J’en viens maintenant à la fraude proprement dite, celle qui résulte d’une action intentionnelle de se soustraire à l’impôt dû.
L’analyse du Gouvernement et celle du Sénat se rejoignent : au regard du bilan des actions passées, la nouvelle étape à franchir impose de travailler selon plusieurs axes.
Dès cet été, Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac ont ainsi proposé au Premier ministre de structurer autour de trois axes principaux l’action du ministère de l’économie et des finances, qui a un rôle moteur à l’échelle interministérielle dans la lutte contre toutes les atteintes aux finances publiques.
C’est autour de ces axes que s’ordonne aujourd’hui et que va s’ordonner durant toute la législature l’action du Gouvernement. Vous en admettrez sans difficulté, je pense, le caractère déterminant.
Notre premier axe de travail est le renforcement du pilotage stratégique de la lutte contre la fraude, entendu comme une démarche intégrée, allant, conformément à un souhait qui a été exprimé, de l’évaluation régulière du phénomène et de la veille stratégique jusqu’à l’organisation en conséquence des plans de contrôle des services compétents.
Sous la précédente mandature, nous avions critiqué une situation que l’on ne peut que regretter et dont les rapports de la Cour des comptes et du Sénat démontrent à l’envi le caractère bien réel : si, au cours des cinq dernières années, une forme de « frénésie » législative et réglementaire a caractérisé l’action du Président de la République et du Gouvernement, notamment pour mettre en avant l’interconnexion de fichiers entre les services de contrôle, la mise en œuvre de ces nouveaux outils n’a hélas pas fait l’objet d’autant de soin et de diligence. Et, tandis que l’attention de l’opinion était régulièrement appelée sur le spectre d’une fraude massive aux prestations sociales, pourtant non attestée par les données disponibles, les responsables des « massifs » de fraudes beaucoup plus importantes que sont la fraude aux cotisations sociales résultant du travail dissimulé et la fraude fiscale – spécialement dans sa dimension internationale – étaient beaucoup moins stigmatisés et poursuivis.
Dans le domaine de la lutte contre la fraude plus encore que dans d’autres champs de l’action publique, la démarche d’évaluation, de veille stratégique et l’attention portée à l’optimisation de l’utilisation des moyens dont sont dotés les services de contrôle, notamment par un effort de coordination entre eux, sont déterminantes. L’enjeu est bien, en effet, de donner à l’action publique une réactivité et une agilité à la mesure de celles dont les fraudeurs eux-mêmes font preuve pour se soustraire à leurs obligations légales.
Il y faut un travail constant, fait de patience et de ténacité, plutôt que des effets d’annonce.
Ce travail a été engagé. Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac ont d’ores et déjà créé au sein du ministère de l’économie et des finances une structure légère, appelée comité ministériel de veille stratégique de la lutte contre la fraude, réunissant une fois par mois les responsables des administrations impliquées dans ce travail : le directeur général des finances publiques, le directeur général des douanes et droits indirects, le directeur de la sécurité sociale, le directeur du service TRACFIN et le délégué national à la lutte contre la fraude.
Au sein de cette instance ont commencé à être identifiés les premiers perfectionnements possibles de nos pratiques, à droit et moyens inchangés.
En particulier, dans le domaine de la fraude à la TVA, nous travaillons à une meilleure coordination des travaux de la DGFIP, la direction générale des finances publiques, et de la DGDDI, la direction générale des douanes et des droits indirects, pour nous permettre de mieux appréhender des fraudes complexes, du type de ces « carrousels » de TVA imparfaitement réprimés ces dernières années.
Le plan stratégique 2013-2015 auquel nous travaillons pour la DGFIP comprendra évidemment des axes de travail structurants pour rénover les pratiques du contrôle dans le domaine fiscal, avec l’objectif de réussir à mieux cibler la fraude fiscale la plus complexe, notamment dans sa dimension internationale.
Ce renouvellement du pilotage stratégique ne s’arrête pas aux frontières du ministère de l’économie et des finances. Conformément aux conclusions de la grande conférence sociale, nous travaillons dès à présent avec Michel Sapin à un nouveau plan national de lutte contre le travail illégal. Celui-ci sera l’une des composantes du plan national de lutte contre la fraude qui sera proposé au tournant de l’année au comité national de lutte contre la fraude, dont le Premier ministre d’ores et déjà décidé d’assumer personnellement la présidence.
Cet effort de programmation et de gouvernance associera bien sûr le Parlement, représenté au sein du comité national.
Par là, nous entendons, sous l’autorité du Premier ministre, remédier aux insuffisances de la coordination des services durant la période antérieure, amplement démontrées par le rapport de la commission d’enquête sénatoriale.