuse, cela ne saurait se faire au détriment des personnels, ni de la qualité des soins.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, vous l’aurez compris à mes propos, le pronostic vital de l’hôpital en Martinique est très sérieusement engagé. « À maladie spécifique, médication spécifique » pour nos régions insulaires implantées dans des zones géographiques présentant des spécificités qui pèsent sur leurs coûts !

Ainsi, la première intervention consisterait sans aucun doute à revaloriser le coefficient géographique, en le portant au moins à 28 %. En effet, une étude conduite en Martinique a montré que les surcoûts liés à l’insularité étaient de l’ordre de 30, 4 %. Au mois de mars 2012, le gouvernement de l’époque avait accepté très parcimonieusement de relever ce taux de 25 % à 26 %. C’était bien, mais trop peu.

Vous avez ici l’occasion de démontrer une fois de plus, comme vous le faites depuis quatre mois, votre capacité d’écoute et de réaction face aux urgences du pays, en l’occurrence celles de nos régions. Les conséquences financières d’une augmentation du coefficient géographique sur le volet « hospitalisation » sont estimées à 2, 1 millions d’euros par point supplémentaire.

La deuxième opération consisterait à étendre le coefficient géographique aux consultations externes. À titre d’exemple, les tarifs des IVG, des consultations et actes externes, et les forfaits techniques d’imagerie médicale ne sont actuellement pas affectés d’un coefficient de majoration. Ainsi, un surplus de recettes de 3, 6 millions d’euros peut être obtenu grâce à l’application d’une telle mesure.

Le troisième acte consisterait au maintien d’un certain nombre d’activités au titre de la dotation des missions d’intérêt général et aides à la contractualisation, telles que la neurochirurgie, la chirurgie cardiaque, la neuroradiologie interventionnelle, la réanimation polyvalente et néonatale, le service des grands brûlés... Ces activités, eu égard à la faiblesse du bassin de population, ne pourront jamais être « rentables » dans le cadre du financement de la tarification à l’activité, la T2A.

La quatrième et dernière prescription concernerait le tarif de cession des produits sanguins labiles, qui fait l’objet d’une majoration dans les DOM. En effet, le coefficient multiplicateur géographique, qui est de 25 % en Guadeloupe, est de 45 % en Martinique ! Or cette majoration différenciée entre territoires ne repose sur aucune justification technique avérée. Dans ces conditions, un alignement du coefficient multiplicateur géographique sur celui de la Guadeloupe représenterait une économie de 600 000 euros par an pour le CHU de Fort-de-France.

N’oublions pas également que ce même CHU est un établissement de référence dans la région et qu’il participe, à ce titre, à la formation des professionnels de santé de certains États de la Caraïbe. Ces missions relèvent, bien sûr, de l’action sanitaire et sociale, mais elles doivent aussi être considérées comme relevant de l’action de coopération internationale de l’État français.

Enfin, pour améliorer le financement actuel des hôpitaux dans les DOM, il faut tenir compte de la spécificité de nos territoires : si le financement à l’activité est juste en ce sens qu’il instaure un lien étroit entre les ressources des établissements de santé et leurs activités, la dotation globale, elle, se traduit pour certains établissements par de véritables rentes sans rapport avec leur activité réelle. Cependant, la particularité de nos territoires vient percuter cette équation du financement à l’activité, tel que le modèle pensé « idéalement », qui ne prend pas en compte un certain nombre d’éléments très prégnants en Martinique. C’est pourquoi il est important que des aménagements locaux soient réalisés.

Pour conclure, notre combat de parlementaires de l’outre-mer consiste, certes, à défendre les intérêts généraux de la Nation, et ce en participant à l’élaboration de lois justes, mais à défendre aussi nos spécificités. Dans nos démarches, il s’agit de réclamer non pas toujours plus de financement, mais bien de permanentes adaptations.

Aussi, madame la ministre déléguée, j’aimerais avoir votre avis sur les possibles préconisations que je viens de formuler, sachant que le Gouvernement a promis de nous recevoir bientôt.

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