Intervention de Michel Le Scouarnec

Réunion du 3 octobre 2012 à 14h30
Débat sur les conditions de la réussite à l'école

Photo de Michel Le ScouarnecMichel Le Scouarnec :

Enfin, et je n’irai pas plus loin dans l’énumération, 16 % d’une classe d’âge sortent du système scolaire sans diplôme.

Il est donc urgent d’agir, mais surtout de changer de politique éducative. La définition même de la réussite à l’école a été dévoyée et déformée depuis 2007, ce qui a contribué à conduire aux résultats que je viens d’évoquer.

Loin de lutter contre les biais socioculturels des inégalités à l’école, la vision de la réussite scolaire portée par l’ancienne majorité a promu le mérite individuel et la réussite de quelques-uns, sans remettre en cause la reproduction des inégalités au sein de l’école de manière générale.

Il nous semble au contraire que l’objectif de la réussite scolaire est d’amener le plus grand nombre à réussir, en luttant contre l’orientation par défaut et en revalorisant les filières de relégation. C’est faire reculer les inégalités devant l’éducation ; c’est offrir à chacun les moyens de construire sa propre vie scolaire et intellectuelle sans que les conditions économiques, d’origines et de positions sociales la déterminent.

Il faut donc refuser l’échec scolaire et lutter en priorité contre le décrochage.

Le Président de la République avait d’ailleurs promis, pendant sa campagne, de diminuer en cinq ans – nous sommes au pied du mur – le nombre de « décrocheurs » de moitié. Et pour cause : dans son analyse Regards sur l’éducation 2012, l’OCDE pointe les mauvais résultats de la France en matière de taux de scolarisation des quinze à dix-neuf ans, taux qui a baissé depuis quinze ans.

Selon les chiffres de 2010, chaque année, environ 140 000 jeunes abandonnent l’école sans diplôme et 71 % de ces jeunes déscolarisés deviennent chômeurs ou inactifs, contre 57 % en moyenne dans les pays de l’OCDE, ce qui est déjà considérable.

Passivité, souffrance, injustice, absence d’un interlocuteur qui motive les jeunes et leur donne confiance : autant d’éléments qui mènent au décrochage ! Quand on sait, comme le montre une étude de l’Association de la fondation étudiante pour la ville, l’AFEV, qu’un tiers des enfants de familles modestes n’aiment pas l’école, que 22 % s’y ennuient souvent et que 45 % s’y ennuient parfois, le lien est vite établi ! C’est particulièrement vrai dans les classes surchargées, qui plus est quand elles ne sont pas mixtes ; je reprends là des éléments du rapport de Françoise Cartron. Avec un tel cocktail, nous sommes sûrs d’obtenir du décrochage massif !

L’étude pointe aussi le sentiment d’isolement et d’absence de soutien de l’institution que ressentent ces jeunes. L’un des facteurs essentiels de « raccrochage » est la réinstauration d’un dialogue avec un adulte dans l’école.

Les différentes recherches en la matière montrent que le climat scolaire, la façon dont les jeunes se sentent ou non soutenus par les professeurs, le sentiment de justice ou d’injustice qu’ils nourrissent jouent beaucoup. Il s’agit donc là d’un phénomène multifactoriel, qui relève de la ségrégation urbaine, de la dynamique familiale et pas de la seule pédagogie.

Certes, l’école ne peut pas tout, mais le décrochage scolaire nous conduit à nous interroger sur la capacité des enseignants à en détecter les signes au plus tôt, par une formation appropriée, afin d’enclencher un processus plus large de « raccrochage », incluant la famille, l’école, mais aussi les collectivités locales, qui s’investissent déjà énormément dans les bâtiments scolaires, les crèches, les pôles multi-accueil, les activités périscolaires, telles que le développement du sport, de la musique, etc.

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