Nous observons bien une régression, c'est indéniable. Pourtant, il ne faut pas sous-estimer la difficulté à aborder les questions de parité hommes-femmes en matière artistique. Cette difficulté tient à la part symbolique véhiculée par l'acte artistique et à la sacro-sainte liberté de la programmation au nom de laquelle on nous explique qu'il est impossible d'imposer la parité dans une matière où c'est le talent qui doit commander. Mais, comme dit Geneviève Fraisse, « l'égalité ne pousse pas comme l'herbe verte », et l'on peut en dire autant du talent.
C'est avec la même assurance que l'on parlera plus facilement d'« Art émergent » pour qualifier le travail des artistes femmes - en opposition au « Grand Art » -, alors qu'il s'agit d'abord d'une différence de moyens disponibles.
Sous couvert de bon sens, cette argumentation repose sur deux présupposés tenaces selon lesquels, en premier lieu, si on imposait plus de femmes dans les programmations, ce serait au détriment de la qualité. Interpellé par le Collectif féministe « La Barbe », lors de sa présentation de saison exclusivement masculine, le nouveau directeur du théâtre de l'Odéon, Luc Bondy, répond que c'est l'exigence artistique qui justifie ses choix.
Le second point d'achoppement tient au sacro-saint « talent » présenté comme un don du ciel et affranchi de toute contingence matérielle.
Que ce soit sous le vocable d'excellence artistique, de singularité, de don ou de génie, on en revient toujours à la question des représentations associées à la figure de l'artiste, qui renvoie toujours à la mythologie du génie - qu'il soit représenté, pour Goethe, par un cygne noir pour symboliser l'apparition de l'inspiration, ou par la figure de l'écrivain romantique -. Quelle que soit la figure, vous remarquerez que la représentation est toujours exclusivement masculine.
Par ailleurs, le talent conférant l'autorité, l'auteur est nécessairement un homme, et ceci depuis l'origine.
Au IIIème siècle de notre ère, un grammairien latin déniait aux femmes le bénéfice de l'usage du féminin pour le mot « auteur », la féminisation des tâches n'étant tolérée que pour les tâches subalternes de copie des oeuvres. Pourtant, on retrouve bien le mot « autrice » dans les registres de la Comédie Française...
Pour sortir de ces blocages - à la fois hautement symboliques, mais également très concrets - la fédération interrégionale H/F a rédigé un manifeste qui se veut une plateforme de revendications, au premier rang desquelles figure la demande de faire appliquer au secteur culturel les lois applicables en matière d'égalité professionnelle.
Parmi les principales propositions, j'en citerai deux qui consistent à rendre visibles les inégalités et à mettre en place des mesures concrètes pour aller vers l'égalité (obligation de respecter la parité dans les appels à candidature ou les jurys et dans l'attribution de moyens financiers...) mais aussi des mesures à valeur symbolique.