Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 3 octobre 2012 à 14h30
Débat sur les conditions de la réussite à l'école

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est de l’éducation que dépendent l’avenir de notre jeunesse et le redressement de la France.

« Refonder l’école et refonder la République par l’école ! » : c’est en ces termes, monsieur le ministre, que vous vous adressiez, aux côtés de votre collègue George Pau-Langevin, aux enseignants lors de la rentrée. Il n’en faut certes pas moins pour éponger la dette éducative qu’on nous a laissée…

Bien sûr, dans ce contexte, l’enseignement français à l’étranger semble bien privilégié. En effet dans le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, le taux de réussite au baccalauréat est de 95 %, près de 60 % des reçus obtenant une mention. Pourtant, ces chiffres exceptionnels cachent une réalité plus nuancée : l’excellence éducative ne concerne que les élèves dont les familles satisfont aux critères draconiens d’attribution de bourses scolaires ou ont les moyens financiers nécessaires pour inscrire leurs enfants dans des établissements parfois extrêmement onéreux.

Le Président de la République s’est engagé à ouvrir davantage les portes de ces établissements. La première étape passe par la suppression de la prise en charge indifférenciée de la scolarité pour les lycéens. Par ailleurs, une révision globale du système de bourses est en cours, pour qu’aucun enfant français vivant à l’étranger ne soit privé d’un enseignement français pour des raisons financières. Nous nous félicitons de cette évolution, destinée à rendre « l’école plus juste » dans le réseau de l’étranger aussi.

Malgré tout, les deux tiers des enfants français demeurent exclus du système. C’est le cas, tout d'abord, pour des raisons d’éloignement géographique : l’AEFE constitue l’un des réseaux les plus denses au monde, mais il va de soi que ce maillage ne peut être parfait.

Plus inquiétante est la pénurie de places au sein des établissements. L’AEFE est en sous-financement chronique depuis des années, rejetant sur les parents l’essentiel du financement du réseau. C’est pourquoi un relèvement du plafond d’emplois des professeurs titulaires détachés est vainement sollicité depuis longtemps. Le réseau français à l’étranger a d’ailleurs malheureusement été tenu à l’écart du plan d’urgence du Gouvernement pour la rentrée de 2012.

L’exclusion de deux élèves sur trois de l’enseignement français à l’étranger s’explique aussi par une autre spécificité du réseau : la quasi-absence de parcours différenciés.

La prise en charge du handicap, tout d'abord, reste très insuffisante, malgré les efforts qui ont été accomplis. Un état des lieux de la loi de 2005 sur le handicap serait d’ailleurs bienvenu dans le réseau à l’étranger.

En effet, l’aide à la prise en charge des AVS, les auxiliaires de vie scolaire, demeure très faible et l’information des familles trop parcellaire. La scolarisation des enfants en situation de handicap figure parmi les grands thèmes de la concertation sur la refondation de l’école. À cet égard, il est essentiel que les enfants handicapés ne soient pas exclus de fait des établissements d’enseignement français à l’étranger, d’autant plus qu’il n’existe parfois aucune solution de rechange dans le système scolaire local.

Toutefois, au-delà de ce thème spécifique, c’est tout le problème de l’offre éducative qui doit être évoqué : l’enseignement français à l’étranger ne compte pratiquement pas de filières pour les élèves qui ne peuvent ou ne veulent pas suivre la voie générale.

Les filières techniques et professionnelles demeurent exceptionnelles. Dans ces conditions, les élèves relevant d’un tel enseignement sont gentiment invités, pour ceux, nombreux, qui ne peuvent rentrer en France, à rejoindre les établissements scolaires locaux. Cela ne pose pas de problème dans les pays aux systèmes éducatifs similaires au nôtre, mais quid des autres ? Il y a quelques semaines, l’Assemblée des Français de l’étranger a d’ailleurs demandé un état des lieux sur ces filières techniques et sur les besoins en formations professionnelles dans le réseau. L’échec scolaire se transforme donc en « réorientation dans le système de scolarité du pays ».

Le réseau français à l’étranger a des qualités indéniables. Toutefois, les résultats au baccalauréat, supérieurs de plus de dix points à ceux qui sont constatés en France, sont en réalité assez illusoires. À cet égard, il serait très intéressant de mener des études de cohorte pour analyser véritablement les raisons qui conduisent les élèves à quitter le système français.

Certes, le réseau d’enseignement français à l’étranger constitue une filière d’excellence, mais veillons à ne pas en faire simplement une pépinière de privilégiés !

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