Intervention de Hamlaoui Mékachéra

Réunion du 22 février 2006 à 15h00
Partage de la réversion des pensions militaires d'invalidité — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de saluer, une nouvelle fois, l'intérêt que porte votre Haute Assemblée aux anciens combattants.

Monsieur About, la commission des affaires sociales est, je le sais, particulièrement attentive à leur situation et à l'amélioration de leurs droits. J'en ai la preuve tous les ans lors de l'examen du budget.

La situation des veuves mérite, elle aussi, la plus grande attention.

Chacun comprendra que, avant de me prononcer sur le fond de la présente proposition de loi, je veuille saisir l'occasion de ce débat pour souligner l'importance de l'action entreprise en direction des veuves depuis 2002.

Je le rappelle, notamment au président Fischer, le Gouvernement a pris, en faveur des veuves de guerre, des veuves d'invalides et des veuves de grands invalides, des mesures majeures et il entend continuer à le faire.

En 2004, nous avons augmenté leurs pensions de 15 points d'indice. Quelque 130 000 veuves pensionnées ont bénéficié de cette décision. Son incidence budgétaire a été de 12 millions d'euros en 2004 et de 12 millions d'euros supplémentaires en 2005.

Toujours en faveur des veuves, et cette fois-ci en faveur de toutes les veuves d'anciens combattants, le Gouvernement a consenti un effort considérable sur les crédits sociaux de l'ONAC. Bien entendu, une étude au cas par cas sera menée afin de prendre en considération et améliorer les situations les plus pénibles.

Je rappelle qu'en 2002 une partie des crédits sociaux de l'ONAC dépendait de la réserve parlementaire ; cela ne vous a pas échappé. Voilà maintenant deux ans, nous avons inscrit ces crédits dans la loi de finances initiale, de manière à les pérenniser. De plus, nous avons augmenté leur montant en 2005, et à nouveau en 2006. Plus de 13 millions d'euros sont prévus, cette année, pour des crédits qui bénéficient essentiellement aux veuves démunies.

On peut affirmer sans crainte d'être démenti que la prise en charge des veuves a constitué une des priorités de l'actuel gouvernement, comme de ceux qui l'ont précédé, sous la conduite de Jean-Pierre Raffarin. La majorité de votre assemblée a constamment soutenu cette démarche, et je tiens à l'en remercier.

J'ajoute que, dans la loi de finances pour 2006, nous avons étendu les droits des veuves aux veufs, aux conjoints survivants, afin de respecter la parité. Il s'agit de prendre en compte l'évolution de la société et de nos armées : n'oublions pas que 50 000 femmes servent dans notre armée.

La proposition de loi de M. About s'inscrit dans ce grand mouvement en faveur des conjoints. Elle s'appuie également sur l'observation de l'évolution de notre société.

Monsieur About, vous souhaitez établir une égalité entre les conjoints successifs d'un invalide au moment de son décès, lorsque la situation se présente. Incontestablement, cette proposition mérite d'être débattue.

Actuellement, seule la veuve bénéficie de la réversion - je continue à employer ce mot, monsieur Fischer, parce que c'est le terme légal - de la pension, quand les conditions sont remplies. Cela s'explique par le fait que, généralement, c'est elle qui est confrontée à la situation la plus difficile. C'est elle qui est auprès de l'invalide de guerre aux derniers moments de sa vie, quand l'invalidité devient de plus en plus difficile à supporter et impose une aide permanente et souvent substantielle.

Toutefois, les générations intéressées étaient moins concernées par les unions successives qu'aujourd'hui. En conséquence, monsieur About, le Gouvernement comprend bien votre intention. Je crois qu'elle est généreuse et moderne. Cependant, chacun en conviendra, nous devons être attentifs aux conditions de mise en oeuvre d'une telle réforme.

Notre devoir est de veiller à ce que son application concrète ne crée pas de situations inéquitables ou inextricables. Pour dire les choses en termes courants, nous devons éviter que le mieux ne soit l'ennemi du bien.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs associations d'anciens combattants et de veuves, parmi les plus représentatives, ont d'ailleurs tenu à nous faire part de leurs craintes. Elles redoutent la grande complexité de l'application d'un principe qu'elles jugent, elles aussi, généreux.

Plus nous progressons dans l'étude de ce texte, plus apparaissent de nouvelles situations à prendre en compte et à régler.

Comme je l'avais indiqué lors du débat budgétaire, à l'évidence, du temps est nécessaire dans un domaine aussi délicat. C'est pourquoi, monsieur About, je vous avais dit, lors de la dernière discussion budgétaire, qu'il me paraissait préférable d'attendre l'examen du projet de loi de finances pour 2007 pour traiter le problème qui nous occupe aujourd'hui, ce qui nous laissait le temps de procéder à une étude plus fine du dossier.

Vous avez souhaité que le débat se déroule sans attendre. Pourquoi pas ? Les travaux d'aujourd'hui auront le mérite de nous éclairer sur la volonté du Parlement à ce sujet.

Si le Sénat décide de voter le principe d'un changement de la répartition de la réversion des pensions militaires d'invalidité, alors, le Gouvernement sera amené à envisager des amendements qui pourront être mis en débat lors des lectures suivantes.

En effet, plusieurs amendements sont indispensables pour aboutir à un dispositif complet, équitable et, surtout, simple. Compte tenu de la multiplicité des situations à prendre en compte et de la complexité du code des pensions militaires d'invalidité, leur rédaction est délicate et demande la plus grande attention.

Un important travail nous est encore nécessaire pour parvenir à un résultat pleinement satisfaisant. En effet, il conviendra de traiter de manière précise les incertitudes d'ores et déjà relevées.

Je pense, par exemple, à l'iniquité qui pourrait éventuellement résulter de la situation matrimoniale de l'invalide. Selon que celui-ci s'était remarié ou non, l'ex-conjointe n'aurait pas les mêmes droits au moment du décès. On peut y voir une injustice. Nous en reparlerons lors de l'examen des amendements.

Je pense aussi à la situation des orphelins. Contrairement à la situation actuelle, avec cette réforme, leurs droits deviendraient dépendants de la durée de vie commune de leurs parents. Cela mérite une étude approfondie, à laquelle je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je pense encore à la juste appréhension des conséquences, pour les intéressées et pour l'État, du changement de situation matrimoniale des ex-conjoints.

Il conviendra également d'étudier avec précision l'incidence budgétaire inévitable d'une telle réforme.

Ainsi, le partage des pensions aurait pour effet de réduire leur montant par bénéficiaire et, en conséquence, de faire jouer plus fréquemment le mécanisme du plancher. Inéluctablement, cette réforme appellerait à brève échéance une revalorisation des pensions de réversion.

Dans le contexte budgétaire actuel, il est évident que tout cela doit être soigneusement pesé.

Il est aussi important de préciser que cette réforme ne pourrait s'appliquer que pour l'avenir. Il est bien entendu impossible de revenir sur les pensions de réversion déjà liquidées. Afin de rassurer totalement les veuves qui auraient écho de nos travaux, le Gouvernement vous présentera, dès cette lecture, un amendement précisant que cette proposition ne modifiera le droit que pour l'avenir. Aucune ambiguïté ne saurait subsister sur ce point.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en novembre dernier, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de votre commission des finances, a bien voulu dire que notre action était guidée par l'équité. Le Gouvernement n'est donc pas insensible à l'argumentation développée par le président About.

Connaissant la sagesse qui caractérise les travaux du Sénat, je pense que vous partagerez notre volonté d'aboutir à un texte pragmatique. Il s'agirait de parvenir à une réforme qui évite absolument de mettre les veuves dans des situations insolubles.

J'ajoute qu'un travail d'écoute des associations est nécessaire, travail que nous avons d'ores et déjà entrepris. Représentatives des veuves et relais d'information vers celles-ci, elles doivent absolument, me semble-t-il, être associées à cette démarche.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez compris, à ce stade, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. En fonction du vote que votre Haute Assemblée émettra, le Gouvernement engagera les travaux complémentaires nécessaires au bon aboutissement de cette réforme.

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