Intervention de François Pillet

Réunion du 3 octobre 2012 à 14h30
Débat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de france et ses incidences fiscales

Photo de François PilletFrançois Pillet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est évidemment impossible que la synthèse de ce rapport sur l’évasion fiscale internationale – synthèse autorisée à ceux qui l’ont lu – puisse être réalisée rapidement, a fortiori en quelques minutes. Je peux en tout cas assurer que sa lecture est passionnante tant il permet de comprendre et d’appréhender aujourd’hui dans sa totalité le phénomène étudié.

Au cours de cette enquête, le président Philippe Dominati a permis une exploration profonde du sujet, en dirigeant, avec une autorité souriante, des auditions et des débats sans concessions, et le rapporteur, Éric Bocquet, sans renier certaines analyses qui lui sont propres, a proposé des conclusions qui ont recueilli l’approbation de l’ensemble des membres de la commission. Pour ma part, je retiendrai, après avoir volontairement voilà quelques instants élagué mon projet d’intervention de tous les exemples qui vous ont déjà été donnés – cela me permettra d’être concis –, une constatation et une recommandation, toutes deux essentielles, prioritaires et fortes.

Pour ce qui est de la constatation, je me permettrai de citer le rapporteur : « Un consensus s’est formé au sein de la commission, celui de privilégier le travail de fond mais aussi celui de la transparence ». Mais il a surtout souligné qu’il existait « une forme de consensus pour repousser l’évasion fiscale internationale ».

Oui, madame la ministre, il s’agit bien là d’un « consensus républicain ».

J’en viens à la recommandation. Toutes les situations, toutes les hypothèses hors la loi – acte anormal de gestion, abus de droit, fraude fiscale – doivent alimenter un autre débat pour ne pas obscurcir le débat sur l’évasion fiscale et sur l’optimisation fiscale, pratiques qui, elles, se logent à l’abri des traités, des conventions internationales, de la loi et de la réglementation.

Quelques constats sont incontournables.

Aucune donnée scientifique précisant les dégâts causés par l’évasion fiscale n’est à notre disposition, même si certaines approches de la quantification du phénomène sont plausibles.

La complexité et l’abondance des textes et de la réglementation favorisent des « tunnels » d’évasion.

La coopération administrative entre États est quasiment embryonnaire.

L’ingénierie fiscale ou sociale est en permanente adaptation avec une efficacité infiniment plus immédiate que les réactions législatives ou réglementaires.

Quels sont les efforts de la France pour lutter contre l’évasion fiscale ?

Le rapport souligne objectivement les efforts indéniables réalisés unilatéralement par la France, dans les mois ou les années passés, pour mettre des outils juridiques à la disposition de l’administration fiscale et pour traduire juridiquement des engagements internationaux en droit interne, notamment en ce qui concerne les mesures de rétorsion frappant les États et les territoires non coopératifs.

Il cite utilement les mesures techniques prises qui rendent efficace un effort de sécurisation de l’assiette de l’impôt.

Sans reprendre l’inventaire exhaustif fait dans le rapport, je tiens à cet égard à citer : l’allongement du délai de reprise de l’administration fiscale ; la mise en place de nouvelles procédures de contrôle en matière de TVA et de flagrance ; la création de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale ; la spécialisation d’agents affectés à la lutte contre les trafics illicites ; la signature de conventions internationales d’échange d’informations ; la création de l’exit tax.

Mais comment ignorer les graves dommages causés au principe, à mon sens porteur de progrès, de libre circulation des personnes, des capitaux et des entreprises, à l’origine du marché unique, par la coexistence de vingt-sept souverainetés fiscales en concurrence ?

Je vous invite à rapprocher un instant le champ de la compétition économique des terrains de la compétition sportive. Imaginez un championnat d’Europe de football ou, pis, une Coupe du monde, où l’on s’accommoderait d’équipes bénéficiant de cages plus étroites, d’autres jouant à quinze et même, pour certaines, avec les mains, le tout sous l’œil d’un arbitre qui laisserait à chaque fédération nationale le soin de fixer les règles applicables à son équipe ! §

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