La proposition de loi que je vais vous présenter a été adoptée le 22 janvier 2002 à l'Assemblée nationale. C'est aujourd'hui la fin d'un long cheminement, suspendu durant dix ans.
Cinquante ans après le cessez-le-feu en Algérie, il est temps d'apporter une réponse à ceux qui, entre 1954 et 1962, ont répondu à l'appel de la Nation avec abnégation et courage, dans le respect des lois de la République, et quel que soit l'avis qu'ils portaient individuellement sur le conflit en Algérie. Cette troisième génération du feu présente une particularité à ne pas oublier. Ce sont les enfants de la guerre de 1939-1945 : ils ont connu les souffrances matérielles, mais aussi morales et affectives, de l'occupation et de la guerre. Certains n'ont connu leur père qu'à cinq ans révolus, certains ne l'ont jamais connu. Lorsqu'ils ont été appelés en Algérie, c'était un dépaysement total pour eux, parfois même leur premier voyage - et quel voyage... Ils sont arrivés dans un pays en guerre, même si on parlait hypocritement de pacification : les trois armées étaient engagées. Et aux 30 000 morts, la Nation ne se précipitait guère pour rendre un hommage solennel. Souvent on les gardait à Maison-Carrée en attendant un bateau qui les rapatrie dans leur commune pour y être inhumés en catimini.
La troisième génération du feu a droit, comme les autres, à une juste reconnaissance de la Nation. Notre action commune a amélioré la reconnaissance matérielle, par l'attribution de la carte du combattant qui, auparavant, n'était délivrée que pour des actions de feu et de combat, ce qui était étrange puisqu'on n'admettait pas qu'il s'était agi d'une guerre. Il a fallu défendre des amendements à l'Assemblée nationale puis au Sénat, pour que soit retenue l'exposition au risque en Algérie.
Le 11 novembre, c'est l'armistice, pas la fin de la guerre. Le 8 mai 1945 non plus. Malgré les morts après ces deux dates, on les reconnaît comme celles auxquelles les anciens combattants et la Nation se rassemblent au pied du monument aux morts pour leur rendre hommage. La troisième génération du feu ne peut pas se contenter d'une date ubuesque, qui n'a aucun sens. Il s'agit de l'anniversaire de l'inauguration du mémorial national quai Branly, qui, de surcroît, aurait eu lieu dix jours plus tôt sans une indisposition du président Chirac. Cette date n'a aucun sens historique ou symbolique. Pourtant, cette troisième génération du feu mérite encore la reconnaissance de la Nation ne serait-ce que parce que, à l'appel du général de Gaulle, les soldats du contingent ont répondu présent pour s'opposer au putsch des généraux d'avril 1961. Ils ont sauvé la République, personne ne peut le contester.
Personne ne prétend que le 19 mars marque la fin de la guerre. Pour nous, il n'est pas question de raviver la division entre les anciens combattants, au contraire. Pensez-vous que la date du 5 décembre ne l'a pas attisée ? Elle a été choisie rapidement, sans concertation, par un décret qui restreignait le champ de la commémoration aux « morts pour la France » pendant la guerre d'Algérie, alors que, justement, nous devons dépasser ce type de restriction. Il y a ceux qui ont souffert avant le 19 mars : les appelés, les militaires de carrière, leurs familles. Et il y a ceux qui ont souffert après le 19 mars : les rapatriés, déracinés, et les harkis, odieusement abandonnés par la Nation...