J'ai l'honneur de vous présenter le premier bilan du contrat d'objectifs et de moyens (COM), presque un an après en avoir défendu devant vous les principales orientations. Il poursuit deux objectifs prioritaires : la relance éditoriale d'une part, rendue nécessaire par la concurrence que les chaînes de la TNT ont ranimée sur les audiences et les images de marque ; la poursuite du développement numérique de la chaîne d'autre part.
La relance éditoriale d'Arte a été engagée par le déploiement, à compter du 1er janvier 2012, de sa nouvelle grille de programmes. Les fondamentaux de la chaîne sont préservés : culture, Europe, relations franco-allemandes, recherche de qualité des contenus. La grille est simplifiée par la création de soirées thématiques : cinéma le lundi, investigation le mardi, Europe le mercredi, culture le jeudi... Arte se tourne désormais vers l'avenir, après avoir rempli avec succès, vingt ans durant, sa mission de constitution d'une mémoire commune avec l'Allemagne. Le ton de la chaîne a été rendu moins docte et plus moderne par l'ajout d'une dose d'humour et de doute dans ses programmes, afin de rassembler tous les publics.
Dix mois ont suffi pour que cette nouvelle grille fasse ses preuves. L'étude d'image que nous réalisons régulièrement nous l'a confirmé dès le premier trimestre 2012. Les téléspectateurs ont manifesté leur satisfaction, et perçoivent désormais Arte comme une chaîne européenne davantage que franco-allemande, bien que ses deux actionnaires exclusifs restent la France et l'Allemagne. Après le frémissement des premiers mois dû notamment à la concurrence des Jeux olympiques sur France Télévisions, les audiences se sont consolidées en Allemagne - elles étaient fortes depuis deux ans - et ont bondi en France. Un certain nombre de programmes remarqués ont achevé de fidéliser le public : notre festival du cinéma d'abord, qui a permis de diffuser en première partie de soirée le film turc Miel avant-hier, puis Mammuth le lendemain ; notre sélection documentaire ensuite, résolument ancrée dans le présent, avec la série De l'Orient à l'Occident et nos enquêtes sur Goldman Sachs et la finance folle ; nos fictions enfin, grâce au franc succès rencontré par les cinq séminaristes d'Ainsi soient-ils, miroir de la diversité de la société française, et à la série danoise Borgen dont nous programmons bientôt la seconde saison. La progression de notre part d'audience atteste du succès de cette nouvelle grille : en passant de 1,5 % à 1,8 %, elle a en effet bondi de 20 % en un an.
Notre stratégie de développement numérique a été mise en oeuvre de manière satisfaisante. C'est un atout historique de la chaîne, puisque Arte a été la première à créer un système de télévision de rattrapage, baptisé « Arte+7 ». La hausse de fréquentation de 30 % qu'a connue l'ensemble de nos sites en 2012 et la croissance de 60 % de la seule plateforme « Arte+7 » nous encouragent à poursuivre dans cette voie. Cette croissance, tirée à ses débuts par l'enrichissement en programmes du site, est désormais imputable à sa dynamique propre, puisque 90 % des programmes y sont aujourd'hui accessibles. Certains d'entre eux, tels les reportages sur Goldman Sachs et la finance folle, ont enregistré une fréquentation comparable à l'antenne et sur le web, respectivement de 900 000 et de 700 000 téléspectateurs. Ce phénomène est largement le fait des plus jeunes téléspectateurs, qui ont massivement déserté la télévision classique.
Nous avons mis un point d'honneur à définir un projet de groupe ambitieux. Baptisé « Galaxie Arte », il prend acte de l'avènement inéluctable de la télévision connectée. En effet, un simple bouton de la télécommande permettra bientôt de passer imperceptiblement de l'antenne au web. Mieux articuler les deux canaux pour élargir la base de notre public, et toucher en particulier les plus jeunes constitue le coeur de la stratégie validée par Arte Deutschland, Arte-France, et notre centre de diffusion à Strasbourg. Nous finalisons dans ce cadre la réforme des organigrammes autour d'un principe original : au contraire des autres chaînes dans lesquelles les services web et antenne sont séparés, les équipes d'Arte sont organisées par grands programmes thématiques (fiction, documentaire, etc.) au sein desquels elles développent simultanément l'offre numérique et télévisuelle classique. Par conséquent, la priorité est donnée aux contenus, des économies de personnel sont rendues possibles, et la concurrence éventuelle entre les services est réduite à néant. Cette réforme, qui permet une conduite du changement plus rapide, donne à ce stade entière satisfaction.
Quelques mots sur nos projets pour l'année prochaine. Année anniversaire du traité de l'Élysée, 2013 sera l'année franco-allemande. Le phénomène n'a lieu que tous les cinquante ans... Nous entendons donner l'écho le plus large aux manifestations qui seront organisées à cette occasion. En janvier, l'anniversaire de l'accord proprement dit sera célébré à Berlin. Les 20, 21, et 22 janvier 2013, nous consacrerons l'ensemble de nos programmes aux relations franco-allemandes, ainsi qu'au cinquantenaire de la création de l'Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj). Une place particulière sera donnée aux programmes développés par la chaîne elle-même : Arte a notamment réalisé, conjointement avec Radio France, une enquête sur l'avenir de la relation franco-allemande, dont les résultats seront rendus publics au début du mois de janvier, et organisé avec Libération un forum sur l'avenir de l'Europe et de la relation franco-allemande, qui se tiendra à Strasbourg les 5 et 6 avril 2013. Nous pensons que l'Europe ne se résume pas à la crise économique qu'elle traverse, et qu'il faut soutenir les utopies qu'elle continue de susciter.
La fiction est un chantier majeur de l'année à venir. C'est l'un des thèmes les plus délicats à manier, car bien qu'il s'agisse d'un pilier de la télévision contemporaine parfois créateur d'un imaginaire commun, les critères d'un bon programme varient fortement d'un pays à un autre. Nous travaillons avec le ministère de la culture allemand à l'élaboration d'une politique volontariste, à l'instar de celle qui a été menée dans le cinéma, susceptible de forger une vision commune du continent européen.
Les objectifs du contrat d'objectifs et de moyens seront poursuivis, et la relance éditoriale confortée, en dépit d'un contexte rendu plus difficile par la concurrence accrue dans le secteur audiovisuel d'une part, et par les difficultés budgétaires d'autre part. En effet, le rachat par Canal Plus de la chaîne D8, dont la programmation cinématographique est proche de la nôtre, aura pour conséquence de faire grimper les prix ; le même effet est attendu de l'apparition de six nouvelles chaînes numériques au 6 décembre 2012, dont une est spécialisée dans les documentaires - créneau occupé par 45 % des programmes d'Arte. L'effet inflationniste de cette nouvelle demande de programmes intervient dans un contexte budgétaire plus contraint. Nous savons gré au Gouvernement d'avoir pris en compte la spécificité d'Arte, qui ne dépense que 10 millions d'euros en frais de structure, 20 millions d'euros en masse salariale, et consacre les deux tiers de son budget à investir dans la création. Avec une diminution de notre budget de 0,3 %, soit 800 000 euros, nous avons conscience du traitement privilégié qui nous est réservé, relativement à France Télévisions par exemple.
Les programmes diffusés en journée ont fait l'objet d'investissements importants. Le passage à la télévision numérique terrestre (TNT) a en effet conduit la chaîne à rediffuser le jour ce qui était auparavant ses uniques programmes de soirée. Cette faiblesse originelle demeure. Idéalement, nous souhaiterions enrichir la grille de jour d'une nouvelle émission quotidienne, mais les contraintes budgétaires nous en empêchent. Nos moyens financiers seront par conséquent entièrement consacrés à l'approfondissement des réformes engagées en 2012.