remplaçant M. Gilbert Roger, rapporteur. - Mes chers collègues, je vais vous présenter l'intervention de notre collègue Gilbert Roger, empêché d'être présent à notre réunion.
La France et l'île Maurice ont conclu, le 7 juin 2010, un accord-cadre relatif à une cogestion de l'île de Tromelin et de ses espaces maritimes.
L'île de Tromelin, d'une superficie d'un kilomètre carré et inhabitée, est située dans l'océan Indien à 450 km à l'est de Madagascar, et à 500 km au nord de Maurice et de la Réunion.
On pourrait légitimement s'étonner qu'un territoire aussi restreint puisse faire l'objet de négociations entre deux Etats. Le premier motif de celles-ci est que la nationalité de l'île est contestée : la France la considère comme l'une de ses « îles Eparses », alors que Maurice en revendique la souveraineté, depuis 1976. Cette revendication est fondée sur le fait que Maurice estime que le Traité de Paris, du 30 mai 1814, par lequel la France cédait à la Grande-Bretagne l'Ile Maurice et ses dépendances, incluait Tromelin. Elle aurait donc dû entrer en possession de Tromelin lors de son accession à l'indépendance en 1968.
Ce différend est suscité par la richesse de la zone économique exclusive (ZEE) attachée à l'île Tromelin.
Par note verbale en date du 17 mai 2011, publiée sur le site des Nations unies (Division des océans et du droit de la mer), Maurice avait revendiqué sa souveraineté sur Tromelin et réaffirmé ses droits sur la ZEE adjacente. Cette note se référait à la publication par la France, sur le même site, d'une liste de coordonnées géographiques de points définissant les limites extérieures de la zone économique exclusive de Tromelin et de La Réunion ; Maurice a rappelé à ce sujet qu'elle avait « une pleine et entière souveraineté sur l'île de Tromelin, y compris ses zones maritimes », qu'elle a elle-même déposé une liste de coordonnées géographiques de points et une carte concernant Tromelin en 2008, et qu'elle avait déjà protesté en 1978 contre la « prétention française » à instaurer une zone économique au large des côtes de Tromelin.
Je précise que les principales ressources halieutiques présentes autour de l'île de Tromelin sont constituées de thonidés (du thon germon en particulier) susceptibles d'exploitation, et de certaines espèces protégées (requins, mammifères marins), menacées par la pêche illégale.
Le présent accord vise à organiser la protection de l'île de Tromelin et de sa ZEE par une cogestion des deux Etats revendiquant sa souveraineté, sans se prononcer sur cette dernière. Dans cette perspective, il instaure des coopérations sectorielles dans les domaines économique, environnemental et archéologique régies par des conventions d'application annexées à l'accord. Des conventions additionnelles pourront, si nécessaire, être ultérieurement conclues dans d'autres domaines. Ces coopérations seront mises en oeuvre par un comité de cogestion, composé de deux délégations d'un nombre égal de membres, et qui se prononcera par consensus.
Quels sont les principaux avantages procurés à notre pays par cet accord ?
Il permet d'apaiser le seul contentieux existant dans la relation franco-mauricienne, par ailleurs excellente.
Il fournit, au sein de la commission de l'océan Indien (COI), un modèle de règlement des différends, notamment pour les quatre des cinq membres de la commission de l'océan Indien qui ont des conflits de souveraineté sur la délimitation et le contrôle de leurs ZEE. La COI, basée à Maurice, et créée en 1984, comprend, outre la France et Maurice, Madagascar, les Seychelles et les Comores.
Il manifeste la volonté française de rechercher des solutions bilatérales, l'accord prévoyant des démarches conjointes franco-mauriciennes auprès de plusieurs organisations régionales et internationales comme la COI, et la commission thonière de l'océan Indien.
Il permet l'établissement d'une liste conjointe des navires autorisés à pêcher dans la ZEE de Tromelin. Cette liste préserve les droits de pêche gratuits des armements français, mais ouvre à parité des droits équivalents aux armements mauriciens. Le comité de cogestion est chargé de déterminer la répartition de ces recettes entre la France et Maurice, et des garanties sont prises pour éviter la surpêche, avec l'évaluation des stocks et la détermination d'un plan de gestion.
Cet accord procure également des avantages à Maurice, car il permet de faire valoir une approche pragmatique et constructive dans un dépassement du contentieux sur la souveraineté. Le comité de cogestion, pivot de l'accord, devrait pouvoir être institué dans les mois qui suivent l'approbation de ce texte. L'accord permettra de coordonner les moyens dont disposent la France et Maurice en matière de répression de la pêche illicite, même si ce phénomène est encore limité dans cette zone.
La marine nationale dispose, à partir de la Réunion, de plusieurs bâtiments consacrés à des missions anti-piraterie, et aux patrouilles dans les TAAF (terres australes et antarctiques françaises) : deux frégates de surveillance, « Nivôse » et « Floréal », dotées chacune d'un hélicoptère Panther, deux patrouilleurs, l'« Albatros » et le «Malin », un bâtiment de transport léger, le « Lagrandière » et une vedette côtière de surveillance maritime le « Verdon ».
Maurice possède un corps de garde-côtes, qui disposent de huit patrouilleurs hauturiers et de deux avions de patrouille maritime.
Au vu des nombreux avantages mutuels apportés par le présent accord, je vous engage donc à l'adopter, et à prévoir son examen en séance publique sous forme simplifiée.