Intervention de Dominique Bertinotti

Réunion du 1er octobre 2012 à 14h30
Débat sur le financement de l'hôpital

Dominique Bertinotti :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’être ici le porte-parole de la ministre des affaires sociales et de la santé.

En préambule, Mme Marisol Touraine souhaite vous remercier de ce rapport extrêmement riche et fouillé. Le temps et l’attention que votre mission a accordés à ce sujet ont été très utiles à sa propre réflexion.

Vous abordez l’hôpital non pas uniquement comme un « producteur de soins », mais comme un acteur essentiel de notre système de santé. Cette approche est également la sienne. D’ailleurs, la diversité des interventions montre que c’est bien le rôle de l’hôpital qui vous préoccupe, au-delà du sujet de votre rapport.

Celui-ci présente le double intérêt de porter un regard objectif et exigeant sur la réalité des faits et de contenir des recommandations concrètes.

Depuis sa prise de fonction, Mme Touraine réaffirme sans discontinuer une conviction forte, dont elle sait que vous la partagez : l’hôpital public exerce des missions de service public essentielles, lesquelles sont aujourd’hui insuffisamment valorisées. Mme Aline Archimbaud l’a, à juste titre, rappelé.

Les méthodes qui lui ont été appliquées ces dernières années ont été injustes financièrement et déstabilisantes pour les personnels, Mme la ministre en a parfaitement conscience.

Pour autant, l’avenir de l’hôpital public dans notre pays ne peut pas passer uniquement par des plans de soutien nationaux. Souvent, d’ailleurs, l’activité ne permet qu’un autofinancement partiel et progressif.

Un mouvement incitant à la restructuration progressive et accompagnée des établissements les plus en difficulté est donc nécessaire. L’hôpital doit se recentrer sur la prise en charge des soins aigus et adapter son organisation aux attentes des patients. Il nous faut favoriser des durées de séjour moins longues, le développement de la prise en charge ambulatoire, l’hospitalisation à domicile et, surtout, la prescription d’actes précis et de qualité.

À cet effet, il est nécessaire que soit repensée la relation entre l’hôpital, la médecine libérale et le secteur médicosocial.

Face à la crise économique sans précédent que nous subissons, nous ne devons pas faire moins, mais nous devons faire plus et mieux.

Il nous faut soutenir l’hôpital public pour qu’il puisse relever un important défi : faire davantage de qualité à des coûts compatibles avec l’état de nos finances publiques.

L’hôpital public du XXIe siècle doit avoir pour horizon la qualité : qualité des soins, qualité des organisations et du management, qualité de la gestion financière. Pour reprendre la formule de M. Alain Milon, il s’agit bien de mettre en place une véritable « stratégie de la qualité », qui doit financièrement être valorisée. À l’inverse, je veux dire à M. Gilbert Barbier que la sécurité est évidemment une exigence incontournable.

Pour cela, la réforme globale de l’hôpital public reposera sur deux piliers : d’une part, la réforme de ses modalités de financement, afin de permettre une plus juste allocation des crédits et une optimisation de la qualité des soins ; d’autre part, l’allocation contractualisée de moyens d’investissement, en échange d’un cheminement vertueux sur la voie du développement de la qualité et de l’efficience.

Tout d’abord, les modalités de financement des établissements de santé seront réformées, afin de valoriser leur mission de service public et de réhabiliter pleinement le service public hospitalier.

Comme vous l’indiquez dans votre rapport, la tarification à l’activité peut être améliorée. Le Gouvernement ne souhaite ni l’abroger ni revenir au mécanisme ancien de dotation globale, néfaste. Néanmoins, la T2A doit faire l’objet de modifications et d’adaptations permettant à l’hôpital public d’être pleinement reconnu dans la spécificité de ses missions.

Derrière le sigle de T2A se cache une machinerie complexe et technique qui a fait oublier à nos prédécesseurs une idée élémentaire : l’État définit les grands principes directeurs en matière de santé publique. Il fixe le cap et décide ce qui doit être prioritairement pris en charge au regard des impératifs sanitaires. La tarification à l’activité est non pas une grille statistique, mais un outil au service d’une politique, ainsi que l’a relevé M. Jacky Le Menn.

Dès la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, la convergence tarifaire sera supprimée, ses principes n’étant pas équitables. Comme il est indiqué dans votre rapport, le rapprochement des tarifs, en raison même de la construction des coûts moyens sur lesquels ils reposent, est partiellement arbitraire.

Par ailleurs, des différences fondamentales existent entre les établissements de santé, qu’il s’agisse des modes de prise en charge, des contraintes d’organisation, du coût des personnels, des populations accueillies ou de la capacité de programmation des activités. M. Alain Bertrand a d’ailleurs très justement soulevé ces questions.

Les auteurs du rapport ont eu raison de rappeler que l’application concrète de la convergence a inutilement focalisé l’attention et suscité des crispations au sein du monde hospitalier.

Cet article du PLFSS sur la convergence tarifaire permettra également de réintroduire dans la loi le principe de « service public hospitalier », qui avait disparu dans la loi HPST.

Il sera instauré de la transparence dans l’élaboration des mécanismes financiers et la répartition des ressources entre établissements. Une opération « transparence et qualité » sera lancée, dont l’objectif est d’associer l’ensemble des acteurs du monde hospitalier aux grands axes de la campagne hospitalière 2013, de l’élaboration des tarifs à la répartition des crédits. Il n’est pas légitime, dans une démocratie, que les décisions affectant le financement des activités de soins ne soient pas transparentes. À cet égard, je voudrais rassurer les sénateurs ultramarins : la ministre des affaires sociales et de la santé sera disponible pour étudier plus avant les conditions particulières dans leurs territoires. Elle vous recevra très prochainement, messieurs, pour évoquer les investissements idoines en termes de sécurité ou de qualité des soins.

En outre, un chantier partenarial de réformes de la tarification à l’activité sera lancé dans les prochains jours. Il se traduira par un ensemble de propositions qui permettront de modifier le système de financement actuel. Ces propositions iront dans le sens d’une plus juste répartition des crédits en faveur des établissements assumant les prises en charge les plus lourdes et développant des soins de qualité.

Il faudra également que ces travaux prennent tout particulièrement en compte certaines propositions que vous formulez. Je songe notamment à l’amélioration des procédures d’élaboration des tarifs, et donc à l’approfondissement des procédures liées au recueil et à l’analyse des coûts ; à la définition de mécanismes permettant une plus grande visibilité sur les tarifs, ainsi qu’une plus grande stabilité pluriannuelle ; à l’objectivation des mécanismes d’attribution des dotations hors tarifs – missions d’intérêt général et aides à la contractualisation ; au renforcement des mécanismes incitant à la qualité, à l’efficience, à la pertinence et à l’adéquation.

Il a été demandé aux services du ministère de préparer des mesures afin de renforcer les dispositifs favorisant la qualité des prises en charge. Mme Michelle Meunier y a montré son attachement, en évoquant tout particulièrement les enjeux de la périnatalité.

Je pense également à la mise en œuvre de mécanismes permettant de moduler les tarifs et d’éviter que les gels ne pèsent plus simplement sur les dotations hors tarifs, qui handicapent uniquement le secteur public.

Par ailleurs, votre recommandation visant à la mise en place d’un financement expérimental du parcours de santé a retenu toute l’attention de Mme la ministre. Elle fera l’objet d’une étude plus approfondie, car il y va de l’égalité d’accès aux soins sur le territoire, comme l’a souligné M. Larcher.

Enfin, Mme Marisol Touraine n’est pas plus favorable que vous à ce que les soins de suite et de réadaptation, ainsi que la psychiatrie, basculent trop rapidement dans le champ de la T2A.

Afin de coordonner les missions liées à l’élaboration en toute transparence de la campagne hospitalière 2013 et à la réforme de la tarification, Mme la ministre souhaite confier au Conseil de l’hospitalisation la tâche d’organiser cette double démarche collégiale. Il sera notamment responsable d’organiser et de synthétiser les propositions qui alimenteront sa réflexion et sur lesquels elle s’appuiera.

Le Gouvernement donnera à l’hôpital public les moyens nécessaires à ses investissements et à la mise en œuvre des réorganisations essentielles à son développement sur le long terme. À ce sujet, Mme la ministre tient à rassurer Mme Laurence Cohen : cette nouvelle politique suppose une concertation avec tous, notamment les patients.

Reprenant le rapport, M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales nous a directement interpellées sur les enjeux liés à l’investissement immobilier. Vos préconisations sont en parfaite adéquation avec les actions menées à ce sujet. La mobilisation de fonds en faveur non seulement de l’investissement hospitalier, mais également des établissements connaissant de graves difficultés de trésorerie, a été une préoccupation de chaque instant. Mme la ministre connaît bien la situation difficile des hôpitaux d’outre-mer en la matière : leur équilibre doit tenir compte de leurs spécificités géographiques.

Concernant la trésorerie, qu’il s’agisse de défauts passagers rendant difficile le paiement des charges ou de problèmes d’accès au marché bancaire, l’arrêté du 18 août 2012 permet dorénavant d’éviter certaines ruptures de trésorerie. En outre, une circulaire récemment publiée a créé des comités régionaux de veille active sur la situation de trésorerie des établissements publics de santé. Ils permettront de détecter, en amont, les situations à risque.

Enfin, le Gouvernement vous proposera de voter une mesure permettant à certains centres hospitaliers régionaux d’émettre des billets de trésorerie. En parallèle, soyez assurés que nous menons d’actives négociations avec les banques afin que soient débloqués les fonds nécessaires.

Concernant l’investissement hospitalier, Mme la ministre a pris l’initiative, dès son arrivée, de faire procéder à un réexamen minutieux de l’ensemble des projets pré-retenus ou ayant fait l’objet de promesses, parfois signées de ses prédécesseurs. Le constat est sans appel : beaucoup de promesses, alors que nous manquons cruellement de moyens financiers.

Des instructions ont donc été immédiatement données visant à redéfinir une nouvelle stratégie dans ce domaine.

À ce jour, environ trente projets sont identifiés, dont les deux tiers sont liés à des problèmes de sécurité. Pour ces seuls projets, le montant d’aide dépasse 2, 7 milliards d'euros sur la période 2012-2020. On aurait apprécié que le précédent gouvernement s’engage non pas seulement sur les projets, mais aussi sur les financements !

Il a été demandé que soit identifiée, au sein de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie relatif aux établissements de santé, une somme de 150 millions d'euros à titre de réserve pour les futurs projets d’investissement courant.

Désormais, les investissements engageant des aides nationales feront l’objet d’un contrat d’amélioration de la qualité, de la performance et de retour à l’équilibre, signé par l’établissement et l’agence régionale de santé. Ces contrats comporteront l’engagement d’un retour à l’équilibre financier à l’horizon 2016.

C’est en ce sens qu’ont été pris des contacts, notamment avec le Commissariat général à l’investissement, afin de permettre le financement de projets innovants, liés, par exemple, au développement des systèmes d’information, dans le cadre, notamment, de la télémédecine, ainsi que l’a souhaité M. Savary.

Ces démarches seront suivies par le Comité de la performance, de la qualité et de l’innovation, qui rassemblera des représentants des ministères de l’économie et de la santé.

Certains établissements font face à des difficultés d’une particulière gravité. Au mois de juillet, près de 40 millions d'euros ont été débloqués en direction de cinq établissements qui ne pouvaient assurer les salaires de leurs agents. Nous avons trouvé des solutions ponctuelles, donc non pérennes : ce n’est pas satisfaisant. C’est pourquoi un suivi de ces établissements sera piloté par le Comité de la performance, de la qualité et de l’innovation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est aujourd’hui que se joue l’avenir de l’hôpital public. Il nous revient de prendre des décisions courageuses, pour que ce service public, d’une qualité exceptionnelle, sorte consolidé et modernisé de la crise que nous traversons.

Tel est le sens de la démarche engagée au travers du « pacte de confiance pour l’hôpital ». Soyez certains que les pistes tracées dans le rapport d’information sénatorial accompagneront utilement les réflexions de Mme Touraine et les actions qu’elle entend porter.

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