Me permettez-vous de vous raconter une belle histoire ? Il s'agit d'une menuiserie industrielle en Bretagne, dans laquelle le directeur des ressources humaines déplorait une pénurie de main d'oeuvre. Le délégué syndical, sensibilisé depuis plusieurs années par une militante CFDT particulièrement engagée dans la défense de l'égalité entre les femmes et les hommes, est intervenu auprès de celui-ci pour proposer d'embaucher des ouvrières du textile, inemployées depuis de nombreuses années dans la région depuis leur licenciement. Je précise qu'il s'agissait d'un atelier de production, masculin à 100 %, et que personne n'imaginait que des femmes puissent assumer ce genre de travail. Pourtant, le directeur des ressources humaines a fait ce pari et, cinq ans après, 30 % des ouvriers sont des ouvrières, et il ne viendrait à l'idée de personne de dire qu'elles n'y ont pas leur place.
Bien entendu, il a fallu procéder à de nombreux ajustements et on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu d'obstacles. Les outils de sécurité, par exemple, n'étaient pas adaptés aux pieds des femmes ; par ailleurs, il a fallu construire des vestiaires séparés. Mais ces contraintes ont été prises en compte au fur et à mesure.
Il me paraît important de retenir essentiellement deux choses de cette histoire. Tout d'abord, rien n'aurait été possible sans l'intervention d'une personne extrêmement sensibilisée aux questions de mixité et qui a permis à un délégué syndical d'engager des actions concrètes et efficaces au bon moment. Ensuite, il ressort des conversations que nous avons eues avec le délégué syndical qu'aujourd'hui, après l'arrivée des femmes, l'ambiance dans l'atelier est bien meilleure qu'avant. En matière d'amélioration de la qualité du travail, cette expérience est aussi exemplaire. Sans qu'aucun aménagement de poste n'ait eu lieu à proprement parler, l'ambiance, elle, s'est nettement améliorée. Les hommes expriment leur soulagement, en particulier en ce qui concerne la réduction de l'ambiance sexiste. En effet, les hommes sont les premiers à souffrir des comportements machistes et des attitudes grivoises qui caractérisent les lieux de travail à prédominance masculine !
Par conséquent, l'arrivée des femmes dans cet atelier a permis la définition de nouvelles règles du « mieux vivre ensemble ».
Dans le cadre des négociations sur la qualité de vie au travail et sur l'égalité professionnelle, parmi les pistes de travail, nous réfléchissons donc aux différentes manières possibles d'organiser la mixité au travail et à la façon d'impliquer tant les hommes que les femmes dans le changement.
Pour résumer, en matière de qualité de vie au travail, nous cherchons à construire les conditions d'une expression collective des salariés sur l'organisation du travail, en prenant en compte que, hommes comme femmes, nous sommes tous susceptibles de véhiculer des stéréotypes de genre.
Quand on aborde la question du genre avec un collectif d'hommes et de femmes, il faut préparer la parole, sans quoi l'on tombe très vite dans des affirmations stigmatisantes, par exemple en ce qui concerne la gestion des plannings.
C'est donc en étant très concrets et en organisant l'expression collective sur ces sujets que nous pensons pouvoir faire évoluer les stéréotypes de genre.