Intervention de François Patriat

Réunion du 3 octobre 2012 à 14h30
Débat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de france et ses incidences fiscales

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la lutte contre l’évasion fiscale va pouvoir bénéficier de moyens supplémentaires, visant notamment à renforcer les pouvoirs d’investigation, d’enquête et de recouvrement de l’administration. Sachez que nous sommes, bien entendu, très favorables à cette évolution.

À ce titre, il est important de souligner que des dispositions « anti-abus » ont déjà été adoptées dans le cadre du collectif budgétaire que nous avons voté cet été.

Comme le rappelait récemment le ministre du budget, l’efficacité du recouvrement des sommes dues, dans les cas de fraudes fiscales ou sociales mises au jour, est loin d’être satisfaisante.

Au moment où l’on demande un effort vigoureux au pays, il ne serait évidemment pas acceptable que certains contribuables estiment pouvoir s’en affranchir : ils doivent, eux aussi, consentir cet effort.

Tous les aspects du rapport de la commission d’enquête sénatoriale ayant déjà été développés, je me contenterai d’aborder un point particulier, sur lequel je reviendrai d’ailleurs au moment de l'examen du budget pour 2013.

Mes chers collègues, nous avons voté à l’unanimité le rapport de la commission d’enquête sénatoriale, qui a formulé 61 propositions pour lutter contre la fraude fiscale.

Il y est précisé que le montant correspondant à la fraude et à l’évasion fiscales est aujourd’hui particulièrement élevé. Les chiffres ont été rappelés : celui-ci représenterait près de 50 milliards d’euros chaque année. Comme l’avait fait remarquer mon collègue Yannick Vaugrenard, ce montant égalerait, au moins, les sommes consacrées annuellement au remboursement des intérêts de la dette française. Voilà qui ne manquera pas de parler aux Français, à qui l’on demande tous ces efforts…

À ce titre, et c’est le sens de mon intervention, il serait judicieux de mettre en place un système de taxation sur le revenu mondial, que j’estime indissociable du taux de 75 %.

En 2007, François Marc, aujourd'hui rapporteur général de la commission des finances, avait d’ailleurs proposé, dans le cadre d’un rapport sur la fiscalité, de créer un « impôt citoyen » qui frapperait « tous » les expatriés.

En 2010 et 2011, Jérôme Cahuzac, alors président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, devenu depuis ministre du budget, avait remis cette idée sur la table en proposant, à travers des amendements, de faire contribuer les expatriés dont le revenu annuel dépassait 200 000 euros, pour la partie supérieure à cette somme. Quand l’un de ces amendements avait été discuté à l’Assemblée nationale, en octobre 2010, le ministre du budget de l’époque, François Baroin, avait dénoncé cette taxe, la qualifiant de « droit du sang fiscal », et considéré qu’elle relevait d’une « conception qui va à rebours de l’histoire ». L’actuel ministre du budget avait pourtant suggéré, à juste titre, un impôt de bon sens.

Cette proposition part d’un constat évident, mes chers collègues : pourquoi ne pas rappeler leur nationalité à ceux qui sont partis et leur demander de payer quelque chose en France, pays où ils sont nés, où ils ont été soignés, où ils sont allés à l’école ?

Pour mémoire, je précise qu’actuellement nos compatriotes expatriés payent l’impôt à l’État dans lequel ils résident fiscalement. La France a en effet signé avec d’autres pays dans le monde des conventions fiscales, environ cent vingt, en vertu desquelles elle renonce à son droit souverain de lever l’impôt au profit de ces pays, selon le principe du domicile fiscal. C’est un sujet sur lequel je suis déjà intervenu à plusieurs reprises en commission des finances.

Conséquence de ces accords pour les Français domiciliés fiscalement à l’étranger : seuls sont imposables en France les revenus de source française, tels que revenus du capital, revenus immobiliers, droits d’auteur.

Par ailleurs, en vertu d’un accord visant à favoriser la mobilité des salariés en Europe, un Français travaillant dans un autre pays européen et qui perd son emploi peut s’inscrire au chômage dans le pays où il réside ou bien dans son pays de naissance. Dans ce cas, l’assurance chômage française l’indemnise, sur la base de son dernier salaire perçu, à condition qu’il ait retravaillé entre un jour et trois semaines sur le territoire français. Il se peut donc que des traders français de la City soient revenus en France toucher des allocations de chômage.

Nous sommes, dès lors, en droit de nous demander pourquoi nous ne lions pas imposition et citoyenneté.

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