Intervention de Yves Daudigny

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 octobre 2012 : 1ère réunion
Programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Examen du rapport pour avis

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny, rapporteur général :

Nous examinons, pour la troisième fois, un projet de loi de programmation des finances publiques, le premier datant de 2008. A chaque fois, notre commission se saisit pour avis. Quoi de plus légitime quand les administrations de sécurité sociale représentent 46,5 % des dépenses publiques et 54,4 % des prélèvements obligatoires ?

Les lois de programmation présentent la particularité de couvrir l'ensemble des administrations publiques : Etat, sécurité sociale, collectivités locales. Elles dessinent une trajectoire financière fixe pour une période donnée sans s'imposer aux lois de finances et de financement. Ce texte traduit un double cap conforme aux engagements européens du Président de la République : une limitation du déficit public à 3 % du PIB en 2013 et un solde structurel ramené à 0,5 % du PIB dès 2015.

L'objectif est de ramener le déficit des finances publiques à 0,3 point de PIB en 2017. Toutes les administrations publiques seraient excédentaires, sauf l'Etat. Les hypothèses macro-économiques qui le sous-tendent, par nature conventionnelles à l'exception de la prévision de 2013, ne sont pas irréalistes : une croissance de 2 % à compter de 2014 et une progression annuelle de 4 % de la masse salariale privée - qui est la principale assiette de la sécurité sociale. Par comparaison, les deux précédentes lois de programmation avaient retenu une croissance de 2,5 % et une progression de la masse salariale respectivement de 4,6 % et de 4,5 %.

Le déficit des administrations de sécurité sociale a atteint 0,6 point de PIB, soit 12,5 milliards en 2011. Un chiffre à mettre en perspective avec le déficit des administrations publiques en 2011, qui était de 5,2 % du PIB, soit 103,6 milliards, et avec le montant total des dépenses d'administration de sécurité sociale, dont il représente environ 2 %. Pour mémoire, le déficit des administrations publiques centrales représente 20 % de leurs dépenses et celui des administrations publiques locales 0,4 %.

Le projet de loi vise un redressement significatif du solde des comptes sociaux : l'équilibre serait retrouvé dès 2014, et l'excédent atteindrait 0,8 point de PIB en 2017. Un tel excédent n'aurait rien d'exceptionnel : l'exercice 2008 s'était conclu sur un excédent de 0,7 point de PIB. Au contraire, c'est le déficit qui constitue une anomalie grave : on fait payer les prestations sociales d'aujourd'hui aux générations futures. Le creusement du déficit durant la crise a très majoritairement des sources structurelles : en 2009, la composante structurelle représentait 60 % du déficit, 75 % en 2010 et les deux tiers en 2011.

Ce texte affiche plus d'ambition pour la réduction du déficit social que le programme de stabilité et de croissance d'avril 2012, élaboré par le précédent gouvernement, tout en retenant une prévision de croissance plus raisonnable pour 2013. Là où le précédent gouvernement prévoyait un déficit de 0,4 point de PIB en 2013, puis de 0,1 point de PIB en 2014, le Gouvernement vise un effort supplémentaire de 0,2 point de PIB en 2013 et de 0,1 point de PIB en 2014 par la remise en cause de niches sociales et la mobilisation de ressources justement réparties.

La politique du Gouvernement est claire : le croisement des courbes de recettes et de dépenses. Côté recettes, après l'exercice 2012, on remettra à niveau les prélèvements sociaux en 2013, et seulement en 2013, afin de financer durablement la protection sociale. A noter : les projections ne comprennent aucune mesure nouvelle par rapport aux 5 milliards inscrits au projet de loi de financement. Côté dépenses, on procédera à un « rebasage », à hauteur des besoins en 2012 et 2013, avant d'engranger les gains de productivité issus de la modération de l'Ondam entre 2014 et 2017. L'effort en dépense sera réparti durant la période.

Dans le détail, on passerait d'un déficit social de 10,4 milliards en 2012 à un excédent de 18,8 milliards pour l'ensemble des administrations de sécurité sociale en 2017.

Le fonds de réserve des retraites (FRR) et la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) enregistrent un excédent structurel qui représenterait 10,4 milliards en 2012 pour atteindre à 13,5 milliards en 2017. Il réduit de moitié le déficit des administrations de sécurité sociale en 2012 et représenterait près des trois quarts de leur excédent en 2017. Cet excédent est d'abord celui de la Cades, et c'est aussi sa raison d'être.

Deuxièmement, les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) relèvent de la loi de financement de la sécurité sociale et constituent le coeur de notre protection sociale. Si ce n'est la branche AT-MP, toutes les branches présenteraient encore un déficit en fin de période, mais plus limité ; j'y vois le gage d'une prévision sincère et réaliste. Le déficit des régimes obligatoires de base passerait de 15,2 à 9,1 milliards de 2012 à 2017. Les dépenses seraient couvertes à hauteur de 98,3 % par des recettes en 2017 alors que ce pourcentage n'était que de 95,7 % en 2011. Le FSV connaîtrait lui aussi une amélioration significative de sa situation financière : son déficit serait de 0,6 milliard en 2017, contre 4,1 milliards en 2012.

La maîtrise de l'Ondam conduirait à une amélioration significative du solde de la branche maladie d'ici 2017. La branche famille enregistrerait un déficit tendanciel préoccupant de 2,6 milliards en 2013, de 2,4 milliards en 2014, avec un reflux attendu jusqu'à un déficit de 1,3 milliard en 2017. Sans surprise, le déficit cumulé de la branche vieillesse et du FSV resterait à un niveau élevé jusqu'en 2017 avec un déficit global de 8,5 milliards en fin de période. Une parenthèse importante : le Gouvernement n'a évidemment pas intégré à la programmation les concertations en cours et à venir avec les partenaires sociaux. Cela dit, les déficits du régime général et du FSV sont financés par avance. L'article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoit, en effet, la reprise des déficits 2011 à 2018 de la branche vieillesse du régime général et du FSV à partir de 2012 dans la limite de 10 milliards par an et de 62 milliards au total. En l'état actuel, le besoin de financement de la période resterait en deçà du plafond.

Troisièmement, les autres administrations de sécurité sociale couvrent les régimes complémentaires et l'Unedic dont la gouvernance reste largement et légitimement confiée aux partenaires sociaux. Leur excédent de 15 milliards en 2017 contribuerait décisivement à l'amélioration des soldes sociaux. Si des excédents ont été constatés par le passé, ce Gouvernement, pas plus que ses prédécesseurs, ne délivre de projections sur ces régimes. Il y a là une véritable boîte noire dans la programmation sur laquelle j'ai demandé des explications. A ce stade, sans succès. Les hypothèses sous-jacentes à une amélioration très substantielle du solde de l'Unedic, qui explique l'excédent de 15 milliards envisagé en 2017, ne sont pas explicitées. De là l'amendement que je proposerai au projet de loi organique.

L'effort de maîtrise de l'Ondam est à la fois réaliste et substantiel. La programmation repose sur l'hypothèse d'une modération de la dépense des administrations de sécurité sociale limitée à 1,1 % en volume, contre 2,25 % en moyenne. L'Ondam progresserait de 2,7 % en 2013, de 2,6 % en 2014, puis de 2,5 % à partir de 2015 contre une tendance spontanée à la hausse de 4,1 %. Il s'agirait de minimas historiques après un record de 7 % établi en 2002. Pour une année donnée, cela représenterait une économie de 2,7 milliards, amplifiée en 2017 pour atteindre 0,6 point de PIB. Certes, les chiffres retenus par le Gouvernement apparaissent moins rigoureux pour 2013 et 2014 que ceux du programme de stabilité. C'est un choix politique : la majorité veut, d'une part, limiter le reste à charge des patients, d'autre part, accompagner des projets prioritaires de mise en sécurité et de restructuration-rationalisation. Surtout, si l'on adopte la méthode de calcul appliquée à l'Ondam de 2013 - partir de la réalisation et non de la prévision - l'Ondam de 2012 était de 2,8 %, et non de 2,5 %.

Dernier élément financier, la dette. Un déficit cumulé des branches maladie et famille de 34,6 milliards est prévu de 2012 à 2017. Quels que soient les scénarios, le Gouvernement ne les a pas communiqués pour l'heure, il faudra envisager sa reprise par la Cades et, donc, son financement par des mesures nouvelles. D'après mes calculs, l'impact sur les prélèvements obligatoires, minime, se situerait entre 0,12 et 0,3 point de CRDS selon les dates de reprise et celle d'extinction de la Cades - 2024 ou 2025.

Quelques mots des mesures de bonne gestion des recettes et des dépenses. Le texte retient le principe d'une durée limitée d'existence des niches fiscales et sociales, l'obligation d'une évaluation régulière de celles-ci et une règle de sécurisation des recettes. En dépenses, je proposerai des modalités de mise en réserve des dépenses d'assurance maladie que j'espère plus intelligentes.

Pour conclure, j'invite la commission à donner un avis favorable à cette programmation pluriannuelle réaliste, rigoureuse et juste.

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