M. le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, la Cour était déjà revenue, dans un rapport public annuel récent, sur les frais de justice. Ce sujet fait en effet partie de ses préoccupations anciennes, de par ses implications nombreuses, notamment pour le bon fonctionnement des juridictions, mais aussi en raison de l'évolution des techniques d'investigation judiciaire et des dispositions de la procédure pénale.
La Cour a formulé plusieurs recommandations que je pourrai détailler tout à l'heure, au cours de nos échanges, si vous le souhaitez.
Cette enquête, que vous nous avez demandée fin 2011, a nécessité un travail important auprès du ministère de la justice, du budget, de la police nationale et de la gendarmerie nationale. La Cour a appliqué sa procédure contradictoire habituelle, sur laquelle je ne reviendrai pas.
Les frais de justice sont une dépense dont les conditions de prescription et de mise en oeuvre, ainsi que le coût final, dépendent de facteurs spécifiques qu'il faut rappeler.
Tout d'abord, la liberté de prescription du juge, qui est garantie par la Constitution.
Ensuite, l'évolution des normes, particulièrement riche au cours de la période étudiée par la Cour, que ce soit à l'initiative du Gouvernement ou du Parlement.
Enfin, l'évolution des techniques d'investigation, dans le cadre d'une « culture de la preuve », toujours plus perfectionnées, qui apportent sécurité et efficacité. Celles-ci reposent directement sur le budget des frais de justice, ce qui rend nécessaire leur maîtrise, tant en volume qu'en coût unitaire, au moyen de procédures adéquates.
La Cour a tracé quelques lignes directrices.
La maîtrise des frais de justice, sur la base de dotations initiales réalistes, ne pourra être atteinte par la seule contrainte budgétaire. Le ministère de la justice doit poursuivre la modernisation de ses pratiques, dans le respect de la liberté du juge, et mener des réformes profondes de rationalisation de la dépense.
La non maîtrise des frais de justice crée une insécurité budgétaire qui peut avoir, à terme, une incidence sur le bon fonctionnement de l'appareil judiciaire. Leur total est passé de 379 millions d'euros en 2006 à 537 millions en 2011, soit une augmentation supérieure à 40 %. Ils représentaient 23 % des dépenses de fonctionnement du ministère de la justice en 2006 contre 28 % aujourd'hui.
Plusieurs actions doivent être menées.
Tout d'abord, dans l'intérêt du bon fonctionnement du service de la justice, les crédits budgétaires doivent être établis à un niveau adéquat, dès la loi de finances initiale. Il faut mettre fin à ce que nous avons appelé « la sous-budgétisation » et que la direction du budget persiste à qualifier de « surconsommation récurrente ». Notre désaccord avec elle sur le caractère réaliste des prévisions faites a persisté après la contradiction. Dans les faits, tout se passe comme si nous étions revenus au système des crédits évaluatifs.
D'autre part, pour une maîtrise durable de la dépense, il faut porter une attention particulière aux réformes qui sont menées, notamment en matière pénale. Les frais de justice y afférant sont passés de 263 millions d'euros en 2006 à 400 millions en 2011. A cet égard, les études d'impact des projets de loi devraient se soucier davantage des effets sur la dépense des frais de justice et le ministère de la justice ne doit pas hésiter à mener des expérimentations préalables. Il faut également porter une attention particulière aux amendements, qui ne sont pas soumis à la procédure d'étude d'impact.
Enfin, à côté de la maîtrise des techniques nouvelles d'analyse, évoquées précédemment, et d'une meilleure maîtrise des coûts de traduction, comme ont pu le faire d'autres administrations, il faudrait faire diminuer le nombre de mémoires de frais de justice - estimé à environ 3 millions - et rationaliser le circuit de traitement des dossiers, via des outils informatiques performants.
La réduction de la volumétrie conditionne en effet la mise en place d'un circuit de paiement rénové et en particulier le basculement sous « Chorus ». Cette dématérialisation peut également permettre une plus grande efficacité du travail judiciaire proprement dit, ainsi que des économies en personnel administratif.
Pour parvenir à cette rationalisation, la Cour a formulé quatorze recommandations, mais je me limiterai à en présenter les principales.
La Cour préconise la modernisation des services informatiques, qui doit permettre la dématérialisation et l'automatisation de la gestion. Elle encourage la conclusion de marchés multi-attributaires, afin d'optimiser le coût et la qualité des prestations. Elle appelle de ses voeux une amélioration de la tarification. Elle insiste particulièrement sur la sensibilisation des prescripteurs aux coûts de la prescription. Elle recommande l'extension de la procédure de certification pour les prestations tarifées et l'amélioration du recouvrement des frais de justice, notamment en ce qui concerne la justice commerciale.
Nous soulignons véritablement la nécessité pour les fonctionnaires du ministère de la justice d'enrichir leur approche juridique des frais de justice d'une approche économique. Il faut accroître la professionnalisation et la responsabilité des gestionnaires et des prescripteurs, par des actions de formation et par la diffusion de bonnes pratiques, ou la mise en place de référents.
En conclusion, la Cour a montré le caractère dynamique de l'évolution de la dépense, ainsi que les difficultés à la maîtriser. Le ministère de la justice s'est engagé dans la voie de la réforme, et à la faveur de dotations budgétaires plus réalistes, les frais de justice ne devraient plus constituer l'élément de risque que la Cour a relevé dans son audit des finances publiques de juillet dernier. Il reste pour cela à réaliser des progrès en matière de gestion et d'efficacité.
Le 11/11/2012 à 21:06, tangui (co fondateur de NosDeputes.fr) a dit :
Merci de nous avoir pointé cette erreur, nous venons de la corriger.
Le 30/10/2012 à 18:45, Clancyaddict a dit :
Il ne s'agit pas d'une intervention de Jean-Michel BAYLET mais de Jean-Pierre BAYLE, président de la 4ème chambre de la Cour des comptes!!
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