Merci pour cette invitation, qui contribuera également à alimenter ma réflexion. Nous sommes à un moment décisif du processus de décision : la Commission a proposé l'an dernier l'essentiel des règlements thématiques relatifs au cadre financier pluriannuel, autrement dit le budget pour 2014-2020. Il revient désormais au Parlement européen et au Conseil de se prononcer. Le Parlement statue sur des versions amendées et désigne à chaque fois une équipe de négociateurs chargée d'élaborer le compromis final avec les deux autres institutions.
La négociation commencera vraiment lorsque les États membres auront fixé le montant de ce cadre financier, nous l'espérons d'ici la fin d'année. Un âpre débat oppose la Commission et le Parlement à une majorité d'États membres qui souhaitent une diminution des contributions nationales, certains allant jusqu'à demander une baisse d'un cinquième du budget total, soit 200 milliards d'euros. Pourtant, sans ambition budgétaire européenne, comment répondre à la crise économique, comment mettre en oeuvre les priorités de la « stratégie Europe 2020 » que les États membres avaient eux-mêmes définis en 2010 ?
Cette communication de la Commission sur l'avenir des RUP est l'occasion d'un bilan sur la place de nos régions dans les politiques européennes et sur l'intégration des RUP dans la stratégie Europe 2020. La conclusion est hélas que ce texte européen manque cruellement d'ambition.
Les programmes et les dispositions propres aux RUP sont maintenus. Le programme d'options spécifiques à l'éloignement et l'insularité (POSEI) est unanimement considéré comme une réussite et les allocations de compensation des surcoûts continueront d'exister dans les volets cohésion et pêche. La dimension extérieure fait l'objet de recommandations intéressantes. Il y a deux ans, quand j'ai évoqué une autoroute de la mer Caraïbe, la Commission a réagi de façon très négative. Aujourd'hui, les investissements portuaires sont envisagés : on progresse !
Des avancées sont perceptibles sur d'autres sujets comme le nouveau mécanisme de protection civile, qui répond à une attente forte exprimée depuis 2004, ou encore l'engagement de la Commission à achever en 2013 une étude d'impact sur le changement climatique dans les RUP.
Toutefois, sur les autres sujets, il y a très peu d'annonces novatrices. Le droit commun sera le fondement de toutes les autres politiques. Éducation ? Voyez Erasmus. Pour les PME ? Cherchez des financements innovants auprès de la BEI. La recherche ? Le tout nouveau programme Horizon 2020 fera votre bonheur.
Si le programme BEST sur la biodiversité semble positif, il s'agit d'un programme expérimental et la Commission ne prévoit pas son renouvellement après 2013. Il représente à peine 2 millions d'euros contre 3 milliards pour LIFE, son équivalent au niveau européen. Demain, quel soutien financier sera accordé à des régions qui représentent 80 % de la biodiversité de l'Union européenne ? La Commission nous renvoie aux fonds structurels ! Les multiples alertes que j'ai adressées au commissaire à l'environnement, Janez Potocnik, sont restées sans réponse.
Pourquoi l'intégration au marché unique est-elle évoquée de façon aussi succincte ? On fait bien peu de cas du rapport de Pedro Solbes... Pire encore, sur le problème de la vie chère, l'Europe n'apporte aucune réponse.
Malgré le discours incantatoire sur les atouts que représentent les RUP pour l'Europe, nos liens avec la Commission ont tendance à se distendre. Lorsqu'elle s'engage à maintenir l'allocation surcoût, elle omet de préciser qu'elle en a diminué le montant de près de moitié. Nous avons su convaincre nos collègues eurodéputés de nous soutenir pour demander une revalorisation de l'enveloppe RUP. Désormais, c'est au gouvernement français de peser de tout son poids.
La communication européenne de juin dernier n'est pas explicite sur ce point, mais le POSEI fera très certainement l'objet en 2013 de modifications et d'ajustements budgétaires. Nous avons appris hier la conclusion des négociations sur les compensations des accords avec l'Amérique latine, après plus d'une année de discussions. Le sujet est épineux et le soutien indéfectible du Parlement est précieux.
Les éléments de la communication relatifs à la politique extérieure sont intéressants, mais il n'est plus fait mention d'un plan d'action de grand voisinage, lancé par Michel Barnier en 2004 - il est vrai qu'il n'a jamais reçu de contenu. Ambitions remisées, cohérence d'ensemble oubliée...
Reconnaissons toutefois que la France n'a pas témoigné d'une volonté politique farouche. Le manque d'ambition de la communication de la Commission fait écho à un positionnement défaillant. Si LIFE n'a pas été fructueux pour notre pays, c'est que les précédents gouvernements ne se sont pas investis dans l'application de Natura 2000 et n'ont pas non plus proposé d'alternative crédible. Dès lors, notre pays s'est exclu du bénéfice des financements européens pour la biodiversité. Il est le seul dans ce cas !
Je suis inquiet pour le devenir de l'octroi de mer, après mes discussions avec la Commission. L'évaluation à mi-parcours a été décevante : nous sommes manifestement incapables d'argumenter solidement pour démontrer l'efficacité économique du système, son effet sur la compétitivité. Il est ainsi logique que la Commission soit aussi frileuse sur cette question dans sa communication !
Concernant le secteur des transports, hors de la politique de cohésion, point de salut ! Le « réseau transeuropéen », actuellement étudié au Parlement, prend en compte les priorités mises en avant par chaque pays. Or les DOM ne sont pas sur la liste française, tandis que les Canaries figurent sur la liste espagnole.
Il n'y aura pas d'insertion régionale sans rationalisation de la politique des visas. Les régions d'outre-mer ne sont pas intégrées à Schengen pour éviter certains effets indésirables en matière de politique de rétention. Soit ! Mais la conséquence est qu'il est plus facile d'aller à Rome qu'à Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre.
Quant à la dimension sociale, le texte en parle beaucoup... mais n'en dit pas grand-chose. Le fonds social européen, principal instrument, sera renforcé. Il est actuellement très mal utilisé en France, notamment en raison des règles édictées par la Datar.
Cette communication de la Commission, ainsi que les programmes sectoriels en négociation, sont des catalogues de bonnes intentions. Mais sans réelle ambition.
Alors que nos populations ultramarines ne cessent de demander la prise en compte de leurs spécificités sur le fondement de l'article 349 du traité, cette communication nous ramène strictement au droit commun. Nous payons le prix des profondes modifications géopolitiques intervenues au cours de la dernière décennie. La France pèse moins au Conseil dans une Union à 27 dont le centre s'est déplacé vers l'Est et la crise économique limite les capacités d'investissement de l'Union. Au fil des communications européennes, nos intérêts sont de moins en moins pris en considération. En 2004, il était question de « partenariat renforcé ». En 2008 nous étions « un atout pour l'Europe ». Aujourd'hui on nous enjoint de revenir dans le droit commun.
Jugulons cette hémorragie, cette dilution, par une action forte, ambitieuse et cohérente. Les politiques européennes pour la prochaine décennie se décident en ce moment. Oui, nous devons continuer à marteler nos spécificités, notre besoin d'adaptation ! Cette réalité doit s'imposer à tous car l'article 349 du traité la justifie.
Cessons de nous replier dans une position défensive, de nous borner à réclamer la conservation d'un acquis. Car ce ne sera pas suffisant ! Mobilisons-nous, devenons force de proposition. Je compte lancer une initiative pilote sur l'internet par satellite, qui est une solution pour désenclaver nos territoires insulaires. J'ai amendé la proposition de règlement Erasmus pour aider les étudiants d'outre-mer à se déplacer en Europe. Les dérogations en matière d'aide d'État au sein de la politique de cohésion seront soutenues par le Parlement.
Nous devons mieux exploiter les plans d'action par région, les programmes européens et les financements croisés. N'oublions pas que la nouvelle politique de cohésion s'appliquera dans une période de grand chamboulement institutionnel, en Martinique et en Guyane. C'est un chantier titanesque, mais aussi une opportunité de développement au plus proche des territoires. La communication de la Commission, d'une certaine façon, nous donne à réfléchir et nous rappelle que nous sommes la clef de notre propre développement. À nous d'agir !
Concernant Mayotte, j'ai conduit le projet pilote préparant la « rupéisation » de l'île en 2014 : 2 à 3 millions d'euros sont consacrés en 2012 et 2013 à la formation de l'administration mahoraise, afin qu'elle connaisse, dès 2014, les procédures d'accès aux fonds européens.