Toutes les émissions d'Arte ont un volet historique, afin que l'histoire soit vue à travers le prisme du présent, et qu'elle apparaisse non pas en tant qu'objet d'émissions spécialisées mais comme le terreau dans lequel nous nous inscrivons, même si nous avons encore quelques émissions historiques de facture plus classique. La coopération franco-allemande se passe très bien dans ce domaine, et je ne pense pas qu'on puisse y constater un tropisme allemand.
La fiction, en revanche, est l'un des domaines où il y a le moins de coproductions entre la France et l'Allemagne, ou avec d'autres pays. La solution : créer, comme je suis en train de le faire en profitant de l'année franco-allemande, un fonds de coproduction entre la France et l'Allemagne, afin que les auteurs et les producteurs apprennent à travailler ensemble, ce qui ne semble pas naturel dans la fiction. Mais si la France est centralisée, avec un seul ministre de la culture et de la communication, en Allemagne il faut faire le tour des Länder, tâche démesurée... Pour que tous se mobilisent, il faut qu'une volonté politique s'exprime : quel avenir pour l'Europe si l'on n'est pas capable de développer, par l'imaginaire qui s'exprime à travers les fictions, une vision partagée de nos sociétés et de leur devenir ?
La tendance au repli sur soi provoquée par la crise économique nous inquiète tous, même si les mesures prises pour contrer la crise consolident l'Europe. Dans ce contexte, Arte est plus indispensable que jamais pour lutter contre les tentations de protectionnisme culturel, tout en reconnaissant bien sûr que l'Europe est une succession de cultures diverses qu'il faut respecter. A cet égard, la structure binationale d'Arte est exemplaire, mais il serait illusoire de vouloir y associer un troisième pays, tant le travail franco-allemand qui s'y effectue quotidiennement est déjà, tout passionnant qu'il soit, complexe.
Il faut pourtant bien qu'Arte s'européanise, cela se fera probablement grâce au numérique, dès que les services publics audiovisuels auront retrouvé un peu de lustre. Notre galaxie Arte comprend notamment, depuis quelques années, des plateformes thématiques numériques : l'une, Arte Live Web, porte sur le spectacle vivant, l'autre, Arte Creative, présente les avant-gardes européennes en matière d'arts plastiques, et bientôt une troisième sera consacrée à l'environnement, thème cher aux Français comme aux Allemands et porteur aussi bien à l'antenne que sur le Web. Nous pourrons envisager de créer des partenariats fondés sur ces plateformes, avec les services publics italiens ou espagnols par exemple, et débouchant sur la création d'un petit « Arte Italia », ou d'un petit « Arte España » qui, sur un tronc venant d'Arte, développeront les spécificités de chaque pays européen. Au lieu d'avoir une chaîne culturelle européenne hégémonique, nous aurions une chaîne franco-allemande capable de diffuser par Internet une série de petites chaînes culturelles reflétant la diversité culturelle européenne. Le problème de l'européanisation me semble plus facile à résoudre aujourd'hui qu'il y a dix ans, lorsque la seule solution était de procéder à l'ouverture du capital d'Arte à d'autres chaînes.
Nous espérons pouvoir mettre en oeuvre rapidement tous ces projets, et nous souhaitons que l'amendement du rapporteur soit adopté d'ici la fin de la session.