Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 12 novembre 2012 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion d'un projet de loi

Jérôme Cahuzac :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale examiné aujourd’hui par la Haute Assemblée s’inscrit dans une stratégie de retour à l’équilibre des finances publiques, tout en préservant naturellement les priorités affectées à la politique de protection sociale du Gouvernement.

Le redressement des finances publiques est une nécessité, comme cela a été dit à plusieurs reprises du haut de cette tribune, d’abord parce que la France a donné sa parole et qu’un grand pays doit respecter ses engagements.

Il est aussi indispensable, car notre pays se doit de rétablir sa souveraineté, qui a été au moins en partie aliénée au profit d’institutions financières et d’agences de notation. Retrouver cette souveraineté, c’est rendre la parole au seul vrai décisionnaire des politiques de ce pays, c'est-à-dire au peuple.

Le redressement des finances publiques est aussi un impératif moral. Comment accepter que les générations futures, par les impôts qu’elles devront acquitter, remboursent des dépenses engagées par les générations qui les ont précédées, d’autant que ces dépenses sont moins des dépenses d’investissement que des dépenses de fonctionnement ?

Enfin, le désendettement de notre pays est un impératif pour la compétitivité de nos entreprises et donc de la France, tant il est vrai que la puissance publique depuis maintenant de nombreuses années lève trop de liquidités sur le marché. C’est autant d’argent en moins pour l’investissement dans le secteur productif.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit donc dans la stratégie de redressement des comptes publics engagée par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, sous l’autorité, bien évidemment, du Président de la République, François Hollande.

Convenons qu’il y avait une certaine urgence à mettre en œuvre une telle politique au vu de l’aggravation du déséquilibre des finances publiques ces dernières années. Et la protection sociale a, hélas ! contribué à cette dégradation.

Entre 2002 et 2012, près de 160 milliards d’euros de dettes supplémentaires ont été contractés par les différentes administrations de sécurité sociale, qu’il a fallu financer en levant des fonds sur les marchés financiers : 160 milliards d’euros qu’il faudra désormais rembourser ; 160 milliards d’euros qui, d’ailleurs, ont été transférés à la CADES, une CADES dont la durée de vie a été prolongée de 2021 à 2024 lorsque la majorité précédente a décidé de revenir sur la règle d’or sociale. Pourtant, c’est cette même majorité qui avait adopté il y a quelques années ladite règle d’or, qui imposait de ne transférer de nouvelles dettes à la CADES qu’à la condition de transférer parallèlement des recettes supplémentaires de façon à amortir la dette ainsi contractée. Tel ne fut pas le cas. Et l’on sait que, si une dette considérable a été transférée à la CADES, ce fut sans recettes supplémentaires en vue de l’amortissement, rendant obligatoire l’allongement de la durée de vie de la caisse, c'est-à-dire l’appel aux générations futures pour payer les dépenses de fonctionnement contractées par les générations actuelles.

Le Gouvernement s’inscrit en rupture avec cette politique qui n’a que trop duré.

Il est vrai que, au cours des cinq dernières années, la crise a été pour beaucoup dans la dette supplémentaire de 160 milliards d’euros encore que, entre 2002 et 2007, ce sont près de 70 milliards d’euros de dettes qui furent contractés par les autorités du pays alors même que la crise n’avait pas encore éclaté.

S’il est donc intellectuellement honnête de convenir que la crise fut en partie responsable de ces dettes supplémentaires, il n’est pas moins honnête d’affirmer que les politiques publiques menées depuis 2002 ont contribué par elles-mêmes à l’aggravation de la situation. Puis-je rappeler qu’en 2002, en 2001, en 2000 la protection sociale, tous régimes confondus, était excédentaire, qu’elle n’a été déficitaire que par la suite, pour devenir très gravement déficitaire, et enfin déficitaire de manière insupportable ?

Il faut rompre avec les politiques de financement à crédit des mesures de protection sociale.

Deuxième rupture par rapport aux politiques passées, vous l’aurez sûrement remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit pas de déremboursement, ni l’instauration de nouvelles franchises ou de taxes qui frapperaient aveuglément la grande majorité de nos concitoyens dans des proportions insupportables. On le sait, il y a cinq ans, les franchises médicales furent instituées. La recette était de 1 milliard d’euros. On le sait également, ces dernières années, et à deux reprises, une taxe sur les mutuelles fut instaurée, avec un rendement de 2, 2 milliards d’euros en année pleine. Bref, ce sont les assurés, les patients, qui ont été sollicités, non seulement par ces mesures de recettes, mais également par des mesures de déremboursement puisque, sous l’empire de la majorité précédente, le taux de protection sociale a diminué de 1, 7 %.

Tel n’est pas la politique du Gouvernement, qui souhaite maintenir le taux de protection sociale tout en tentant de redresser les comptes publics et ceux de la protection sociale.

Qu’il me soit permis à présent de développer ces divers points.

Le déficit tendanciel au titre du régime général et du fonds de solidarité vieillesse est en 2012 de 19, 7 milliards d’euros, alors que le déficit voté l’an dernier dans la loi de financement de la sécurité sociale avait été fixé à 17, 4 milliards d’euros.

Cette aggravation dans l’exécution appelle des mesures correctrices, que Mmes Marisol Touraine, Dominique Bertinotti, Marie-Arlette Carlotti et moi-même allons vous présenter. Elles permettront de réduire ce déficit tendanciel de 19, 7 milliards d’euros à 13, 9 milliards d’euros en exécution. Si ce déficit reste important, convenons toutefois que l’amélioration est considérable. C’est donc un effort de 5, 8 milliards d’euros que le Gouvernement demande au Parlement de bien vouloir approuver par son vote, afin de commencer à apurer les déficits publics que notre pays a accumulés et qu’il va devoir supporter encore quelques années, je le crains.

Cet effort de 5, 8 milliards d’euros consiste d’abord en économies dans la dépense.

Ainsi, le taux d’évolution de l’ONDAM a été fixé à 2, 7 %, ce qui permettra de réaliser l’année prochaine une économie de 2, 4 milliards d’euros, qui est loin d’être négligeable. J’ai entendu dire, ici ou là, que cet objectif serait encore fixé à un niveau trop élevé. Je ferai simplement remarquer qu’entre 2007 et 2012 l’évolution moyenne de l’ONDAM a été, non de 2, 7 % ni davantage de 2, 8 % ou de 2, 9 %, mais bien de 3, 3 % d’une année sur l’autre.

En ce début de mandature, il semble que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault prenne plus que le premier gouvernement Fillon la mesure de l’état très préoccupant de nos finances sociales en fixant un ONDAM, certes exigeant, mais qui ne risque pas de compromettre les politiques de santé publique que nous entendons mettre en œuvre et sur lesquelles Marisol Touraine reviendra tout à l’heure.

Cette économie de 2, 4 milliards d’euros ne suffira pas pour atteindre l’effort de 5, 8 milliards d’euros que je viens d’indiquer. C’est la raison pour laquelle sont prévues des mesures de recettes supplémentaires sur lesquelles je reviendrai dans un instant.

Qu’il me soit permis de préciser que, en dépit de cette politique très volontariste de retour à l’équilibre de nos finances publiques, les priorités du gouvernement de Jean-Marc Ayrault inscrites dans ce PLFSS ont été financées sans recours à l’emprunt.

C’est vrai pour l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, augmentée de 25 %. Cette mesure, qui représente un coût de 450 millions à 480 millions d’euros, sera financée par un effort demandé aux ménages bénéficiant du quotient familial, puisque le plafond du quotient familial sera abaissé de 2 336 euros à 2 000 euros.

Cette somme de 450 millions d’euros n’est pas soustraite aux familles en vue d’abonder le régime général, de financer une autre politique que la politique familiale. Cet effort demandé à certaines familles…

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