Intervention de Éric Doligé

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 16 octobre 2012 : 1ère réunion
Rapports de mm. edmond hervé et eric doligé sur les travaux de l'atelier 1 des états généraux de la démocratie territoriale : « nouer des relations de confiance entre l'etat et les collectivités territoriales et clarifier les missions des acteurs locaux »

Photo de Éric DoligéÉric Doligé, rapporteur :

Les propos échangés dans l'atelier 1 ne correspondent pas toujours aux opinions exprimées dans les milliers de réponses au questionnaire adressé aux élus dans le cadre de la préparation des états généraux. Ces réponses ont été, en effet, parfois très opposées les unes aux autres. Je vais essayer d'exposer les éléments essentiels du débat qui a eu lieu au sein de l'atelier 1 en tenant compte de cette réalité.

Je fais auparavant un détour par les normes : tout le monde - Président de la République, président du Sénat, Premier ministre, maires - se prononce pour l'adaptabilité des normes applicables par les collectivités territoriales. L'article 1er de ma proposition de loi sur la simplification des normes, inscrite la semaine prochaine à l'ordre du jour du Sénat, permet précisément cette adaptabilité ; il a été cependant rejeté par la commission des Lois. C'est que la politique prend désormais le dessus : l'objectif est de ne surtout pas adopter mes propositions. Peut-être sera-t-il quand même possible de faire voter l'amendement qui reprend cet article 1er. Il me semble, en tout état de cause, que « norme » a été le mot le plus prononcé aux états généraux.

Ceci étant, en ce qui concerne les débats de l'atelier 1 sur les compétences et les missions des collectivités territoriales, de nombreuses interventions ont porté sur le rôle de l'Etat et sur son devenir dans la perspective d'une évolution des compétences et des missions des collectivités. Le recentrage de l'Etat sur ses missions régaliennes : diplomatie, sécurité, justice et autres, a souvent été demandé. Il a aussi été souhaité que l'Etat intervienne le moins possible sur les compétences transférées. Il faut une clarification à cet égard : l'Etat a du mal à lâcher prise sur des compétences parfois transférées en quasi totalité : le social, par exemple, ou les routes nationales. L'Etat doit se recentrer sur la stratégie, il doit être régulateur, garant de la solidarité et de la péréquation. A ce sujet, il faut éviter la création d'inégalités flagrantes en fonction de la richesse et de la capacité des territoires. L'Etat doit aussi clarifier les limites de ses blocs de compétences : c'est le problème des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et des directions départementales des territoires (DDT), dont les élus ont parfois du mal à connaître le périmètre de compétences. Se pose aussi le problème de l'ingénierie locale : un certain nombre d'élus, surtout issus des communes rurales, demandent que ce service soit assuré.

Le fait que l'Etat a tendance à ne plus respecter ses engagements a été un autre sujet d'interrogation. Plusieurs élus à la tête d'exécutifs importants ont mentionné ce problème.

En ce qui concerne les communes, tout le monde a reconnu leur rôle pour préserver les services publics de proximité ainsi que la nécessité de leur conserver la clause générale de compétence. Les réponses sont en revanche différentes en ce qui concerne, sur ce dernier point, les autres collectivités. Ainsi, les départements et les régions doivent avoir la compétence générale selon 28 % des répondants au questionnaire adressé aux élus. Ceci implique, entre autres, que pour un grand nombre d'élus l'approche contractuelle peut être une bonne méthode de gestion des compétences.

En tout état de cause, des évolutions sont en cours sur le terrain. En région Centre, par exemple, un travail a été lancé sur les bassins de vie, dont certains ne correspondent plus aux départements ni aux pays. Ce travail sera difficile à articuler avec la redéfinition des compétences en perspective dans le cadre de la réforme à venir.

Tout le monde s'accorde sur la vocation du département dans le domaine social. Des réflexions sont d'ailleurs en cours au niveau national sur le transfert de l'ensemble de la compétence handicap aux départements, la première problématique étant à cet égard la capacité financière d'exercer la compétence. Certains estiment que les services départementaux d'incendie et de secours ne devraient plus être bicéphales, les collectivités finançant et l'Etat - ou les maires, par délégation - détenant la maîtrise opérationnelle. Cette problématique, dont je pense qu'elle ne débouchera sur aucun changement, est récurrente. En ce qui concerne les collèges, il est question de transférer la médecine scolaire et les gestionnaires, dont le rattachement à l'Etat pose des problèmes dans la mesure où le personnel chargé du fonctionnement des établissements est pris en charge par les départements. Il a aussi été demandé - que cette idée soit bonne ou mauvaise - que les départements soient chargés de la compétence logement, sachant que ceux-ci sont déjà très présents dans ce domaine à travers un certain nombre d'offices et de financements.

En ce qui concerne les régions, quelques présidents de région se sont exprimés à l'atelier 1, avec quelques divergences. Les positions ont été un peu contradictoires sur leur rôle stratégique. En revanche, les réponses au questionnaire et les débats de l'atelier 1 ont confirmé que l'emploi, la formation professionnelle, l'enseignement supérieur, la recherche, les transports, les lycées devaient être des compétences régionales.

Sur tous ces sujets, les élus nationaux ont à relayer les nombreuses idées exprimées sur le terrain, dans les réponses au questionnaire, dans l'hémicycle, à la Sorbonne, et à les mettre en oeuvre, même s'il ne sera pas simple de faire les choix concrets.

A côté de la question de la clause générale de compétence, à côté du choix entre la notion de bloc de compétences et celle de bloc de cohérence, qui ne sont pas du tout la même chose, un sujet assez souvent évoqué a été la notion de chef de file, avec ses corollaires : la contractualisation et l'existence de lieux de rencontre et de travail en commun. Il faut, à cet égard, disposer au plan local de structures spécifiques, définies dans un cadre national, afin que le travail en commun ne dépende pas de la bonne volonté locale. Un président de région a indiqué à ce propos que la conférence territoriale des exécutifs était une bonne chose, tout en précisant que son président ne devait pas être automatiquement celui de la région mais devait être désigné par la conférence afin d'éviter la prééminence d'une collectivité sur les autres.

Par ailleurs, la nécessité que les compétences existantes soient consolidées avant les transferts a été fortement exprimée.

J'en viens aux régions. Elles demandent globalement la compétence économique, que les intercommunalités et les grandes communes ne veulent pas perdre. Il faudra donc trouver une solution, compte tenu de la diversité du contenu de cette compétence, qui peut englober aussi bien l'aide aux entreprises que l'aménagement d'une zone d'activité. Ce sujet va faire fortement débat.

L'expérimentation est plébiscitée. J'observe à ce sujet qu'il est plus facile d'expérimenter sur certains territoires, en fonction de leur nature, que sur d'autres.

Les régions demandent aussi la gestion des fonds européens. Ce thème, ainsi que celui de la banque de financement des entreprises, fera débat. Certaines collectivités, les départements en particulier, certaines grandes agglomérations peut-être, d'autres collectivités éventuellement, souhaiteront être associées.

Je note, par ailleurs, que deux représentants régionaux des Verts dans l'atelier 1 ont demandé la suppression du département.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion