Intervention de Michel Delebarre

Réunion du 10 octobre 2012 à 14h30
Nouvelles perspectives européennes — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Michel DelebarreMichel Delebarre :

Tel est pourtant le cas, même si cette contribution n’est pas essentielle !

Lors du Conseil européen du mois de juin dernier, l’adoption du pacte de croissance a contribué à remettre en route la dynamique européenne, même si, à lui seul, le pacte n’aurait pas changé fondamentalement les choses. Manifestement, la croissance, à laquelle les pays se sont successivement ralliés, a droit de cité, de nouveau, dans les débats à Bruxelles. L’union bancaire devrait marquer une nouvelle étape d’intégration.

La crise que connaît actuellement l’Europe aura au moins eu le mérite de poser une question essentielle : que voulons-nous faire ensemble ? Tout l’enjeu se trouve dans la réponse que nous apporterons à cette interrogation. Nous devons retrouver une vision commune, une envie partagée d’Europe.

Depuis l’élection du Président de la République, le 6 mai dernier, l’approche du projet européen est clairement différente. Ce changement politique en France a permis de porter un nouveau regard sur les ambitions européennes. Pas de mesures d’austérité sans soutien de la croissance : pacte de croissance, obligations de projets. Cette modification a influencé la réflexion sur le projet politique souhaité pour l’Europe de demain : la gouvernance économique, la réforme possible des traités européens, une intégration européenne plus poussée, voire une évolution vers le fédéralisme. Plusieurs orateurs se sont interrogés à cet égard.

L’Allemagne souhaite une union politique. Le Président de la République s’est prononcé pour une « intégration solidaire » : on pourrait aller plus loin demain, une plus grande solidarité pourrait justifier davantage d’intégration.

Selon moi, le débat, inéluctable, ne peut pas être reporté aux calendes grecques. Les options, assorties d’un échéancier, doivent être présentées à l’électeur européen en temps utile – gardons à l’esprit l’échéance des élections européennes, au mois de juin 2014 –, car nous devons chercher à donner une légitimité démocratique maximale aux nouvelles orientations à prendre. Il faut que les partis politiques européens soient à même de présenter aux électeurs de vrais programmes européens permettant de faire des choix réels entre familles politiques et portés par des têtes de listes véritablement européennes, candidats à la présidence de la Commission.

L’enjeu essentiel de toute nouvelle étape d’intégration politique sera d’assurer une démocratisation de la gouvernance économique de l’Union. En effet, si nous ne parvenons pas à imposer la suprématie du politique et à brider des marchés financiers incontrôlés, la démocratie sera en danger. Il faut un marché conforme à la démocratie. Les parlements sont non pas un luxe, mais les garants de cette dernière. C’est pourquoi, en concertation avec le Parlement européen, nous devons proposer des pistes de réforme concrètes pour impliquer les parlements dans le « semestre européen ». Il ne revient pas à la Commission européenne de fixer, plus ou moins en catimini, avec le concours de fonctionnaires nationaux et par le biais des « recommandations spécifiques par pays », l’âge de départ à la retraite dans tel ou tel pays, ou encore des seuils d’éligibilité au logement social.

Une échéance plus immédiate est la poursuite des négociations du cadre financier pluriannuel couvrant la période 2014-2020. Monsieur le ministre délégué, je suis heureux que le Gouvernement ne fasse plus de la baisse à tout prix de la contribution française son cheval de bataille. Parallèlement, il faut cesser de combiner des objectifs de réduction arbitraires du budget de l’Union européenne avec une sanctuarisation de la politique agricole commune par rapport à la politique de cohésion. Ces deux politiques sont essentielles pour notre pays, les opposer de manière frontale ne sert à rien. Je rappelle qu’un appui clair du Gouvernement aux régions dites « en transition » est plus que nécessaire, la partie étant encore loin d’être gagnée.

La politique de cohésion est une politique d’investissement ; elle favorise l’emploi et la croissance. De ce fait, comme l’a récemment rappelé le commissaire Lewandowski chargé de la programmation financière et du budget, on ne peut annoncer un pacte de croissance au mois de juin et diminuer le budget de la politique de cohésion quelques semaines plus tard.

D’ailleurs, au-delà du climat général de rigueur macroéconomique, permettez-moi de m’inquiéter d’une certaine austérité conceptuelle au niveau de l’Union européenne.

En effet, je constate que l’essentiel des propositions de réformes structurelles présentées à cet échelon – libéralisation, réforme du marché du travail, réforme des retraites – s’adressent au niveau national et sont formulées à budget communautaire constant. Or il n’est pas concevable de poursuivre une stratégie ambitieuse sans, dans le même temps, se donner les moyens budgétaires de la mettre en œuvre au niveau de l’Union européenne.

Accorder des moyens budgétaires à l’Europe ne peut que passer par l’instauration de véritables ressources propres à l’échelon communautaire. Donner des ressources propres au budget européen permettra, à l’avenir, d’éviter les discussions de marchands de tapis entre États membres, fondées sur des considérations de « juste retour » – on pourrait d’ailleurs en débattre d’un point de vue économique –, allégera les contributions des États membres et permettra aux institutions européennes d’assumer démocratiquement une vraie responsabilité budgétaire.

Dans ce contexte, je félicite le Gouvernement de s’engager résolument en faveur de l’instauration de la taxe sur les transactions financières, même au prix d’une coopération renforcée.

En outre, je voudrais souligner l’importance de certaines politiques, cruciales, à mes yeux, pour l’avenir de l’Union européenne. Il faudra s’attacher à les mener à bien prochainement.

J’évoquerai, tout d’abord, la politique de cohésion. Selon le principe du partenariat, l’élaboration et la mise en œuvre du contrat de partenariat doit se faire en coopération avec les collectivités régionales et locales. Le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé le transfert de la gestion des fonds structurels aux régions, ce qui me paraît une avancée dans le contexte de la décentralisation. Les programmes opérationnels régionaux doivent également être préparés en concertation étroite avec les échelons infrarégionaux, notamment les villes, les communautés urbaines ou d’agglomérations. Leurs voix doivent être entendues et il sera nécessaire de leur laisser une certaine flexibilité, ou plutôt une certaine adaptabilité, lors de la mise en œuvre de la politique de cohésion sur leurs territoires respectifs.

J’aborderai maintenant la politique industrielle. Un agenda de croissance européen doit reposer sur une ambition : mettre en place une réelle stratégie pour le renouveau industriel en Europe à laquelle contribueront activement les pouvoirs publics à tous les niveaux. Ce point me paraît indispensable. C’est pourquoi, avec l’accord du président de la commission des affaires européennes, je participerai à la réflexion sur la politique industrielle européenne. À cet égard, j’ai noté que la Commission européenne présente aujourd’hui un rapport sur cette problématique.

Enfin, j’en viens, à mon tour, à la place déterminante qui doit être accordée à l’Europe sociale. Le renforcement de l’intégration européenne doit aussi se traduire dans le domaine social, et pas seulement dans celui de la compétitivité et de la croissance. Le social doit être le pendant de tout développement économique. La crise financière a révélé le besoin de coordination des politiques économiques, mais une coordination des politiques sociales et de l’emploi doit être effectuée en parallèle.

Nous devons entreprendre des avancées concrètes vers une Europe sociale avec, par exemple, l’instauration de salaires minimaux, la sécurisation des activités de l’économie sociale et solidaire dans le contexte du marché intérieur – en octroyant, notamment, un statut aux mutuelles européennes – et le renforcement des services publics.

Le rôle joué par la France dans l’Europe sociale a toujours été moteur et doit le demeurer. Sans la volonté française, l’avenir de l’Europe sociale serait un leurre !

Dès lors, on ne peut que saluer la volonté du Gouvernement de relancer l’harmonisation fiscale et sociale entre les États membres, pour mettre fin, notamment, à la concurrence déloyale. Le dumping fiscal et le nivellement par le bas des normes sociales ne sont pas tolérables dans l’Union que nous souhaitons. J’ai d’ailleurs apprécié que M. le Premier ministre ait insisté sur ces points.

Derrière tous ces défis, s’en cache un encore plus grand : renforcer l’identité et la citoyenneté européennes. Il est urgent de raviver l’esprit de solidarité et les valeurs fondatrices de l’Union européenne. Il est nécessaire de relancer la machine du rêve européen des pères fondateurs, de faire renaître l’envie d’Europe et l’enthousiasme européen, même dans un contexte économique difficile. Autrement, en sus de la crise économique et financière, on encourt le risque non seulement d’aggraver la crise de confiance des citoyens, mais aussi de voir le projet européen s’essouffler.

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en conclusion, je réitère mon engagement européen – la période de crise que nous traversons nous conduit à prendre une telle position – et mon soutien au Gouvernement. Oui à l’Europe de la solidarité ; oui à l’Europe de la croissance ; oui, encore plus, à l’Europe de la confiance, qui n’est pas la plus facile à réaliser !

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