Intervention de André Gattolin

Réunion du 10 octobre 2012 à 14h30
Nouvelles perspectives européennes — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

... et sans totale réciprocité de la part de nos partenaires extra-européens. Avant ces accords successifs, une partie des droits de douane perçus à l’entrée de l’Union abondaient directement son budget. En remplacement de cette ressource propre, nous avons dû faire appel à un renforcement des contributions nationales, ce qui n’a fait qu’accroître les marchandages en tout genre entre les États membres, et a limité d’autant la nécessaire croissance du budget de l’Union. On a ainsi grandement contribué à affaiblir ce qui était, et reste toujours, la principale puissance économique et commerciale de la planète.

La seconde erreur majeure a été d’instaurer une monnaie commune sans se doter de véritables instances de cohésion et de régulation à la fois économique et financière. L’euro était supposé protéger nos économies de la spéculation. Hélas, nous sommes loin d’avoir atteint cet objectif ! L’euro devait être un pas de plus vers une Europe plus unie, mais il paie aujourd’hui, ainsi que les citoyens européens, l’absence de véritable gouvernance économique de l’Europe. Nous payons aujourd’hui le prix de la non-fédéralisation de l’Europe !

Dans cette optique, il est indispensable de renforcer cette Union économique et monétaire en la dotant d’une véritable dimension fédérale.

Cela passe notamment par une extension du mandat de la BCE, afin de lui permettre de venir en aide aux États en difficulté, dans la lignée et le prolongement, notamment, de son nouveau programme de rachat d’obligations.

Cela passe par l’activation, dès cette semaine, du mécanisme européen de stabilité pour soutenir l’Espagne et éviter un terrible effet domino sur les autres économies.

Cela passe aussi par une supervision bancaire intégrée au niveau européen.

Cela doit également passer par une véritable convergence des États membres en matière fiscale.

Comme l’a évoqué le Premier ministre dans sa déclaration, la poursuite de cette convergence fiscale est une impérieuse nécessité. Nous ne pouvons que l’approuver.

Depuis plus de trente ans, les écologistes et les fédéralistes réclament une harmonisation fiscale en Europe. À l’heure où une partie importante de l’économie se dématérialise et où les consommateurs peuvent de plus en plus facilement se jouer des frontières pour procéder à leurs achats, ce ne sont pas seulement des emplois qui se délocalisent à présent, dans les services comme dans l’industrie, mais c’est aussi le produit de la vente effectuée sur un territoire qui est capté par quelques oasis fiscales surgies au cœur même de l’Union européenne. À l’heure où il nous est demandé une rigueur financière sans précédent, de telles pratiques ne sont plus acceptables.

À terme, et une fois la convergence opérée, nous pourrions imaginer qu’une part de l’impôt sur les sociétés aille directement abonder le budget de l’Union européenne.

Le lancement d’une coopération renforcée pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières a été annoncé hier. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette nouvelle. Là encore, il s’agit d’une politique que les écologistes, notamment au sein du Parlement européen, soutiennent depuis une quinzaine d’années ! J’y vois un signe que l’Europe a bel et bien enclenché une évolution que nous espérons salutaire.

Il ne faudrait cependant pas s’arrêter trop tôt en chemin. Le budget européen, que le gouvernement précédent espérait diminuer, équivaut aujourd’hui à 1 % seulement du PIB de l’Union. Pour redonner à l’Union l’élan dont elle a besoin, il conviendrait de faire passer, via la mise en place de nouvelles ressources propres, ce budget aux alentours de 5 % à 7 % du PIB à l’horizon 2025, soit l’équivalent de ce qu’a pu accomplir aux États-Unis, de 1932 à 1945, le président Franklin Delano Roosevelt. L’Europe pourra alors se constituer en puissance budgétaire autonome, capable de faire valoir l’intérêt général européen sur les intérêts nationaux trop souvent divergents.

Monsieur le ministre délégué, l’Union européenne commence doucement à se réveiller. Mais, trop souvent encore, on entend dire qu’elle est insuffisamment démocratique, alors que la démocratie se trouve au fondement même du projet européen.

Pour rendre l’Europe fidèle à elle-même et approfondir les pistes que j’ai évoquées, je ne vois qu’une possibilité : renforcer le pouvoir politique, parlementaire et citoyen sur les orientations de l’Union, à l’échelle du continent comme à celle des États membres.

Nous devons mieux penser l’articulation entre un Parlement européen renforcé et les parlements nationaux, lier davantage, sur ces questions, nos exécutifs au législatif. Bref, il faut politiser l’Europe, donner à la politique européenne l’occasion de se déployer à la fois vers les citoyens et sur une base transnationale. C’est là un vaste mais impérieux chantier pour lequel, si vous êtes résolu à vous y engager, vous aurez le plein soutien des écologistes.

En guise de post-scriptum, je vous rappelle la devise de l’Union européenne : « Unie dans la diversité ». Vous l’aurez compris, les écologistes sont divers, parfois même très divers

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion