Intervention de Jean-Étienne Antoinette

Réunion du 18 octobre 2012 à 9h30
Questions orales — Violences en guyane liées à l'orpaillage illégal

Photo de Jean-Étienne AntoinetteJean-Étienne Antoinette :

L’échange de tirs d’armes de guerre qui a coûté la vie à deux soldats le 27 juin dernier, près du site de Dorlin, a révélé une Guyane en état de crise. Cette tragédie nous rappelle, s’il en était besoin, ce qu’il y a d’exceptionnel et d’unique dans le métier des armes : le devoir de sacrifice total. Je tiens à saluer la mémoire de ces soldats, en rendant hommage à leur engagement.

Cette tragédie a également révélé aux Guyanais que des bandes armées avaient pris le contrôle de la forêt et défendaient avec détermination leur trafic d’or contre les militaires. En réaction, plus de 300 hommes des forces armées de Guyane et de la gendarmerie ont été mobilisés pour traquer les criminels, ce qui a permis leur arrestation le 28 juillet dernier.

Face à des hommes aguerris, endurants et adaptés au milieu, l’important dispositif en termes de forces de sécurité déployées aujourd’hui sur le terrain ne réussit qu’à contenir la multiplication des sites clandestins. Nous devons aussi nous attaquer à la filière du recel de l’or extrait illégalement. La quantité extrêmement faible d’or saisi – quelques kilos par an sur une production illégale estimée à plus de cinq tonnes – encourage l’orpaillage illégal et son cortège de violences.

Il convient de s’attaquer également aux réseaux mis en place par les trafiquants et à leurs ramifications dans la population. En effet, l’orpaillage illégal ne peut prospérer sans des complicités cachées au sein des populations. Il faut identifier et arrêter les membres de ces réseaux, car cet aspect de l’orpaillage clandestin touche directement l’ensemble de la société civile en Guyane.

De plus, si la délinquance de droit commun n’a pas systématiquement de lien direct avec les activités des orpailleurs clandestins, elle n’en est pas moins aggravée par le climat de violence exacerbée qu’entretient l’activité aurifère illégale. Sur la seule commune de Kourou, les atteintes aux personnes ont doublé en un an : les violences crapuleuses ont augmenté de 86 %, les vols à main armée de 89 % et les vols avec violence sans arme de 103 %. Les atteintes aux biens ont également explosé : les vols par effraction chez des particuliers ont augmenté de 85 % et les vols par effraction dans des locaux professionnels de 154 %. Dans la nuit de lundi dernier, quatre effractions ont eu lieu simultanément, ce qui prouve que cette délinquance ne connaît plus de limites.

Quelle commune pourrait subir une telle escalade des violences sans exiger un dispositif spécial de la part de l’État ? Je renouvelle donc ma demande d’instauration d’une zone de sécurité prioritaire à Kourou dans les plus brefs délais.

Contre l’orpaillage clandestin, la plus grande fermeté est nécessaire. Plusieurs pistes complémentaires, comme le travail avec les populations de l’intérieur des terres, pourraient également être développées.

Il conviendrait aussi de généraliser l’expérimentation d’installation d’orpailleurs légaux respectant les normes environnementales.

Le travail de coopération avec les États voisins est également une voie connue. Le Sénat vient encore d’autoriser la ratification d’un accord de coopération avec le Brésil en matière de police. Mais l’accord sur l’orpaillage clandestin signé voilà quatre ans n’a toujours pas été ratifié par le Brésil.

Le gouvernement précédent a eu recours à l’allégorie de la harpie pour désigner le fléau de l’orpaillage illégal et la lutte qu’il entendait mener. Or c’est davantage à une hydre que nous faisons face. Les militaires, comme Héraclès, doivent trouver des alliés dans les organes de police judiciaire et de diplomatie pour en triompher, chaque acteur agissant sur son propre terrain.

Madame la ministre, je vous prie de nous préciser les contours que vous allez donner à l’action contre l’ensemble des violences liées à l’orpaillage illégal et des formes paroxysmiques que celles-ci prennent en Guyane.

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