Intervention de Yannick Vaugrenard

Réunion du 10 octobre 2012 à 14h30
Nouvelles perspectives européennes — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, il existe au moins un point sur lequel nous sommes tous d'accord : depuis plusieurs mois, l’avenir de l’Europe est incertain, c’est le moins que l’on puisse dire. La crise financière n’en finit pas et nous sommes suspendus soit aux annonces de nos voisins en difficulté, soit aux avis des différentes agences de notation.

Dans cette tourmente, il apparaît pourtant clairement que c’est avec une Union européenne unie et soudée que nous pourrons réaliser la relance économique tant attendue. Le monde globalisé dans lequel nous vivons désormais ne nous permet pas d’affronter la tempête seuls. L’Union doit donc être renforcée, au niveau tant de ses moyens d’action que de la solidarité entre ses membres.

Le soutien à nos voisins en difficulté est par conséquent primordial. Nous ne sortirons de la crise qu’ensemble. C’est la solidarité au sein de notre union monétaire qui nous permettra de relancer la croissance et de lutter efficacement contre le chômage.

Pour autant, ce soutien ne peut se faire n’importe comment. Même les libéraux les plus convaincus constatent, après quatre années d’expérience, que la généralisation de plans d’austérité de plus en plus durs ne débouche pas sur le désendettement et le retour à la compétitivité des pays concernés. L’enlisement de ces derniers dans la récession et leur surendettement ont, au contraire, été aggravés. Et n’oublions pas les sinistres conséquences de la crise !

Il existe aujourd’hui dans l’Union une dramatique situation d’exclusion sociale, vécue par plus de 115 millions de nos concitoyens européens. Une réorientation de l’Europe se révèle donc indispensable.

Hier, l’Europe s’est bâtie pour empêcher la guerre et de nouveaux désastres ; aujourd’hui, elle doit continuer sa construction en évitant des catastrophes sociales et de nouveaux désastres humains ; car c’est bien d’un nouveau conflit qu’il s’agit, une guerre financière et économique dans laquelle le monde de la spéculation a vite compris que les frontières étaient seulement des lignes imaginaires. Ce nouveau conflit doit être gagné par la démocratie contre l’égoïsme et le cynisme et par le renforcement des solidarités entre les peuples.

Une réorientation de la méthode se révèle donc également nécessaire, et même indispensable. C’est ce qu’a commencé à faire François Hollande, dont le rôle dans le changement de cap opéré par l’Europe est à saluer, puisque la croissance a été remise au cœur des objectifs de l’Union européenne, comme l’ont rappelé nombre d’entre vous, mes chers collègues.

Les délais imposés à la Grèce, au Portugal ou encore à l’Espagne pour réduire leurs déficits et revenir à l’équilibre budgétaire ont été prolongés. Maintenant, c’est même le Fonds monétaire international qui recommande d’alléger et d’étaler dans le temps les politiques d’ajustement budgétaire ! C’est la preuve qu’une autre voie est possible et que nous devons l’emprunter.

La solidarité doit désormais être le maître mot. Bien entendu, l’aide que nous apportons ne peut se faire sans contrepartie. Si nous voulons sortir de la crise, les pays européens auxquels le soutien de l’Union est accordé ont l’obligation d’être plus vertueux dans la gestion de leurs budgets et d’avoir des comptes publics maîtrisés, mais aussi une fiscalité qui mérite d’être plus justement partagée.

Toutefois, cette aide ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Les peuples ne peuvent être les ultimes victimes de la crise, étranglés par une aide européenne qui serait plus destructrice que réparatrice. Il faut que la finance soit au service de l’économie, qui doit elle-même être au service du social ! Bref, les peuples d’Europe ne peuvent être la variable d’ajustement d’une crise financière dont ils ne sont aucunement responsables. La sortie de la crise ne se fera pas contre les peuples, mais avec eux !

L’explosion du chômage et l’extension de la pauvreté, qui sévissent actuellement, doivent guider nos actions et nos décisions. Or, sous les pressions de la mondialisation de l’économie et de la concurrence internationale, les politiques sociales ont été de plus en plus considérées comme des poids et des handicaps économiques. L’économie est devenue le domaine des priorités absolues et des urgences fréquentes, tandis que le social est considéré comme celui des coûts et des contraintes.

L’Union européenne s’est ainsi dotée d’un marché unique et d’une union monétaire régis par des règles strictes, alors que les politiques sociales n’ont donné lieu qu’à des dispositions très générales et fort souvent peu contraignantes.

Prenons aussi garde à la progression des partis populistes partout en Europe, comme l’a rappelé cet après-midi le Premier ministre. Le repli sur soi et les égoïsmes nationaux prospèrent. Si l’Europe n’avance pas, si nous la conduisons à l’impuissance, ce sont ces forces-là, celles du repli, qui progresseront le plus vite, avec tous les dangers que l’histoire nous met en mémoire.

Aujourd'hui encore plus qu’hier, une Europe qui protège est donc nécessaire. Il est impératif d’accorder plus de place aux valeurs des droits sociaux et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : respect de la dignité humaine, justice, solidarité, égalité des chances.

Je pense profondément que, au bout du compte, indépendamment du traité qui nous préoccupe aujourd'hui et qui continuera à le faire demain, l’Europe sera sociale ou ne sera pas. L’Europe est à un tournant. À nous de ne pas sortir de la route et de donner aussi, à travers l’Union européenne, l’indispensable espérance à laquelle les jeunes générations ont droit.

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