Monsieur le sénateur, vous venez de le rappeler, les paris constituent une activité sensible et à risques.
Risque pour la santé publique, d’abord, puisqu’on recense aujourd’hui entre 300 000 et 500 000 joueurs pathologiques, dont le désir toujours plus grand de jouer finit par remettre en cause l’équilibre personnel et familial.
Risque pour l’intégrité du sport et l’éthique sportive, ensuite, comme nous le rappellent les faits dont vous parlez, pour lesquels nous devons toutefois laisser la procédure suivre son cours.
Risque plus large pour la sécurité publique, enfin, puisqu’un certain nombre d’affaires de corruption et de blanchiment ont rappelé, sur d’autres continents, combien le marché illégal était une immense machine à cashpour les mafias du monde entier.
Même si la procédure en cours est relative à des paris « en dur », pratiqués dans des réseaux, c’est-à-dire chez les buralistes, il est clair que nous avons été nombreux, au moment de sa discussion, à regretter l’examen en urgence de la loi du 12 mai 2010 par le Parlement, juste avant le championnat du monde de football. Sans doute fallait-il aller vite, en effet, pour permettre à certains de profiter de la poule aux œufs d’or. Quoi qu’il en soit, nous avions alors été nombreux à souligner le risque qu’il y avait à légiférer de cette façon.
Le gouvernement de l’époque a ouvert la boîte de Pandore et, aujourd’hui, comme dans la mythologie, nul ne peut la refermer !
Si cette loi, qui portait sur les paris en ligne, a asséché – et c’est une bonne chose ! – les plateformes illégales pour les compétitions sur notre territoire, elle a aussi fait exploser l’offre de paris, l’offre de communications, l’offre de bonus et l’offre d’appels. Et il est apparu que, dans ce secteur, le nombre de joueurs intéressés aux résultats était toujours plus élevé. C’est dire que le risque est toujours aussi important.
Néanmoins, il n’est pas question de se résigner. Le ministère, avec à ses côtés le mouvement sportif, est donc pleinement mobilisé pour lutter contre ce phénomène, sur notre territoire, bien évidemment, mais aussi au niveau international.
Il se trouve que le 25 septembre dernier, jour où ont été révélés les soupçons de paris frauduleux sur le match Cesson-Montpellier, je recevais le président de la Fédération française de rugby, le président de l’ARJEL et le directeur des sports, qui me remettaient le rapport sur l’intégrité du sport et les paris sportifs.
Nous avons, d’ores et déjà, donné des instructions pour que les acteurs du jeu soient davantage sensibilisés. Il faut que nos directeurs techniques nationaux et l’ensemble des 1 600 cadres de la jeunesse et des sports puissent, avec les fédérations sportives, relayer auprès de l’ensemble des clubs sportifs et du mouvement sportif les risques, informer et sensibiliser tous les acteurs du jeu.
J’ai également écrit aux directeurs régionaux de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et aux directeurs des établissements pour que les programmes des formations aux métiers de l’animation sportive réservent une place à la sensibilisation aux risques des paris sportifs.
J’en viens à un élément indispensable au sujet duquel j’ai alerté à la fois l’ARJEL, qui est compétente en la matière, et la Française des jeux, qui fixe elle-même ses offres de paris. Il s’agit de s’employer à réduire l’offre de paris. On ne peut pas parier sur tout, on ne peut pas continuer à miser sur des phases de jeux ou sur des matchs qui ont, dirais-je, des intérêts sportifs variables !
Enfin, je viens de finaliser la rédaction d’un décret qui devait être pris depuis longtemps, et qui permet le partage d’informations sur les interdits de jeu entre l’Autorité de régulation et les fédérations sportives.
Sur le plan de l’éthique du sport, il est indispensable, en application du code du sport, de retirer de la liste des sportifs de haut niveau ceux d’entre eux qui seraient reconnus par une instance juridique ou disciplinaire comme ayant truqué ou participé au trucage d’une rencontre.
Vous l’avez dit, il faudra aller plus loin en matière législative. Dans la perspective d’une nouvelle loi de modernisation du sport, il reste à travailler sur les déclarations de soupçon et sur la lutte contre les addictions, qui n’ont pas été assez prises en compte.
Je termine ma réponse, monsieur le sénateur, en évoquant la dimension internationale. En effet, nous ne pourrons progresser que si ce fléau fait l’objet d’une prise en compte internationale.
Cette dimension internationale s’esquisse avec une résolution de l’Union européenne, au sujet de laquelle je suis intervenue le 20 septembre dernier au Conseil informel des ministres à Nicosie. Je retournerai à Bruxelles pour le Conseil formel des ministres qui doit examiner ladite résolution.
Cette dimension internationale se poursuit avec le travail entrepris, au sein du Conseil de l’Europe, pour rédiger une convention internationale juridiquement contraignante. Voilà une dizaine de jours, je me suis rendue à Strasbourg à cette fin, et je profite de cette réponse pour saluer les délégués des différents pays européens qui participent à ce travail, la France occupant pour sa part la vice-présidence. Nous avons en effet besoin d’une mobilisation qui dépasse notre pays.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement, aux côtés du mouvement sportif et des autorités de régulation, a sonné la mobilisation générale en la matière. Car il est impossible de faire peser de telles menaces sur le sport, la santé et la sécurité publique !