Intervention de Louis Duvernois

Réunion du 3 octobre 2012 à 14h30
Débat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de france et ses incidences fiscales

Photo de Louis DuvernoisLouis Duvernois :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ma qualité de sénateur représentant les Français établis hors de France, je me réjouis de la tenue de ce débat.

Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales va nous permettre d’étayer notre réflexion. Il est l’aboutissement d’un très long travail, auquel j’ai eu l’honneur de participer, comme quelques autres de mes collègues de toutes tendances politiques.

Ce travail, à mon sens, a été très utile, car il a permis, en ce domaine, de faire la part des fantasmes et de la réalité.

Nier tout exil fiscal est illusoire. On ne peut, en effet, contester l’impact des politiques fiscales conduites jusqu’à présent ; l’actualité récente nous en fournit maints exemples. Les très nombreuses auditions menées par la commission d’enquête ont clairement démontré l’ampleur du phénomène.

Pour autant, tout Français de l’étranger ne saurait être stigmatisé et considéré comme un exilé fiscal.

L’Assemblée des Français de l’étranger s’est aussi, pour sa part, interrogée sur le principe de territorialité de l’impôt, engageant une réflexion sur les conséquences que pourrait avoir l’introduction, en matière fiscale, du principe de nationalité, à côté du principe de territorialité, que je qualifierai d’« assise » du code fiscal.

Cette question concerne au premier chef nos compatriotes expatriés, dont un certain nombre sont binationaux. En effet, comment ne pas tenir compte des conséquences économiques, financières et culturelles des probables renonciations massives à la nationalité française que l’application de cette mesure pourrait induire ?

Quelque cent vingt conventions fiscales bilatérales signées par la France permettent tout à la fois de déterminer le domicile fiscal du contribuable et d’éviter que celui-ci ne subisse une double imposition, en France et dans son pays de résidence. Il s’agit d’une mesure d’équité, nous en sommes tous bien conscients.

Toutefois, Me Jean Pujol, conseiller élu des Français de l’étranger et avocat installé en Andorre, a évoqué, lors de son audition par la commission d’enquête, le cas récent de la convention franco-andorrane, dont une des clauses est pour le moins inhabituelle, sinon extravagante, puisqu’elle permet à l’État français de refuser son application à nos compatriotes résidant en Andorre, ouvrant la porte, ipso facto, à une double imposition.

Voilà une disposition incongrue et potentiellement dangereuse, car son introduction dans d’autres conventions permettrait de vider celles-ci de leur substance.

L’administration fiscale outrepasse ainsi ses pouvoirs en mettant le Parlement devant le fait accompli. Il appartient donc à la représentation nationale, en vertu de son pouvoir de contrôle de l’action gouvernementale, d’être, sur ce point, particulièrement vigilante sur le contenu des futures conventions bilatérales.

Par ailleurs, malgré les demandes récurrentes des parlementaires représentant les Français établis hors de France, le ministère de l’économie et des finances n’a jamais fourni de chiffres précis permettant de mesurer le niveau de l’expatriation fiscale.

Certes, le phénomène n’est pas facilement quantifiable, mais, comme le note le rapport avec pertinence, les « organismes en charge de cette question ne […] communiquent pas, au minimum, [les] estimations qui pourraient éventuellement reposer sur des jeux d’hypothèses.

Le rapport poursuit : « Les sources publiques d’évaluation de l’évasion fiscale internationale sont généralement muettes.

« Les informations quantifiées fournies par les administrations publiques françaises en charge de la fraude sont rares, leur réponse aux questions portant sur l’estimation de l’évasion fiscale consistant à… n’en pas fournir. »

La commission des finances et des affaires économiques de l’Assemblée des Français de l’étranger, lors de sa réunion du 3 septembre dernier, a reconnu l’intérêt de certaines propositions du rapport sénatorial. Elle a notamment ciblé le renforcement de la coopération et de l’harmonisation fiscales, en particulier en Europe, une meilleure surveillance fiscale des opérations de cessions-acquisitions-fusions, ainsi qu’une approche pragmatique du spectre très large de la problématique des prix de transfert.

Pour autant, cette commission s’est étonnée du manque d’informations chiffrées que je viens d’évoquer. Elle a ainsi constaté qu’il n’était toujours pas possible de connaître le montant des prélèvements sociaux sur les revenus immobiliers et les plus-values immobilières de source française pour les non-résidents, de même que la répartition entre non-résidents français et étrangers.

Les revenus de location d’immeuble et les plus-values immobilières des non-résidents sont, rappelons-le, soumis aux prélèvements sociaux depuis la loi de finances rectificative pour 2012 adoptée en juillet dernier.

La commission d’enquête sénatoriale a émis plusieurs propositions afin de pallier ce manque d’informations, notamment au travers de la mobilisation de notre appareil statistique pour évaluer l’évasion fiscale. Je m’en félicite et souhaite que le Gouvernement reprenne à son compte nos propositions en la matière. J’espère, madame la ministre, que notre demande sera satisfaite.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je terminerai en remerciant le président de la commission d’enquête, Philippe Dominati, ainsi que son rapporteur, Éric Bocquet, qui, malgré leurs différences idéologiques, ont su travailler dans un climat constructif et publier un rapport objectif, très complet, dont les 61 propositions, feront, je l’espère, l’objet de toute l’attention du Gouvernement, dont on peut attendre qu’il ne laisse pas sans suites ce travail du Sénat.

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