Indépendance et expertise sont deux caractéristiques fondamentales de l'Anses. Nous avons tout mis en oeuvre pour les préserver, d'autant que la fusion Afsset-Afssa suscitait des craintes et des critiques à cet égard. Au niveau de la sélection des experts d'abord, nous avons cherché à prévenir les conflits d'intérêts. La composition des collectifs d'experts est renouvelée tous les trois ans ; les membres sont sélectionnés sur des critères de compétence ; ils remplissent systématiquement une déclaration publique d'intérêts. Le conseil scientifique, indépendant de la direction de l'agence, participe à l'examen des candidatures. J'ajoute que les appels à candidatures sont aussi ouverts que possible. Les déclarations d'intérêts ne sont jamais vierges, d'autant moins que la nouvelle législation les a rendues très détaillées. Permettez-moi de souligner que cette technique est la seule possible : on s'interrogerait légitimement sur la crédibilité d'un chercheur absolument dépourvu d'activités extérieures !
Avant chaque réunion et pour chaque point de l'ordre du jour, nous établissons une matrice d'identification des risques d'intérêts, pour identifier les liens d'intérêts jugés non rédhibitoires mais porteurs d'un risque de conflit sur un dossier particulier. Ainsi l'agence prend-elle ses responsabilités et elle évite de laisser à l'expert seul l'entière responsabilité de déclarer son conflit d'intérêts.
Ce dispositif a été testé en pratique : il y a quelques mois, une étude visait à analyser l'influence des facteurs de croissance du lait sur le déclenchement de certains cancers. Or, certains experts du collectif censé la valider étaient membres de la fondation Danone. Nous avons estimé qu'ils ne pouvaient participer aux travaux. Notre décision a été mal comprise. Pourtant nous ne remettons nullement en cause l'intégrité des chercheurs, nous appliquons simplement les règles indispensables à la crédibilité du système. Ne confondons pas, soit dit en passant, liens et conflits d'intérêts.
Les chercheurs s'interrogent parfois sur l'intérêt qu'il y a à entrer dans de tels comités d'experts, dès lors qu'un seul mot dans une déclaration publique de vingt pages est susceptible de déboucher sur une mise en cause de leur déontologie. A prolonger cette tendance au soupçon, nous risquons de nous priver de compétences indispensables.
Nous tenons beaucoup au caractère collectif et contradictoire de nos expertises. Celles-ci sont explicitées et rendues publiques, afin de garantir l'expression d'une pluralité de points de vue. A cet égard, prenons garde également à ne pas juger une structure ou une expertise à son maillon le plus faible. Nous travaillons sur de nombreuses sources d'information. Nous ne faisons pas nous-mêmes de la recherche, nous nous appuyons sur toute la documentation existante et cultivons le respect et l'écoute de l'ensemble des parties prenantes. Les lanceurs d'alerte agacent parfois dans leur manière de présenter les choses, mais nous devons tenir compte des signaux qu'ils envoient. L'audition de Gilles-Eric Séralini a donné lieu à un bon dialogue. Lui-même reconnaît les limites de son étude et appelle de ses voeux des recherches plus complètes.
Sur les PGM, notre rôle est d'anticiper, d'aller plus loin dans les connaissances scientifiques. Si le NK603 ne modifie qu'une seule protéine pour rendre une plante résistante au Roundup, les derniers OGM conçus permettent d'en modifier jusqu'à cinq. La plante génétiquement modifiée s'éloigne progressivement de la plante d'origine. Dans ce contexte, notre rôle est d'anticiper en permanence l'évolution des connaissances et de proposer, en conséquence, l'adaptation des protocoles. Nous sommes plus sévères sur l'espèce de rat utilisée dans l'étude.