Nous sommes aujourd'hui réunis afin d'examiner le projet de loi visant à approuver l'avenant à la convention fiscale de suppression des doubles impositions entre la France et les Philippines, signé le 25 novembre 2011.
Il s'agit du quarante-quatrième projet de loi de ratification présenté devant notre commission depuis 2009. Il intervient dans un contexte difficile de crise, alors que l'évasion fiscale a été dénoncée par la commission d'enquête sénatoriale présidée par Philippe Dominati et dont le rapporteur, Éric Bocquet, a rendu ses conclusions en juillet dernier.
Face au constat dressé par cette commission, j'ai tenu à examiner, non seulement l'environnement juridique philippin, mais aussi son cadre financier.
Cet avenant n'a qu'un seul objectif : permettre la coopération fiscale aujourd'hui bloquée en raison de stipulations conventionnelles obsolètes. En effet, la convention franco-philippine date de 1995. L'article relatif à l'échange de renseignements ne comprend pas la clause relative à la levée du secret bancaire qui a été ajoutée au modèle de convention de l'OCDE en 2005.
Or, cette stipulation est essentielle car ce pays pratique le secret bancaire. Le secrétariat de la commission des finances a interrogé le Bureau du contrôle fiscal de la Direction de la législation fiscale du ministère de l'économie et des finances qui a confirmé qu'en l'état actuel, aucune coopération fiscale n'était possible. Seule la modification de la convention permettra d'imposer aux autorités philippines d'échanger des renseignements, même si les informations sont détenues par une banque ou un établissement financier.
Si la ratification de l'avenant apparaît donc comme nécessaire, elle n'est toutefois pas neutre en termes de conséquences. Certes, la transparence fiscale s'en trouvera renforcée. Cependant, les Philippines seront retirées de la liste française des Etats et territoires non coopératifs.
Cette liste a été établie en 2010 sur la base de celle de l'OCDE. A cette époque, les Philippines avaient quitté la liste noire pour figurer sur la liste grise des Etats qui, bien qu'ayant pris l'engagement de coopérer, n'avaient pas encore conclu les douze accords requis.
Or, vous avez tous en mémoire l'examen du projet de loi tendant à ratifier la convention franco-panaméenne, rapporté par notre collègue Nicole Bricq, qui avait conduit au rejet du texte devant le Sénat. Le contexte est aujourd'hui différent.
Le Forum mondial sur la transparence fiscale avait alors constaté de graves carences dans le cadre juridique panaméen empêchant toute coopération fiscale. Ce n'est pas le cas des Philippines. Elles ont été évaluées positivement en juin 2011. Leur système juridique a été jugé comme globalement satisfaisant par le Forum mondial.
Parmi les progrès constatés, et j'insiste, c'est certainement l'avancée la plus importante, les Philippines ont adopté en 2009 des dispositions législatives dérogeant au secret bancaire dans le domaine de l'assistance internationale.
En conséquence, si celui-ci est maintenu en matière domestique, il sera levé dans le cadre des demandes formulées au titre de la coopération fiscale dès que l'avenant sera ratifié.
Ensuite, la rédaction de l'avenant est plus stricte que celle du modèle OCDE. La France a obtenu l'insertion d'un paragraphe prévoyant que les Philippines doivent « prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ces renseignements et à les transmettre ».
Rappelons aussi qu'aucune contrepartie à la mise à jour de la convention n'a été accordée par la France.
La signature de l'avenant est intervenue sept mois après son paraphe afin de vérifier la mise en oeuvre réglementaire de la dérogation législative au secret bancaire. Les textes d'application ont été étudiés par le secrétariat de la commission des finances et sont annexés au rapport.
Enfin, toujours au titre des éléments en faveur de la ratification, il convient également de souligner la volonté politique exprimée par le nouveau président, Benigno Aquino, de procéder à une « chasse contre l'évasion fiscale ».
Ce n'est pas pour autant un blanc seing que nous accordons ici. En effet, le cadre normatif philippin peut encore être amélioré. Le Forum mondial a recommandé que la législation philippine soit modifiée afin d'imposer aux mandataires, non soumis aux obligations de lutte contre le blanchiment, de détenir les informations relatives aux bénéficiaires effectifs des titres de propriété pour lesquels ils agissent.
Les Philippines seront, par ailleurs, à nouveau évaluées lors de la seconde phase, mise en oeuvre le premier semestre 2013 par le Forum mondial. Cette nouvelle étape permettra d'apprécier concrètement l'état d'avancement de la coopération et pas uniquement l'environnement juridique.
Nous verrons alors dans quelle mesure ce pays pourra surmonter, non seulement sa culture du secret bancaire, mais également l'éventuelle opposition de certains acteurs économiques liés à l'influence des oligarchies.
Vous l'avez compris, notre vigilance sera suivie d'effet, si besoin est. L'absence de coopération fiscale sera sanctionnée par la réintégration sur la liste française.
En conclusion, sous réserve des observations précédentes et de la vigilance de la commission des finances manifestée dans le cadre de l'examen des accords fiscaux, je vous propose d'adopter le présent projet de loi visant à approuver l'avenant à la convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu, conclu avec les Philippines.