Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si notre école a réussi la démocratisation aux XIXe et XXe siècles, l’école du XXIe siècle échoue à intégrer tous les publics. Notre pays doit pourtant répondre aux défis du monde d’aujourd’hui et de demain, et l’éducation est au cœur de cet enjeu.
L’enquête internationale PISA publiée en décembre 2010, dont nous avons déjà parlé, montre que le système éducatif français obtient des résultats corrects, dans la moyenne des grands pays développés. Notre système éducatif se caractérise à la fois par des performances moyennes, donc perfectibles, et par un écart de niveau plus important qu’ailleurs entre les meilleurs élèves et les moins bons. C’est là que se situe l’une de nos difficultés.
Les inégalités de niveau scolaire recoupent, davantage que dans les autres pays, les inégalités sociales et les inégalités territoriales. Le sentiment d’une école à deux vitesses, au sein de laquelle ne réussiraient que les « initiés », enfants de cadres supérieurs ou d’enseignants, est en passe de casser la confiance des Français dans cette institution. Nous ne pouvons l’accepter.
Quelles sont les conditions de la réussite à l’école ? Les écoliers ont changé mais l’école n’en a pas fait autant ; à mon avis, nous partageons tous ce constat, au-delà de nos différences de point de vue. En quelques décennies, sous l’action conjuguée de la massification scolaire, du déclin des valeurs traditionnelles et, dans une certaine mesure, de l’immigration, le public accueilli par l’école s’est métamorphosé, sans que notre système éducatif évolue en conséquence. Le résultat est que, dans de nombreuses classes de France, il est tout simplement devenu difficile d’enseigner.
Monsieur le ministre, il est indispensable de transmettre aux Français un projet clair et précis de transformation de notre système éducatif. L’école de la République est l’affaire de toute une nation.
Dès 2007, et tout au long du quinquennat, de nombreuses et indispensables réformes ont été menées par votre prédécesseur au profit de l’école, des élèves et du corps enseignant. Grâce aux dispositifs de l’aide personnalisée, de l’accompagnement éducatif, des stages de remise à niveau, des passerelles et du tutorat, l’élève dispose, de l’école maternelle à la terminale, d’un accompagnement personnalisé tout au long de sa scolarité.
La réforme de l’école primaire est sans aucun doute l’acquis le plus incontestable, puisqu’elle a permis de recentrer les programmes sur les fondamentaux et a instauré deux heures par semaine d’aide individualisée pour les élèves en difficulté. Ce sont 1, 3 million d’écoliers, soit 26 % des élèves de primaire, qui bénéficient de cette aide ; dans les zones d’éducation prioritaire, les ZEP, ce chiffre atteint 33 %. À mon avis, il faudrait encore améliorer le fonctionnement de cette aide personnalisée, qui n’est pas toujours dispensée au moment le plus opportun ; des progrès restent à faire.
Le principal objectif de l’école primaire est de donner aux élèves la maîtrise d’une triple compétence : « lire, écrire, compter ». Ces fondamentaux sont loin d’être acquis par tous les élèves. Cette triste situation est probablement due, entre autres raisons, à la méthode employée et à la réécriture systématique des programmes. Je suis convaincue que les changements incessants des programmes sont nuisibles.
Le collège unique, nécessaire dans les années 1970, est devenu une véritable machine de nivellement par le bas : l’hétérogénéité empêche les élèves d’atteindre leur niveau d’excellence comme ils pourraient le faire dans des classes plus homogènes. Je ne parle pas seulement des bons élèves, mais également des élèves en difficulté qui ne peuvent pas obtenir l’aide nécessaire à leurs progrès. La mixité est certes un idéal, mais en pratique il est très difficile de s’occuper à la fois des élèves ayant déjà atteint un excellent niveau et des élèves en difficulté.
Le socle commun des connaissances est une notion qui reste malheureusement floue, puisque la définition même de ce qui doit être commun au cours de la scolarité ne fait pas l’objet d’un consensus. Je sais, monsieur le ministre, que vous venez de simplifier le livret personnel de compétences des élèves. C’était nécessaire, car cet outil récemment créé doit encore être perfectionné. Il est important de définir et d’évaluer le socle commun afin que, dans toutes les écoles de France, l’objectif recherché soit le même.
Quant à la réforme précédente, dite du lycée de la réussite, laissons-lui le temps de faire ses preuves. Avec la réforme du lycée général et technologique, les séries économique et littéraire devraient être revalorisées par rapport à la voie scientifique. Ce vœu a souvent été émis mais n’a pas encore été suivi d’effet. Je sais combien cette revalorisation est difficile, mais chaque élève devrait trouver sa place selon ses aptitudes et ses goûts.
La réforme de la voie professionnelle, qui généralise le « bac pro » en trois ans, a redonné sa dignité à cette filière, encore trop souvent choisie par défaut. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour que la voie professionnelle devienne une voie de réussite. Il serait souhaitable – là aussi, il s’agit d’un vœu pieux – que l’élève opte pour la filière professionnelle par choix et non par défaut – et souvent bien trop tard, qui pis est. Pour ce faire, les formations professionnelles doivent être présentées aux élèves et mieux valorisées. Par exemple, les formations aux métiers de la restauration ou de l’hôtellerie permettent de trouver un emploi ; les élèves devraient en avoir conscience, mais ce n’est pas toujours le cas. Le CAP petite enfance et les formations diplômantes dans des domaines comme les services à la personne méritent d’être valorisés en tant que voie d’avenir. La liste n’est pas exhaustive. Il faut aussi présenter les formations aux métiers et à l’artisanat d’art. En effet, ces métiers, dans lesquels des talents peuvent se révéler, offrent beaucoup de possibilités mais demeurent méconnus.
Les élèves veulent aller à l’école en toute tranquillité, mais les violences scolaires sont sous le feu de l’actualité. Nous devons agir pour le respect des enseignants et des personnels éducatifs, ainsi que pour la sécurité des établissements scolaires.
Il est urgent de réconcilier les familles avec l’institution ; il est essentiel de trouver ou de retrouver une harmonie entre culture scolaire et culture familiale. L’école ne doit pas être un lieu de débat permanent mais une structure organisée et respectée, qui permette le travail et l’épanouissement culturel de l’enfant dans le respect de chacun. Pour ce faire, les enseignants et les équipes éducatives doivent être écoutés. On ne peut pas perpétuellement remettre en cause la parole des enseignants !
Dans le rapport d’information sur le système éducatif finlandais que j’avais présenté en 2010 au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, j’avais souligné que ce système reposait sur une forte autonomie pédagogique des établissements au niveau communal, mais également sur une autonomie dans le recrutement des enseignants, l’État conservant toutefois la maîtrise complète des programmes et des diplômes. Même si l’on peut regretter que la question de l’autonomie ne soit plus d’actualité, il est indispensable que les chefs d’établissement puissent disposer de davantage de marges de manœuvre pour adapter au mieux l’enseignement au profil des élèves et aux territoires, les besoins et les attentes n’étant pas uniformes en zone urbaine, en zone urbaine sensible et en territoire rural.
Les conditions idéales de la réussite scolaire passent par une connivence entre familles et enseignants. Les parents devraient avoir confiance en l’école pour qu’ils puissent persuader leurs enfants de la nécessité de réussir à l’école pour réussir dans la vie, mais encore faut-il qu’ils en soient eux-mêmes persuadés. Je crois que, au début du XXe siècle, les familles élevaient leurs enfants dans cet état d’esprit et leur inculquaient des valeurs, en particulier celle du respect, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Comment donner aux enfants le plaisir d’apprendre, de découvrir le monde ? Dans certains cas, il faudrait une école ou une maison des parents, pour les familiariser avec l’école et les conseiller.
La formation des enseignants doit aussi prendre en compte les publics nombreux et divers. La pédagogie est certes l’instrument essentiel au service de la réussite scolaire, mais, dans une société mosaïque, composée de personnes d’origines et de cultures diverses, il faut trouver d’autres moyens pour aider tous les enfants.
En conclusion, l’école doit être plus juste pour tous les jeunes de France et sur l’ensemble de notre territoire. Sachez, monsieur le ministre, que le groupe UMP sera vigilant quant aux mesures prises par le Gouvernement pour accompagner la refondation de l’école de la République, une mission qui nous engage et nous oblige tous.