Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 3 octobre 2012 à 14h30
Débat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de france et ses incidences fiscales

Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée :

La commission d’enquête a conclu que la CIF était utile pour vérifier que sont bien visées les fraudes les plus graves et qu’il n’y a pas d’arbitraire.

Le Gouvernement partage ce point de vue, considérant qu’il est utile de disposer d’un regard extérieur et que cette approche n’entrave en rien le volontarisme de son action.

Notre deuxième axe de travail va nous conduire, comme plusieurs orateurs l’ont souhaité, à porter à l’échelle européenne et internationale une parole exigeante, claire et ambitieuse quant à la nécessaire accélération de travaux engagés, parfois trop timidement encore, on veut bien l’admettre, par les institutions européennes, par le Forum mondial de l’OCDE sur l’échange d’informations entre administrations fiscales ou par le G20.

Disons-le clairement, tous les travaux engagés sont utiles, quoique leur rythme n’ait jusqu’à présent pas permis de progresser comme il l’aurait fallu. Avec d’autres de ses partenaires, la France entend jouer un rôle moteur pour que ces travaux aboutissent à des solutions concrètes dans des délais convenables.

Il faut poursuivre et amplifier la pression sur les juridictions « non coopératives », dégager des solutions pratiques pour rendre beaucoup plus effective l’assistance administrative mutuelle avec certains des États cocontractants.

Aux États qui ne font guère évoluer leurs pratiques – y compris des États européens, comme le relève avec force le rapport du Sénat –, il faut savoir tenir un langage de vérité et tirer toutes les conséquences de leur comportement. Pierre Moscovici a déjà évoqué publiquement la perspective de la renégociation de certaines conventions bilatérales, qui s’imposera dès lors que des progrès ne pourront pas être effectivement mesurés au titre des travaux en cours.

Qui refuse la coopération ne peut s’attendre à quelque forme de candeur ou de clémence de la part de la France. Nous ne sacrifierons pas les intérêts des finances publiques françaises à des arrangements avec ceux qui font obstacle à une véritable coopération administrative. À cet égard, vous avez cité certains pays, la Suisse en particulier.

Il est particulièrement bienvenu, selon nous, qu’avec les accords relatifs au FACTA les États-Unis et plusieurs États européens rehaussent un véritable échange d’informations au rang de standard international. C’est à la généralisation de ce type d’échanges que nous voulons travailler résolument. Nous sommes peut-être en train de vivre un tournant, de ce point de vue, sous l’effet de la crise, puisque même des pays traditionnellement moins soucieux que nous de lutter contre l’évasion fiscale mesurent aujourd’hui l’importance de celle-ci. C’est le cas de la Suisse.

Le Gouvernement est résolu à obtenir la mise en œuvre de la coopération fiscale pour tous les États qui s’y sont engagés. La Suisse en fait partie. Nous sommes très vigilants et déterminés à ce sujet.

Ces prochaines semaines, Pierre Moscovici fera des propositions d’avancées concrètes dans le cadre européen, dans la perspective de deux rendez-vous sur lesquels nous fondons beaucoup d’espoir : d’une part, l’ouverture de la négociation sur la révision de la directive dite « anti-blanchiment » ; d’autre part, l’adoption programmée par le Conseil européen de fin d’année d’un plan européen d’action contre la fraude fiscale.

Je ne dévoilerai pas ici ce soir tous les détails de ce plan, mais nos propositions seront précises et instruites de l’expérience. Nous y traiterons de questions comme celles sur lesquelles vous avez judicieusement, et non sans humour, appelé l’attention, madame Goulet.

Le troisième axe de travail auquel nous nous attachons donnera l’occasion au Parlement, dans un petit nombre de semaines, d’examiner une série de mesures législatives rassemblées dans un « paquet anti-fraude » du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

Instruits des limites de la méthode législative suivie au cours de la période antérieure, nous n’avons nulle intention de multiplier les mesures éparses. Mais il est certain que, quelle que puisse être l’accélération espérée à l’échelle internationale de la coopération contre les paradis fiscaux, il nous faut combler dans notre panoplie de contrôle certaines faiblesses crûment mises au jour par les défaillances relevées dans le rapport de votre commission d’enquête.

Madame Bouchoux, nous avons commencé à le faire sur le dossier des trusts en publiant, à la mi-septembre, un décret obligeant les administrateurs de trusts concernant des résidents français ou des biens en France à déposer une déclaration spéciale et à payer les impôts dus.

Le débat organisé ce soir n’est pas le cadre approprié pour annoncer ces mesures, dont le conseil des ministres doit encore délibérer. Vous pouvez néanmoins être sûrs, mesdames, messieurs les sénateurs, que les travaux en cours n’éludent aucun des obstacles majeurs auxquels est aujourd’hui confrontée l’administration fiscale dans le traitement des phénomènes d’évasion qui sont les plus difficiles à appréhender parce que fondés sur des montages complexes.

Sans attenter en rien à la liberté de circulation des personnes, des biens ou des capitaux, il nous faut disposer d’outils adaptés pour nous assurer que celle-ci s’effectue sans laisser s’épanouir des fraudes proprement inacceptables pour le Gouvernement comme pour nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le relevais en commençant mon propos, ce débat témoigne de l’implication dont la Haute Assemblée entend faire preuve dans le suivi des conclusions du rapport de sa commission d’enquête. J’ai précisé comment le Gouvernement entendait agir.

Je suis très sensible à la demande formulée par plusieurs d’entre vous d’avoir des points de rendez-vous sur ces questions. Soucieuse que celle-ci soit entendue, j’en ferai part tant à M. Moscovici qu’à M. Cahuzac, qui ne manqueront pas de vous associer, au-delà même des réunions du comité national de lutte contre la fraude, à l’ensemble des travaux qui auront lieu tout au long de la législature. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion