Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enseignant que j’étais se réjouit du présent débat sur la réussite scolaire, laquelle est le moteur de l’ascenseur social. Je souhaite apporter un éclairage différent en vous exposant le vécu d’un petit territoire d’outre-mer du bout du monde où l’on débat aussi sur un meilleur avenir de l’école.
Certains problèmes, qui ne sont pas différents de ceux que rencontre la métropole, s’y trouvent cependant amplifiés, pour ne pas dire exacerbés.
Bien évidemment, la réussite scolaire passe en premier lieu par des conditions matérielles satisfaisantes, qui sont, hélas ! déficientes à Wallis-et-Futuna. À Futuna, voilà deux ans et demi, le cyclone Tomas a tout détruit, à commencer par les écoles ; le bâti scolaire est dégradé sur l’ensemble du territoire. À Wallis, le lycée ayant été construit selon des normes totalement inadaptées à un climat tropical humide, les élèves travaillent dans des conditions difficiles malgré les rénovations réalisées au cours de ces dernières années.
Nos établissements disposent d’équipements et de dotations de fonctionnement plus que limités. Par exemple, ils ne bénéficient pas d’un équipement informatique suffisant ni de connexions internet satisfaisantes, ce qui représente un sérieux handicap pour les élèves au cours de leur cursus scolaire. Sur un territoire exigu et éloigné de tout, internet est pourtant primordial pour s’ouvrir au monde et le découvrir. Cette déficience est aussi particulièrement problématique, car le retard que prennent les jeunes dans la maîtrise de l’outil informatique les pénalise ensuite par rapport à leurs condisciples métropolitains lors de la poursuite de leurs études supérieures.
La fracture numérique est d’autant plus pénalisante pour les élèves de Wallis-et-Futuna qu’elle n’est pas compensée sur place, et c’est le moins que l’on puisse dire, par des bibliothèques aussi fournies que la BNF. Il est vraiment dommage que peu de livres soient proposés aux jeunes.
Des conditions autres que matérielles déterminent également la réussite scolaire. Ainsi, l’enseignement qui est dispensé doit être non seulement de qualité, mais aussi adapté. Dans ce domaine, on peut identifier en premier lieu les formations proposées aux élèves. De ce point de vue, Wallis-et-Futuna est bien mal loti.
Certes, même si des élèves encore très jeunes sont obligés de partir loin de leurs familles, en Nouvelle-Calédonie ou en métropole, je comprends bien que toutes les filières d’enseignement – baccalauréats techniques ou professionnels, BEP, CAP – ne peuvent être proposées sur place. En revanche, le choix des filières laisse à désirer. Ainsi, la nouvelle carte des formations projetée par le vice-rectorat ne me semble pas correspondre aux réalités locales et mériterait d’être discutée de nouveau avec l’ensemble des acteurs concernés.
Enfin, le dernier point important que je voudrais mettre en exergue concerne la gestion des ressources humaines par le ministère, car les personnels d’enseignement sont déterminants dans la réussite éducative.
Les enseignants venant de métropole exercer leur fonction à Wallis-et-Futuna subissent un choc culturel très fort. Le choix des personnels que l’État envoie est donc délicat à gérer. Il conviendrait que le territoire y soit mieux associé, selon une formule qui reste à inventer.
Trop souvent, nous avons accueilli des professeurs peu impliqués et, ayons l’honnêteté de le reconnaître, peut-être prioritairement intéressés par un séjour au soleil et par une meilleure rémunération en raison de l’indexation appliquée.
À l’inverse, hélas ! fréquemment, des professeurs très motivés et engagés n’ont pu prolonger leur séjour. La formule actuelle – un séjour de deux ans renouvelable seulement une fois pour une même période – est dommageable. J’ai pu moi-même en constater les effets négatifs par rapport à des séjours plus longs.
Une plus grande souplesse permettrait une meilleure gestion du personnel. Par exemple, une installation sur le territoire d’une durée de deux ans, renouvelable à la carte pour une période de trois ou quatre ans, au choix de l’enseignant et, bien entendu, en fonction de l’évaluation de son travail, pourrait être imaginée. Tout en laissant aux professeurs qui ne souhaitent pas prolonger leur séjour le choix de partir, elle aurait l’avantage d’impliquer ceux qui désirent rester et qui, aujourd’hui, menacés par le couperet d’un départ obligatoire à court terme, se sentent démotivés. Cela se ressent tant dans leurs comportements que, de fait, dans la réussite de leurs élèves.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les brèves observations que je voulais formuler.