Intervention de Blandine Pélissier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 15 novembre 2012 : 1ère réunion
Femmes et travail — Table ronde sur le secteur de la culture et annonces

Blandine Pélissier, membre de la Fédération interrégionale H/F, représentant H/F Poitou-Charentes et H/F Midi-Pyrénées :

Je crois qu'il est important de rappeler qu'à la tête d'un centre dramatique national l'État nomme un artiste - c'est la règle -. Or, l'idée que l'homme créé et que la femme est sa muse est une représentation millénaire, encore bien ancrée dans les mentalités.

Le Festival de Cannes, qui a attribué une seule fois la Palme d'or à une femme - et encore était-elle en binôme avec un homme - et dont les membres du jury femmes - une dizaine depuis la création du festival - étaient toutes des actrices et non des réalisatrices, est une belle illustration de la persistance de cette représentation symbolique.

Encore aujourd'hui, par conséquent, la femme, privée du droit de créer, doit se cantonner à celui de « pro-créer ».

S'agissant de la sélection des artistes et de l'éviction quasi-systématique des femmes, l'administration de la culture a tendance à systématiquement mettre en avant des critères « objectifs » de sélection supposés garantir l'objectivité du processus. Or, ces critères - fixés par des hommes - sont tout sauf « objectifs » : ils reflètent la culture de « l'homme blanc de plus de 50 ans » qui fait la loi au sein de l'administration culturelle.

S'agissant des intermittents, les derniers chiffres communiqués par Pôle-Emploi en Poitou-Charentes nous apprennent que 80 % des personnes qui sortent du régime sont à l'heure actuelle des femmes.

Enfin, je vous invite à passer les films que vous verrez au crible du « test de Bechdel » qui consiste à poser les trois questions suivantes :

- Est-ce que dans ce film deux femmes ont des « vrais » rôles ?

- Est-ce que ces deux femmes ont au moins une conversation ensemble ?

- Est-ce qu'elles parlent d'autre chose que d'un homme ?

Vous verrez que très peu de films passent ce test...

La persistance de l'infériorisation systématique de la femme par rapport à l'homme nous a amenés à demander l'anonymat des candidatures, dès que cela est possible. Cette règle, qui existe pour la sélection des musiciens d'orchestre, a été la condition de leur intégration. On va même jusqu'à conseiller aux femmes de choisir des chaussures plates le jour de l'audition afin que le bruit des talons ne les trahisse pas derrière le paravent...

De même, nous avons demandé à ce que cette règle soit appliquée au Centre national du théâtre (CNT), mais nous n'avons pas eu gain de cause.

Pourtant, quand elle est appliquée - en particulier dans les comités de lecture - elle est très favorable aux femmes. Il y a quelques années, le Théâtre 95 a organisé un appel à textes, les auteurs devant présenter leur texte sous couvert d'anonymat. Les textes retenus étaient majoritairement ceux écrits par des femmes.

Aujourd'hui, nous ne croyons plus que « cela va changer avec la prochaine génération », car nous voyons bien que rien ne change.

A cet égard, nous tenons à la féminisation des noms et des fonctions, parce que c'est important pour les jeunes filles de pouvoir se projeter dans ces postes de direction, comme il est important pour elles de se penser dans une filiation par rapport à d'illustres « prédécesseuses », puisque nous savons qu'il y avait des actrices à la Comédie Française, par exemple, dont la notoriété est aujourd'hui complètement oubliée.

A cet égard, qui sait aujourd'hui qui est Émilie du Châtelet ?

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