Les problèmes ne sont donc toujours pas réglés, d’autant que la plupart des décrets d’application de cette loi n’ont pas encore été publiés. C’est inquiétant.
Voilà pourquoi notre groupe souscrit pleinement aux analyses et aux trente-huit propositions contenues dans le rapport qui nous est aujourd’hui présenté.
Madame la ministre déléguée, nous souhaitons notamment attirer votre attention sur le fait que l’AFSSAPS a clairement dysfonctionné dans l’affaire des prothèses PIP, comme auparavant dans d’autres affaires, sans que les leçons en aient toujours été tirées.
Monsieur Cazeau, vous le précisez sans ambiguïté en page 2 de votre rapport d’information : « Dès 2001, neuf déclarations de chirurgiens transmises à l’AFSSAPS relèvent, notamment, des cas de rupture. [...] Des événements indésirables de même ampleur sont signalés à l’agence au cours des années suivantes. »
Pourtant, il a fallu attendre 2010 pour que l’AFSSAPS décide le retrait et la suspension de la mise sur le marché des implants fabriqués par la société PIP !
L’enchaînement des événements montre de graves déficiences dans la circulation de l’information. Le système de sécurité sanitaire français n’est pas assez fiable et les lanceurs d’alerte vivent un véritable parcours du combattant : leurs cris d’alarme restent vains. Bien pis, ils sont victimes de tentatives multiples de déstabilisation et d’intimidation, en plus de souvent voir leurs compétences remises en cause.
Forte de ce constat, ma collègue Marie-Christine Blandin présentera, le 15 octobre prochain, au Sénat, une proposition de loi visant à renforcer la qualité de l’expertise scientifique et la protection des lanceurs d’alerte. Le Sénat aurait alors l’occasion d’agir réellement pour la sécurité sanitaire des Français.
Je profite également de l’organisation de ce débat pour insister sur les inégalités de santé et les injustices que révèle le dossier des prothèses PIP. D’autres sénateurs se sont exprimés avant moi sur ce point : de nombreuses victimes de la firme frauduleuse PIP sont aujourd’hui confrontées à des difficultés financières graves. Le rapport l’évoque explicitement, certaines d’entre elles se trouvent « dans l’impossibilité de faire face aux coûts des opérations chirurgicales, voire même d’avancer les sommes par la suite prises en charge par la collectivité au titre des seules explantations ». Elles vivent donc dans l’angoisse, ne connaissant pas l’état des prothèses qu’elles portent. Or, selon le rapport, « la découverte d’un taux de rupture plus élevé que celui qui était anticipé valide pourtant le choix d’une explantation généralisée, ne serait-ce qu’en raison de considérations financières : privilégier le suivi régulier des femmes porteuses de prothèses PIP par rapport à leur explantation immédiate pourrait s’avérer à long terme plus coûteux pour la collectivité ».
Notre groupe estime donc que le scandale continue et qu’une barrière sociale s’oppose à la sécurité de certaines victimes. C’est une forme d’obstacle à l’accès aux soins. Nous espérons, madame la ministre déléguée, que tout sera mis en œuvre pour y remédier.
Enfin, parmi l’ensemble des propositions contenues dans le rapport, l’une attire principalement mon attention : il s’agit de la proposition 10, relative à l’interdiction des CMR – produits cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction – de catégorie 2 dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes. Cette proposition est importante et je pense même que nous pourrions et devrions aller plus loin.
Prenons l’exemple du DEHP, une forme de phtalate justement classé CMR de niveau 2 par l’Union européenne. Dans nombre de ses applications, le PVC est plastifié à l’aide de cette substance, pourtant interdite depuis 2005 dans tous les jouets destinés aux enfants de moins de trois ans. Toutefois, il entre actuellement pour plus de 50 % dans la composition des plastiques à usage médical : poches de sang, masques à oxygène, sondes gastriques, etc. Or il est prouvé que le DEHP n’est pas chimiquement lié au PVC et s’en échappe donc en continu. D’une grande liposolubilité, il est particulièrement bien absorbé et, dans l’organisme, sa distribution est rapide vers les poumons, la rate et les tissus adipeux.
En 2008, le rapport du comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux a d’ailleurs proposé une liste de procédures médicales à haut potentiel d’exposition au DEHP et a fait état de risques particuliers d’intoxication aiguë en soins intensifs de néonatalogie, où les nouveau-nés reçoivent des doses de DEHP pouvant atteindre jusqu’à vingt fois la dose journalière tolérable.
Très attachés au principe établi depuis Hippocrate qu’a rappelé Bernard Cazeau, « d’abord ne pas nuire, ensuite seulement soigner », les membres du groupe écologiste du Sénat demandent que la recherche de solutions alternatives par rapport à l’utilisation de phtalates et accessibles financièrement soient encouragée, afin que cette substance soit retirée au plus vite des hôpitaux et, plus largement, soit exclue de tout usage médical ou soignant.