Intervention de Younous Omarjee

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 11 octobre 2012 : 1ère réunion
La stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l'horizon 2020 — Audition de M. Younous Omarjee député européen

Younous Omarjee, député européen :

Je remercie le Sénat de son invitation, et surtout de son engagement en faveur de la défense des régions ultrapériphériques qui aide à faire avancer les dossiers que nous portons auprès des instances européennes. Que le gouvernement français soutienne, au Conseil européen, les positions que nous défendons au Parlement européen nous est en effet essentiel. Députés et sénateurs jouent à cet égard un rôle primordial, puisqu'ils peuvent l'aider à infléchir le processus décisionnel. Je remercie donc la délégation à l'outre-mer de son action, et de la résolution qui sera débattue en novembre à son initiative. Au Parlement européen, nous sommes très attentifs aux productions législatives de nos assemblées, et les résolutions du Sénat, comme celle de mai 2011 relative aux accords commerciaux avec les pays tiers, nous ont été très utiles.

Votre projet de résolution arrive à point alors que l'ensemble des programmes qui pèseront sur l'avenir des régions ultrapériphériques pour la période 2014-2020 reviennent en discussion. Va ainsi se poser la question de la refonte du règlement relatif à la politique de cohésion, qui devrait représenter, si sont levées les lourdes interrogations qui demeurent quant à son montant, une dotation de 353 milliards d'euros. La politique commune des pêches est quant à elle en discussion au Parlement européen, qui devrait parvenir à un vote d'ici fin octobre. Est également sur la table, enfin, le régime POSEI (Programmes d'options spécifiques à l'éloignement et l'insularité), essentiel pour nos productions traditionnelles telles le sucre ou la banane. Sans doute le Conseil vient-il de confirmer le droit d'accorder à la banane une subvention à hauteur de 40 millions, mais la question n'en reste pas moins inséparable de la réforme de la politique agricole commune et des organisations communes de marché. Autre question d'importance, celle de l'octroi de mer, dont le régime arrive à expiration en 2014. Les acteurs locaux, et notamment les conseils régionaux pour les régions ultrapériphériques, auront aussi un rôle essentiel à jouer.

Le chantier de la politique de cohésion mérite toute notre attention puisque les régions ultrapériphériques sont prioritairement éligibles aux fonds structurels. Le Parlement européen, en juillet, a voté sur le mandat de négociation. Pour participer au trilogue - soit la négociation interinstitutionnelle entre Parlement, Conseil et Commission - une équipe de négociateurs a été désignée, qui compte sept députés. J'y suis le seul Français, entouré d'Allemands, de Néerlandais, de Polonais, et puis vous dire que les pressions sont fortes, tant les intérêts des États sont parfois divergents : c'est le cas, par exemple, sur la création de catégories intermédiaires où la vision des Allemands est très différente de la nôtre. Or, j'ai le sentiment que toutes nos forces vont à la défense de la PAC, au détriment de celle des fonds structurels qui mobilisent beaucoup moins. J'ai d'ailleurs pris contact avec le ministre des affaires européennes et celui des outre-mer pour faire valoir combien il est important d'agir dès ce trilogue, afin qu'il en ressorte un texte favorable aux régions françaises, ultrapériphériques en particulier.

Lors de l'examen du règlement au Parlement européen, l'article 84, essentiel puisqu'il crée les nouvelles catégories et prévoit les dotations, a soulevé deux problèmes pour les régions ultrapériphériques. L'enveloppe de compensation, tout d'abord, devrait se voir ramenée à 900 millions, soit un recul de 43 %, que le commissaire Hahn n'a pas su justifier. Pour ce qui est des catégories de régions, ensuite, le choix a été fait de n'introduire aucune disposition spécifique relative aux régions ultrapériphériques, afin de ne pas soulever un débat dangereux au Conseil. Moyennant quoi, vingt-quatre heures avant le vote, je reçois une proposition de compromis des deux co-rapporteurs, visant à stipuler que pour les régions ultrapériphériques, la baisse des crédits ne pourra être supérieure à 20 %. Et ils me la présentent comme un filet de sécurité, très favorable à nos intérêts ! Mais n'est-ce pas au contraire une folie que d'entériner d'emblée une baisse de 20 %, alors qu'existe un consensus, au niveau du Conseil, pour sanctuariser les dotations RUP ? Il m'a fallu, en vingt-quatre heures, trouver des appuis parmi les députés français, Mme Catherine Trautmann, M. Brice Hortefeux, Mme Marielle de Sarnez, pour faire échec à cette proposition qui venait d'une Allemande et d'un Hollandais pourtant amis des RUP. Mais le problème, au vrai, est que l'on sait bien que le budget va, globalement, baisser, tandis que dans le même temps, le Parlement a choisi de créer de nouvelles catégories, qu'il faudra bien trouver à financer. Nous devrons donc être très vigilants.

Depuis que nos travaux ont commencé, la pression est très forte, la négociation, difficile, d'autant plus que la question budgétaire reste la grande inconnue. La France a choisi de ne pas demander d'augmentation du budget...

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