Intervention de Younous Omarjee

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 11 octobre 2012 : 1ère réunion
La stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l'horizon 2020 — Audition de M. Younous Omarjee député européen

Younous Omarjee, député européen :

Mais ce que je demande au Sénat, c'est de maintenir la pression sur le gouvernement pour que les grands arbitrages, au Conseil, ne soient pas défavorables aux régions ultrapériphériques.

Car à la Commission, il y a un réel décalage entre les communications et les décisions. La dernière communication est ainsi très favorable aux RUP et à l'allocation spécifique. Au forum des RUP, à Bruxelles, M. José Manuel Barroso a également tenu des propos très positifs, mais la tonalité a été différente le lendemain avec le commissaire Hahn !

Il me paraît urgent, à ce compte, de procéder à une évaluation de l'ensemble des communications de la Commission. Car nous en sommes, en 2012, à la quatrième et, de communication en communication, aucune avancée majeure ne donne suite aux belles paroles. Sans doute certains dispositifs ont-ils été consolidés, mais l'article 349 du traité de Lisbonne reste fort mal pris en compte. Sans doute l'allocation spécifique a-t-elle été créée, mais le champ d'application de l'article 349 n'en reste pas moins, aujourd'hui, très réduit. La politique commune des pêches en fournit l'illustration. La direction concernée reste hostile à l'esprit même de l'article, et la Commission refuse de l'inscrire dans les textes relevant de son autorité.

Une convergence entre les positions du Parlement et du Conseil est donc d'autant plus essentielle. La France doit, en cette matière, user de son influence. Elle peut agir, avec l'Espagne, avec le Portugal, pour infléchir les positions de la Commission.

Même problème pour le POSEI : ce programme spécifique aux RUP est cantonné au secteur de l'agriculture alors que son champ d'application devrait être plus large et étendu à d'autres secteurs économiques, sa raison d'être consistant à compenser l'éloignement et l'insularité.

Sur la politique commune des pêches, j'ai déposé des amendements, adoptés au Parlement européen, dont l'un vise à réserver les 100 milles nautiques aux RUP, et je crois que la Commission ne voit pas cette avancée d'un mauvais oeil. Car, et Michel Vergoz, ici présent pourra vous le confirmer, la pêche dans nos eaux est pour l'essentiel le fait de navires venus d'ailleurs.

Nous avons également demandé la création d'un conseil consultatif des régions ultrapériphériques, qui sera subdivisé en trois sous-conseils pour tenir compte des différences entre les bassins maritimes. Ce conseil sera ouvert aux partenaires des pays environnants.

Autre problème pendant, celui de la banane. La faculté de subventionner a été confirmée, mais la question centrale des accords avec les pays tiers demeure. Ces accords passés avec les pays andins, l'Amérique centrale, l'Afrique, ne prennent pas en compte les intérêts des producteurs des régions ultrapériphériques. C'est d'ailleurs une constante de la DG commerce : nos intérêts sont négligés dans tous les partenariats économiques. Or, la Commission, en la personne du commissaire Karel de Gucht est seul négociateur avec les pays tiers, si bien qu'il est fort difficile de se faire entendre. Cela est d'autant plus dommageable que la DG agriculture est au contraire très attentive aux intérêts de nos producteurs. J'ai déposé des amendements pour faire respecter les clauses de sauvegarde, par une procédure de déclenchement d'office qui ôte à la Commission l'excès de latitude dont elle jouit dans son appréciation des seuils. Hélas, ils ont été repoussés au Parlement, parce que la DG commerce s'y est déclarée très défavorable. Le sujet est d'autant plus préoccupant que la Commission a fixé un terme à ce dispositif des clauses de sauvegarde. En 2018, c'est-à-dire demain, nos producteurs se trouveront dénués de toute protection et la banane antillaise sera livrée à la concurrence de la banane « dollar », celle des multinationales américaines.

La bataille n'est pas perdue, cependant, puisqu'il y aura discussion au sein du Conseil. Il est donc d'autant plus important de faire pression pour que prévalent les clauses de sauvegarde les plus solides.

Un mot de l'octroi de mer, qui prête parfois à polémique. La Commission européenne, contrairement à ce que l'on a pu entendre dire, ne veut pas la mort de ce dispositif. Elle a simplement demandé à la France d'en justifier la pertinence au regard des objectifs qui lui avaient été assignés, notamment en termes d'emploi. Quant au reste, la question est franco-française : il appartient aux autorités des régions ultrapériphériques, aux régions en particulier, de dire si elles souhaitent une évolution du régime. La Réunion travaille pour sa part sur quatre scénarios. Pour moi, cet outil est pertinent, pour le développement, pour l'emploi, et je mets en garde, alors que le débat se focalise sur la vie chère et que ce régime sera renégocié en 2014, soit en même temps que nos échéances électorales, contre une possible utilisation démagogique du sujet. Les populations ont vite fait de ne voir dans l'octroi de mer qu'une taxe qui ne fait qu'aggraver le coût de la vie.

Autre sujet de préoccupation, les programmes relatifs à la biodiversité, et en particulier Natura 2000. La Commission européenne indique dans sa communication que, pour les régions ultrapériphériques, le changement climatique, l'énergie durable, la biodiversité constituent de nouveaux domaines stratégiques. Fort bien, et l'on ne peut que souscrire à de telles orientations, mais je constate, encore une fois, un décalage entre les déclarations et les faits : Natura 2000 n'est pas appliqué dans les régions ultrapériphériques dès lors qu'aucune des espèces endémiques de l'outre-mer ne figure dans la définition qui est donnée de la flore et de la faune à protéger. N'y a-t-il pas quelque contradiction à promouvoir la préservation de la biodiversité dans les régions ultrapériphériques en les tenant à l'écart de toutes les mesures de protection édictées à cette fin ? Comprenez-moi bien, je ne demande pas l'application pure et simple de Natura 2000...

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