Fracture numérique, facture numérique, voilà de quoi alimenter un vaste débat, les deux étant indissociables à mes yeux.
Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler quelques faits. Ainsi, 1996-2006 représente une période de dix ans d'ouverture à la concurrence d'une activité dans un secteur où la technologie a beaucoup évolué. Certes, nous constatons aujourd'hui qu'il convient de procéder à un certain nombre d'ajustements dans ce secteur, notamment par la prise en compte des zones blanches et l'amélioration des zones grises. Cependant, la réalité c'est que, sur les trois milliards de téléphones mobiles qui sont en service sur la planète, notre pays en compte un peu plus de quarante-sept millions.
C'est le constat positif d'une évolution qui résulte d'un certain nombre de précautions qui ont été prises en matière de couverture du territoire, de fixation de prix à un niveau abordable, de garde-fous mis en place à travers des textes successifs.
Si nous pouvons nous féliciter d'être en passe d'atteindre les 97 % ou 99 % de taux de couverture, il n'en reste pas moins vrai qu'il ne faut pas confondre couverture des populations et couverture du territoire, tarification et jungle des tarifs qui découle naturellement d'une ouverture à la concurrence et d'un mode de vie nouveau où le consommateur choisit parmi les offres présentées par les sociétés concurrentes sur le marché. Le consommateur est-il armé pour faire le bon choix ? Il appartient à des organismes spécialisés de l'éclairer et à l'ARCEP de veiller au respect d'un certain nombre de règles.
Cela étant dit, en termes de couverture du territoire et au regard des zones blanches et des zones grises, nous devons nous soucier de savoir si la qualité de la couverture est suffisante sachant qu'il s'agit d'un service payant.
Sur le plan de la qualité de la couverture, je soulignerai quelques imperfections concernant les zones grises et j'évoquerai des secteurs géographiques à propos desquels il y aurait beaucoup à dire.
Deux points particuliers sont à examiner.
Tout d'abord, les zones à relief se classent globalement parmi les zones grises plutôt qu'au nombre des zones de bonne qualité de couverture du territoire.
Ensuite, dans les zones frontalières, en raison de notre système d'accès aux pylônes et aux antennes relais, une partie de notre population fait l'objet d'une couverture internationale aux coûts totalement prohibitifs. Ainsi, dans le cas de mon département et de la zone frontalière autour de Genève, la couverture est assurée par l'opérateur historique, à travers Orange et sa filiale internationale Orange Suisse, à des tarifs qui n'ont rien à voir avec ceux qui sont pratiqués par le même opérateur sur le territoire national.
En ce qui concerne les zones à relief, nous devons déterminer si nous voulons que le client bénéficie d'une offre globale de possibilités de télécommunications ou de communications électroniques à travers les moyens satellitaires, filaires, ou par leur complémentarité, ou si nous conservons le système des pylônes qui, à l'évidence, ne donne pas suffisamment satisfaction compte tenu du relief.
S'agissant des zones blanches, il serait illusoire d'aller vers une phase 3.
Néanmoins, une réflexion dépourvue d'a priori est nécessaire. Elle doit être engagée non pas sur la base de l'extension du périmètre du service universel qui me paraît être une mauvaise approche, même si elle peut constituer un élément parmi d'autres, mais en tenant compte de ce que nous avons accompli depuis dix ans, à travers les textes législatifs et réglementaires, et de ce qu'ont fait les sociétés concurrentes largement au bénéfice des utilisateurs. Ainsi, seront bien distinguées, d'une part, les zones qui relèvent du régime de la concurrence et qui ne pose donc pas de problèmes économiques, y compris s'agissant du profit légitime des sociétés et des opérateurs exploitants, et, d'autre part, les zones qui ne trouveront jamais leur équilibre économique. Concernant ces dernières, il faudra faire preuve d'imagination pour trouver une formule comparable à ce que représente le service universel de la téléphonie fixe aujourd'hui. Je précise, monsieur le ministre, qu'il me semble quelque peu dépassé de décalquer le service universel tel qu'il existe pour la téléphonie fixe et d'en élargir le périmètre sans réfléchir au préalable à la complémentarité des technologies.
Certes, on pourrait imaginer un service universel de base pour la téléphonie mobile. Mais à quoi ressemblerait un service universel du haut débit ? Les populations rurales voient des publicités vantant l'ADSL à vingt mégabits - et demain, pourquoi pas, à quarante, cinquante ou cent mégabits -, mais elles n'y ont pas accès.
Enfin, les recensements de population et l'évolution démographique de notre pays montrent que de façon constante, depuis trois ans, la population des communes rurales croît deux à trois fois plus vite que celle des villes. C'est là une nouvelle donne, que nous devons prendre en compte.
En effet, pendant vingt-cinq ou trente ans, nous avons quasiment tous évoqué la désertification rurale et l'augmentation des populations urbaines. Si la tendance s'inverse, nous devons intégrer cet élément à notre réflexion.
En ma qualité de membre de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications et de président du groupe d'études « la poste et la télécommunication » du Sénat, j'ai vu, et je le dis à M. Bruno Sido et à l'ensemble des collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, le chemin considérable que nous avons parcouru depuis dix ans.
Monsieur le ministre, si nous devons procéder à un certain nombre d'ajustements pour assurer la couverture des zones blanches, qui constitue une priorité, des efforts restent à faire pour les zones grises où la qualité du service n'est pas à la hauteur des tarifs pratiqués.